Apocalypse

Chapitre 13

Nous sommes ainsi amenés à voir se développer les plans que forme Satan pour accomplir son dessein longtemps caressé de supplanter, non seulement l’évangile et la loi, mais le témoignage du royaume de Dieu dans le monde. À cet effet, Satan suivra deux voies propres à enlacer les deux classes d’hommes naturels qui ont toujours existé ici-bas; ceux qui aiment le pouvoir et ceux qui s’attachent à la religion. Bien entendu, je ne parle pas ici de ceux qui sont nés de Dieu, mais il est évident que le cœur de l’homme se laisse éblouir par le prestige de l’intelligence et de la puissance, ou se précipite dans les formes religieuses. Le diable mettra donc en avant deux principaux instruments, comme chefs de ces systèmes qui exprimeront ces deux tendances de la nature humaine, et qui répondront exactement à ce que le cœur de l’homme cherche et veut avoir. Ainsi, dès le commencement, Satan a eu le dessein de s’établir lui-même comme Dieu en l’homme. Car, de même que Dieu se plaît à développer en l’homme toutes ses voies et ses conseils merveilleux, Satan aussi agira par l’homme. Comme le Seigneur Jésus est non seulement une personne divine, mais l’expression de la gloire et de la grâce de Dieu; comme l’Église est l’objet de son amour se déployant dans les bénédictions célestes dont il l’enrichit, et comme Israël est l’objet de sa faveur sur la terre; ainsi l’ennemi, qui ne peut pas produire, mais seulement corrompre la vérité, imitera, d’une façon profane et par des voies de mensonges, les conseils de Dieu, et aura ses Bêtes, tout aussi certainement que Dieu a son Agneau. C’est ce qu’établit clairement le chap. 13. Là nous voyons ces deux bêtes; l’une le pouvoir civil, l’autre le pouvoir religieux, et tous deux apostats.

«Et je me tins sur le sable de la mer; et je vis monter de la mer une bête qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème». La bête qui s’élève du monde romain dans un état d’anarchie révolutionnaire figuré par la mer, est tout à fait propre à servir le dragon dans son opposition aux desseins de Dieu. Elle est présentée revêtue des mêmes attributs que le dragon au chap. 12, c’est-à-dire de ces formes de pouvoir qui caractérisent l’empire romain. Mais il y a une différence: le dragon avait les diadèmes sur ses têtes, tandis que la bête les a sur ses cornes, ce qui nous montre davantage les choses telles qu’elles seront effectivement.

Le dragon représente l’ennemi de Christ, se servant, depuis le commencement jusqu’à la fin, de la puissance politique de l’empire romain, de sorte que ce sont les têtes, c’est-à-dire les formes successives du pouvoir, que nous voyons couronnées, et non les cornes. Celles-ci, en fait, ne devaient pas apparaître avant la fin de l’histoire de l’empire romain, tout au moins pas avant que les Barbares n’eussent renversé l’empire d’Occident.

D’un autre côté, dans la première bête du chap. 13, on voit, non seulement l’esprit caché du mal faisant usage du pouvoir de Rome dans les diverses formes qu’il a revêtues, mais l’empire dans son état final, quand la blessure mortelle faite à la bête impériale aura été guérie, et qu’ainsi rendue à la vie, Satan lui donnera sa puissance, son trône, et une grande autorité. Or c’est là l’époque où les dix cornes reçoivent autorité comme rois; c’est simultanément avec la bête, comme l’indique le chap. 17. Voilà pourquoi les cornes de la bête sont vues couronnées, et non pas les têtes comme dans le cas du dragon.

La bête est ensuite décrite en termes remarquables qui rappellent les bêtes du 7° chapitre de Daniel, auquel, sans nul doute, il est fait allusion. «Et la bête que je vis était semblable à un léopard, et ses pieds comme ceux d’un ours, et sa bouche comme la bouche d’un lion». Ces traits appartiennent aux trois premières bêtes vues par Daniel. Satan ne peut rien produire, mais il adopte, dans tout ce qui a existé, tout ce qui convient à ses desseins, et c’est ainsi qu’il essaie, par la plus étrange des combinaisons, de former la bête du quatrième empire, à laquelle nulle ne doit succéder, de manière à ce qu’elle surpasse, dans les derniers jours, tout ce qui a jamais paru autrefois.

