Amos

Chapitre 7

Chapitre 7 à 9 (v. 6) — Les visions

Chapitre 7

Nous avons vu plus haut le rôle que le nombre «trois», nombre de la perfection divine, joue dans Amos depuis le chap. 3. Nous y trouvons trois fois: «Écoutez cette parole», trois fois: «Cherchez-moi», trois fois: «Ainsi dit l’Éternel». Les chap. 5 et 6 n’ont que deux «Malheur», la série n’étant pas encore complète, comme elle le sera en Apoc. 9-11 par les trois trompettes de malheur.

Dans notre chap. 7:1-9 nous trouvons tout d’abord trois visions, correspondant, sans doute, aux trois invasions de l’Assyrien: Pul, Tiglath-Piléser et Shalmanéser.

La première vision est celle des sauterelles, image bien connue de l’Assyrien1. On sait comment Ménahem, roi d’Israël, sortit personnellement indemne de cette attaque en ruinant son peuple, fait auquel font allusion les mots: «le regain après la fauche du roi» (2 Rois 15:19-21). Le jugement accompli, le prophète intercède et implore le pardon de l’Éternel. Son intercession seule (pour nous celle de Christ) est capable d’arrêter le fléau. Il plaide pour tout Israël: «Comment Jacob se relèvera-t-il? car il est petit». Il affirme le contraire de ce que proclamaient les conducteurs du peuple, quand ils disaient: «Avec notre force, ne nous sommes-nous pas acquis de la puissance?» (6:13). Avouer devant Dieu sa petitesse, son incapacité de tenir tête au jugement, c’est parler selon les pensées de Dieu, et cela seul amène l’Éternel à se repentir, c’est-à-dire à changer de disposition envers son peuple: «Cela ne sera pas, dit l’Éternel» (v. 3). La destruction est momentanément arrêtée.

1 Voyez «Le livre du prophète Joël», par H. R.

La seconde vision est celle du feu qui, après avoir dévoré le grand abîme (en langage symbolique la mer, ou la masse confuse des peuples), s’attaque à l’héritage, c’est-à-dire au pays d’Israël. C’est Tiglath-Piléser (2 Rois 15:27-29; 1 Chron. 5:6, 26; 2 Chron. 28:20). Le prophète plaide de la même manière et Dieu répond de nouveau: «Cela aussi ne sera pas» (v. 4-6).

Dans la troisième vision, «voici, le Seigneur se tenait sur un mur bâti d’aplomb, et il avait un plomb à sa main. Et l’Éternel me dit: Que vois-tu, Amos? Et je dis: Un plomb. Et le Seigneur dit: Voici, je place un plomb au milieu de mon peuple Israël; je ne passerai plus par-dessus lui. Et les hauts lieux d’Isaac seront désolés, et les sanctuaires d’Israël seront dévastés, et je me lèverai avec l’épée contre la maison de Jéroboam» (v. 7-9).

Cette fois Dieu agit directement et définitivement. Il est sur un mur bâti d’aplomb; rien ne peut l’ébranler, mais il montre aussi sa justice et rien ne la fera dévier. Le plomb dans sa main marque le nivellement définitif du pays coupable. Il n’est plus question d’intercession, le jugement atteint son terme. Israël sera détruit. C’est la transportation des dix tribus par Shalmanéser (2 Rois 17:6). Quelle parole que celle-ci: «Je ne passerai plus par-dessus lui». Cette nouvelle allusion à la Pâque fait suite à celle du chap. 5:17, où l’Éternel annonçait qu’il traiterait Israël comme il avait traité l’Égypte; mais elle est plus solennelle encore que la première. Il n’y a plus pour le peuple ce qui, dans le passé, était le signe de sa rédemption, ce qui, par l’effusion du sang de l’agneau porté sur le linteau des portes, avait éloigné de lui le jugement de l’Éternel!

Les versets 10 à 17 de ce chapitre sont une espèce d’intermède, formant parenthèse et séparant les trois premières visions, complètes en elles-mêmes, des visions qui suivent au chap. 8. Amos est descendu à Béthel pour y prophétiser. Amatsia, sacrificateur de Béthel (non pas sacrificateur de l’Éternel), s’oppose au prophète. C’est le rôle que la sacrificature selon l’homme a toujours joué vis-à-vis des hommes de Dieu qui, par l’Esprit, apportent la parole de Dieu. Amatsia veut chasser le prophète du territoire des dix tribus, sur lequel il s’arroge des droits spirituels et accuse Amos auprès de Jéroboam par un faux témoignage, afin de le faire condamner par l’autorité séculière; mais il a hâte de se débarrasser du prophète, dont la présence, malgré tout, inquiète sa conscience: «Voyant, va-t’en; fuis au pays de Juda, et mange là du pain, et prophétise là, mais ne prophétise plus à Béthel, car c’est le sanctuaire du roi et la maison du royaume» (v. 12, 13). Il le renvoie à ses coreligionnaires, oubliant que Dieu ne se laisse pas limiter par les sectes humaines et ne sanctionne pas une autre autorité que la sienne! Pour lui, la chose importante est qu’Amos, en proclamant la vérité à Israël, ne réduise pas à néant tout le système religieux inventé par Jéroboam, fils de Nébath. La vérité est méprisée, en tout premier lieu par les chefs spirituels du peuple dont elle ébranle la position; ils ne reculent pas devant le mensonge pour la combattre et s’il le faut ils usent de contrainte par la main de l’autorité. Il en est de même de toute vérité qui condamne les royaumes des hommes. Plutôt chasser ceux qui la portent en les accusant de conspirer contre le roi et d’être insupportables au pays.

Combien le cœur d’Ézéchias fut plus noble, lorsque Michée, le Morashtite, prophétisa contre Juda et Jérusalem (Jér. 25:16-24). Le roi implora l’Éternel qui se repentit du mal prononcé. Plus tard, sous Jéhoïakim, la même scène se renouvela, par le moyen d’Urie, fils de Shemahia, et par le prophète Jérémie. Urie s’enfuit en Égypte et son manque de confiance en la protection de Dieu qui l’avait envoyé, fut cause de sa mort. Jérémie, sous le même roi, puis sous Sédécias (Jér. 27:28), fut préservé, car il se confia dans la parole de l’Éternel qui lui avait dit: «Je te ferai être à l’égard de ce peuple une muraille d’airain bien forte; ils combattront contre toi, mais ils ne prévaudront pas sur toi; car je suis avec toi pour te sauver et pour te délivrer, dit l’Éternel; et je te délivrerai de la main des iniques et te rachèterai de la main des violents» (Jér. 15:20, 21).

Avec la même assurance, Amos répond à Amatsia: «Je n’étais pas prophète, et je n’étais pas fils de prophète; mais je gardais le bétail, et je cueillais le fruit des sycomores; et l’Éternel me prit quand je suivais le menu bétail, et l’Éternel me dit: Va, prophétise à mon peuple Israël» (v. 14, 15). De sa part, aucune prétention. Il n’avait pas, en Juda, de situation officielle, et il reconnaît que son enseignement ne venait pas des écoles de prophètes; mais l’Éternel l’avait pris, lui avait parlé, l’avait envoyé