Que faut-il entendre par une bête? Un système impérial ou un empire qui refuse de reconnaître le Dieu des cieux. L’homme fut créé pour connaître Dieu, et seul il le fait, comme enseigné de Dieu. Seul de tous les êtres de la terre, l’homme a été fait pour regarder vers Celui qui est en haut, et il est placé sous la responsabilité de faire la volonté de Dieu. La bête, au contraire, ne regarde que vers la terre, elle n’a nulle conscience d’un être supérieur invisible. «L’insensé a dit en son cœur: Il n’y a pas de Dieu». En principe, cela est vrai de tout homme qui n’est pas né de nouveau, mais dans le cas d’un pouvoir impérial, c’est d’autant plus terrible, qu’il doit réfléchir l’autorité que Dieu, dans sa providence, lui a conférée. Nul empire ne peut échapper à la sentence morale impliquée dans ces symboles, mais la bête qui est ici en question, ira bien au delà de ce qui a jamais paru.

Au temps où la prophétie dont nous nous occupons fut donnée, la quatrième bête existait; mais le prophète est appelé à voir que d’un état de bouleversement politique, juste avant la dernière demi-semaine d’années, et en relation avec l’expulsion de Satan hors du ciel par la puissance de Dieu, cette bête surgira de la mer. Cela veut dire qu’il y aura dans l’Occident un état de complète confusion, et qu’un pouvoir impérial s’élèvera. C’est celui dont nous trouvons ici la description.

«Et je vis l’une de ses têtes comme frappée à mort; et sa plaie mortelle avait été guérie; et la terre tout entière était dans l’admiration de la bête». Il y a des raisons suffisantes pour conclure que la tête blessée était la forme impériale du gouvernement. L’empire d’Occident aura, depuis longtemps, cessé d’exister, quand, chose étrange à dire, il réapparaîtra dans les derniers jours. Ce qui excitera l’étonnement du monde n’est pas le simple fait du retour de l’impérialisme; car si l’on a pu penser que c’en était fait de l’empire romain, rien n’empêche de concevoir l’apparition d’un nouvel empire, germanique, moscovite, ou toute autre domination d’une vaste étendue. Mais la résurrection de l’empire romain frappera le monde de surprise, et c’est là une partie de ce à quoi il est fait allusion ici. Cependant, comme les raisons de cette assertion dépendent du chap. 17, je ne puis entrer maintenant dans une discussion détaillée de ce sujet, sans anticiper sur ce que nous verrons plus tard. Qu’il suffise que j’aie indiqué, en passant, ce que je crois être sur ce point la vérité révélée.

Nous trouvons ensuite plus que le fait que cet empire possède les caractères de puissance qui appartenaient aux empires d’autrefois; plus que son caractère propre marqué par la résurrection de l’impérialisme aux derniers jours: nous lisons qu’«ils rendirent hommage au dragon, parce qu’il avait donné le pouvoir à la bête; et ils rendirent hommage à la bête, disant: Qui est semblable à la bête, et qui peut combattre contre elle?» paroles qui nous montrent clairement le monde dans un état d’apostasie et d’idolâtrie. Le dragon est adoré, ainsi que la bête. Le second chapitre de la deuxième épître aux Thessaloniciens établit clairement que l’adoration est rendue à un autre personnage, en rapport avec les deux précédents, mais distinct d’eux, qui est nommé «l’homme de péché», et qui est plutôt un pouvoir religieux. La première bête est un corps politique; le chef religieux ne se trouvera pas du tout dans l’Occident, mais à Jérusalem, où il sera, à la fin, un objet tout spécial de culte dans le temple de Dieu.

Il y a ici pour plusieurs une difficulté, en ce qu’il est dit positivement, que l’homme de péché ne tolérera aucun autre objet de culte que lui-même. Mais il faut se rappeler que les trois sont associés pour un même but, et ont un même dessein. Adorer l’un est donc tout autant qu’adorer l’autre. Il en est ainsi quant au vrai Dieu: on n’adore pas une personne dans la déité, sans rendre le même hommage aux autres. C’est en vain que l’on prétendrait adorer le Père sans adorer le Fils; et celui qui adore le Père et le Fils, ne le peut que dans la puissance du Saint Esprit. Lorsque nous adorons Dieu comme tel, — lorsque nous disons «Dieu», nous n’entendons pas le Père seulement, mais le Père, le Fils et le Saint Esprit. Ainsi en sera-t-il dans cette effrayante contrefaçon, fruit de l’énergie, de la ruse et de la puissance sataniques qui se déploieront à la fin. L’adoration du dragon et de la bête me semble donc tout à fait compatible avec le culte divin rendu à l’homme de péché. Le fait est que ces trois forment, comme on l’a remarqué avec justesse, la grande anti-trinité; la trinité du mal opposée à la Trinité divine. Il est clair que le diable est le promoteur de tout; mais le chef public de sa puissance au point de vue politique, est la bête, tandis que le grand agent religieux, qui exécute tous les plans, et fait même des miracles pour les appuyer, est la seconde bête, ou l’homme de péché.

Telle semble être la vraie signification et la liaison de toutes ces choses, si nous nous soumettons aux différents passages des Écritures qui en parlent. Je sais que sur ce point, comme sur presque tout autre, il y a des différences de pensée. Mais cette objection n’en est pas une. La seule question est: Qu’est-ce qui satisfait le mieux à la parole de Dieu? — qu’est-ce qui répond le plus exactement, non seulement à la lettre de cette parole, mais aux grands principes qu’elle pose? Je suis donc persuadé que, bien loin qu’il y ait aucun obstacle réel à admettre le fait que ces trois personnages différents soient unis comme objet d’un même culte, au contraire on ne peut bien comprendre la force et la nature de ce qui aura lieu, si l’on perd cela de vue.

Poursuivons donc l’étude des autres points que l’Écriture place devant nous. «Et il lui fut donné une bouche qui proférait de grandes choses et des blasphèmes; — et le pouvoir d’agir quarante-deux mois lui fut donné. Et elle ouvrit sa bouche en blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, et son habitation, et ceux qui habitent dans le ciel». D’après ces paroles, il est évident, comme d’ailleurs nous l’avons déjà remarqué, qu’il y a, dans le ciel, un peuple mis à l’abri de l’action et de la puissance, soit de Satan, soit des instruments publics de sa malice dans le monde. En même temps, il y a aussi des saints ici-bas. L’habitation d’en haut peut être blasphémée: Satan peut outrager ceux qui y demeurent; mais il ne peut les toucher: il ne peut même plus accuser devant Dieu. Il emploie donc toute sa puissance pour faire agir l’homme sur la terre suivant ses desseins.

«Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints» (évidemment à ceux qui ne sont pas dans le ciel) «et de les vaincre. Et il lui fut donné pouvoir sur toute tribu et peuple et langue et nation. Et tous ceux qui habitent sur la terre, dont le nom n’a pas été écrit, dès la fondation du monde, dans le livre de vie de l’Agneau immolé, lui rendront hommage». On voit qu’il y a une distinction toujours observée entre la foule des gentils ou nations dispersés sur la surface du globe, et «ceux qui habitent sur la terre». Les premiers forment une classe qui embrasse l’ensemble du monde; c’est un terme plus général; par les derniers, il faut entendre ceux qui composent une sphère beaucoup plus restreinte, dont le caractère d’attachement à la terre est plus décidé, parce qu’ils ont connu le témoignage céleste de Christ et de l’Église. Ils peuvent en retenir le nom, mais les cœurs apostats ont délibérément préféré la terre au ciel; leur part ne sera ni l’une ni l’autre, mais l’étang de feu.

Combien n’est-il pas solennel de voir que telle est la fin vers laquelle la chrétienté se précipite! L’incrédulité et la superstition l’y entraînent rapidement. Tout est à l’œuvre pour produire cet état de choses terrestre et étranger à Dieu. Jamais, depuis que l’évangile a été prêché, les hommes n’ont mis autant d’ardeur dans leurs tentations d’améliorer la terre, et, par conséquent, d’oublier, jour après jour, le ciel, auquel ils ne pensent que comme à une triste et sombre nécessité quand ils devront mourir, et ne pourront éviter de quitter ce monde. Mais quant à se tourner vers le ciel, comme vers une espérance pleine de joie, et une demeure vers laquelle tendent les affections, jamais ce n’a été plus entièrement éloigné des pensées des hommes. Tout cela prépare à la désignation qui sera donnée à ceux qui, ayant entendu parler du ciel, auront volontairement abandonné toutes les espérances qui s’y rattachent, afin de s’établir ici-bas sur la terre, dont ils sont, par excellence, les habitants, y ayant placé et leur cœur et leurs pensées. Les autres sont «toute tribu et peuple et langue et nation», qui comparativement ont peu entendu parler de l’évangile. La bête essaiera d’exercer son action sur les uns et sur les autres, mais plus particulièrement «tous ceux qui habitent sur la terre, dont le nom n’a pas été écrit, dès la fondation du monde, dans le livre de vie de l’Agneau immolé, lui rendront hommage».

Remarquons soigneusement et rappelons-nous que les mots «dès la fondation du monde», ne se rapportent pas, comme le voudraient certaines versions, à «l’Agneau immolé», mais au «nom qui n’a pas été écrit». Jean ne veut pas dire que l’Agneau a été immolé «dès la fondation du monde», mais que le nom n’a pas été écrit «dès la fondation du monde dans le livre de vie de l’Agneau immolé». Comparez ce passage avec Apocalypse 17:8.

«Si quelqu’un a des oreilles, qu’il écoute! Si quelqu’un mène en captivité, il ira en captivité; si quelqu’un tue avec l’épée, il faut qu’il soit tué par l’épée. C’est ici la patience et la foi des saints». Ces paroles importantes ont pour objet de garder absolument les saints de prendre le pouvoir dans leurs propres mains. Ils peuvent crier à Dieu, et lui demander de se lever pour juger la terre, mais ils ne doivent pas combattre eux-mêmes. Comme la bête a pris le pouvoir, elle en subira les conséquences. Elle peut mener en captivité, mais elle ira en captivité elle-même; elle peut tuer avec l’épée, mais elle sera tuée, et même son sort sera encore beaucoup plus terrible. La patience, avec la sanction rétributive qui lui est jointe, est posée comme un principe général, de manière à s’appliquer à chacun. Ce passage est certainement et particulièrement destiné à garder les saints de toute méprise et de toute action fâcheuse. Il ne s’applique pas uniquement au temps de la bête, c’est plutôt un avertissement donné, d’une façon générale, aux saints de Dieu.

Nous devons arrêter davantage notre attention sur la dernière partie du chapitre où il est question d’une seconde bête, parce que c’est un sujet qui a présenté et qui présente une certaine difficulté, et où l’on peut aisément faire quelque confusion. Remarquons d’abord que la seconde bête est ce qui, plus particulièrement, ressemble en méchanceté à ce que le Seigneur Jésus était en bonté. C’est, à la vérité, une «bête», c’est-à-dire qu’elle possède une espèce de puissance impériale, quoique très probablement sur une échelle beaucoup moindre que la première. Néanmoins elle porte le caractère impérial; elle n’est pas simplement une corne, mais une bête. En second lieu, ses cornes présentent quelque chose de particulier: «elle avait deux cornes semblables à un agneau». C’est la prétention de ressembler au Messie; mais «elle parlait comme un dragon»: elle est réellement l’expression de Satan. «Et elle exerce tout le pouvoir de la première bête devant elle»; il est clair, d’après cela, que la seconde bête est la plus énergique des deux, et l’instrument actif du mal.

Tel a toujours été le cas dans toute espèce de mal qui s’est manifesté dans le monde. Les promoteurs du mal, je veux dire les personnes qui, ouvertement ou en secret, exercent la plus mauvaise influence, sont, en règle générale, celles qui se placent sous le couvert de la religion. La religion de la terre est la source féconde des pires de tous les maux qui se sont produits sous le soleil; sans elle le diable ne pourrait pas accomplir ses desseins. N’est-ce pas, pour ceux qui ont avec cette religion le moindre lien, une chose à la fois solennelle et terrible?

En conséquence de ce caractère de la seconde bête qui ressemble à Christ et qui prend cette place, nous voyons qu’elle ne sort pas de la mer, c’est-à-dire des nations dans un état de trouble et d’agitation, mais elle surgit de la terre. L’état des choses est plus stable, quand elle apparaît, exerçant tout le pouvoir de la première bête devant elle. Cela veut dire en sa présence, avec sa pleine sanction; ce n’est pas une usurpation, ce n’est en aucun sens quelque chose qu’elle fasse sans elle; elle agit en sa présence, «et fait que la terre et ceux qui habitent sur elle rendent hommage à la première bête dont la plaie mortelle avait été guérie». On voit qu’elles s’entendent entre elles; toutefois on remarquera qu’au second chapitre de la seconde épître aux Thessaloniciens, l’action de la seconde bête pour faire adorer la première bête n’est pas mentionnée, mais qu’elle réclame pour elle-même et s’arroge les honneurs divins; elle est adorée comme Dieu. Comment concilier ces deux passages?

Tout s’éclaircit, si nous nous rappelons que la première bête désigne l’empire romain, et que, par conséquent, le siège de sa puissance est en Occident. La seconde bête, au contraire, est en Palestine, et affecte une forme juive. Un simple coup d’œil sur 2 Thessaloniciens 2, montre que l’apôtre présente ce qui sera en Judée, et non à Rome, puisque c’est dans le temple de Dieu que s’assied l’homme de péché comme étant un objet d’adoration. Mais rappelons-nous qu’il faut prendre l’Écriture dans son ensemble. Si nous lisons 2 Thessaloniciens 2, comme donnant tout ce que la Bible renferme touchant l’homme de péché, nous laissons de côté une portion des Écritures, et nous n’aurons qu’une notion incomplète. D’un autre côté, si nous nous en tenons uniquement à ce qui se trouve dans le chapitre 13 de l’Apocalypse, certains éléments nous ferons défaut. Dieu a tout arrangé avec une sagesse parfaite, ne voulant pas que nous nous bornions à lire une partie seulement de sa Parole, mais que nous la sondions diligemment dans son entier. Il ne nous donnera pas une grande intelligence des saints écrits, à moins que nous n’ayons une confiance réelle en tout ce qu’il nous a communiqué par eux, et que nous ne les appréciions tous à leur juste valeur. C’est donc en rapprochant ces diverses portions des Écritures, dans lesquelles il y a amplement de la lumière pour montrer ce dont il est question, que nous parviendrons à une vraie intelligence du sujet.

Or il est tout à fait clair que la première partie du chap. 13 de l’Apocalypse place sous nos yeux un puissant pouvoir politique, et il est également évident que 2 Thessaloniciens 2 ne présente pas un grand système impérial, mais plutôt une puissance religieuse. L’homme de péché est, sans doute, un personnage absolument inique (sans loi); toutefois c’est un pouvoir religieux. Il réclame pour lui-même ce qui n’appartient qu’à Dieu, et c’est là précisément ce qui se rapporte à la seconde bête.

Nous pouvons remarquer un autre trait dans le symbole qui nous est présenté ici. La bête a deux cornes: cela se rattache, je pense, au témoignage de Jean tout entier. On peut aisément voir que sa tendance générale est de nous montrer ce qu’a été notre bien-aimé Seigneur sur la terre, et non ce qu’il est dans le ciel. Bien qu’il y ait, sans nul doute, en Jean des passages qui font exception, c’est en cela que son témoignage forme contraste avec celui de Paul, dont l’objet principal est de diriger nos regards vers Christ dans le ciel.

Cette remarque me semble importante pour établir ce que signifient ces deux cornes. Le Seigneur Jésus, nous le savons tous, fut un prophète sur la terre; et nous savons, avec la même certitude, qu’il régnera comme Roi sur la terre. Mais qu’est-il dans l’intervalle? Il est sacrificateur dans le ciel, et c’est Paul qui met en relief cette fonction céleste de Christ. Jean ne s’étend jamais, que je sache, sur les offices de Christ dans le ciel, si ce n’est quand il montre ce qui s’y rattache, comme dans les chapitres 13, 14, 17 et 20 de son évangile, mais ce sont des exceptions. Le courant général des pensées de Jean nous montre Christ manifestant Dieu ici-bas; la doctrine de Paul est l’homme glorifié dans le ciel.

Voilà, je pense, ce qui nous explique ce que sont les deux cornes de la bête. Quand l’antichrist apparaîtra, il ne prendra pas la place de sacrificateur; ses prétentions seront beaucoup plus élevées. Il se posera comme prophète et comme roi; oui, comme roi imitant ce que Christ sera pour Israël. Il a deux cornes, et non pas sept; c’est une imitation, mais non la pleine et parfaite puissance de Christ. Dans l’antichrist on verra donc la prétention de posséder ce qui appartient à Christ en relation avec la terre, avec l’absence la plus marquée de ce qui le caractérise dans le ciel.

Pour le dire en passant, nous voyons par là que c’est une erreur d’appliquer tous ces traits de la seconde bête à la papauté, comme si c’en était l’entière signification. Le caractère essentiel de la papauté est précisément de prétendre être sur la terre la vivante représentation de la sacrificature de Christ; c’est donc la corruption de ce qui est céleste et non de ce qui est messianique, et par conséquent le papisme est l’anti-église plutôt qu’il n’est l’antichrist. Telle est la différence.

Mais lorsque s’accomplit ce qui est écrit en Apocalypse 13, il n’est plus question d’Église. Le corps chrétien n’est plus vu sur la terre, les saints des hauts lieux sont dans le ciel.

L’antichrist ne cherchera donc pas à se faire passer comme revêtu de la dignité sacerdotale de Christ, mais il assumera la place de prophète que Christ a eue sur la terre, et celle de roi qu’il doit y occuper plus tard. Ce personnage prétendra à l’un et à l’autre de ces pouvoirs. Il a «deux cornes semblables à un agneau», et accomplira de grands signes et des prodiges. Son activité est double. Avant tout, il emprunte la puissante influence de l’empire romain, et exerce toute l’autorité de la première bête. En outre, il fait de son chef beaucoup de choses que l’empereur romain ne pourrait accomplir. «Et elle fait de grands miracles, en sorte que même elle fait descendre le feu du ciel sur la terre, devant les hommes». C’est-à-dire qu’elle n’imite pas seulement la puissance de Christ, mais celle de Dieu. Elle a la prétention d’être Jéhovah, le Dieu d’Israël, précisément comme Jésus est Jéhovah aussi bien que le Messie. Ainsi cet instrument de la puissance de Satan à Jérusalem voudra rivaliser avec ce que Dieu fit autrefois par Elie pour renverser les prétentions des prêtres de Baal, et fera des miracles, non en réalité toutefois, mais en apparence. «Elle fait de grands miracles, en sorte que même elle fait descendre le feu du ciel sur la terre, devant les hommes. Et elle séduit ceux qui habitent sur la terre, à cause des miracles qu’il lui fut donné de faire.

Tout nous montre que c’est bien là l’antichrist. La première bête ne fait aucun miracle; elle frappe le monde d’étonnement en lui montrant l’empire romain ressuscité, mais cela ne peut pas être appelé un signe ou un miracle. La bête qui monte de la terre est incomparablement plus énergique et plus active; elle fait de grands miracles, par la puissance de Satan, sans doute, mais enfin, c’est elle qui les accomplit, et la conséquence en est qu’elle «séduit ceux qui habitent sur la terre», jusqu’à leur dire «de faire une image à la bête qui a la plaie de l’épée et qui a repris vie». Je ne puis affirmer si cette image est ou non l’abomination de la désolation placée dans le saint lieu, quoiqu’il semble probable que ce soit là cette idole.

«Et il lui fut donné de donner la respiration à l’image de la bête, afin que l’image de la bête parlât même, et qu’elle fît que tous ceux qui ne rendraient pas hommage à l’image de la bête fussent mis à mort. Et elle fait qu’à tous, petits et grands, et riches et pauvres, et libres et esclaves, on leur donne une marque sur leur main droite ou sur leur front; et que personne ne peut acheter ou vendre, sinon celui qui a la marque, le nom de la bête, ou le nombre de son nom. Ici est la sagesse. Que celui qui a de l’intelligence compte le nombre de la bête, car c’est un nombre d’homme; et son nombre est six cent soixante-six».

Les divers efforts faits pour deviner ce que représente ce nombre ont laissé la question sans solution satisfaisante. Ce peut être un de ces secrets qui ne seront pas découverts, avant que n’apparaisse le personnage qu’ils concernent; alors nous pouvons être certains qu’au moins les «intelligents» le comprendront. Que nous le puissions actuellement, c’est plus, à mon avis, que nous ne devrions prétendre. Quel profit moral en retirerions-nous? Il est certain qu’il y a à recueillir maintenant dans l’Apocalypse, bien comprise, tout ce qui peut édifier et rafraîchir l’âme, tout ce que le Saint Esprit y a renfermé pour notre réelle bénédiction, en nous séparant du monde et nous attachant au ciel, et, par-dessus tout, à Christ; en fait, je crois que nous pouvons en tirer beaucoup plus que ceux qui, dans les jours à venir, auront à passer par les circonstances que ce livre mentionne. Mais il y a des points de détail tenus en réserve par la sagesse de Dieu, et qui, tels que celui-ci, ne seraient propres actuellement qu’à satisfaire la curiosité. Les connaître aura plus tard seulement son importance pratique. Aucune des explications données ne satisfait entièrement. Plusieurs sont entièrement en défaut, comme par exemple, «apostasie» ou «apostat», qui ne saurait être le nombre d’un homme. «L’homme» ou «l’empire latin», quoique méritant l’attention, ne peut être reçu, pour des raisons analogues. De plus, il ne semble pas que ce puisse être le nombre de l’antichrist, comme on le pense généralement, mais celui de l’empire ou plutôt de l’empereur romain, dans son antagonisme final contre Jéhovah et contre son Oint.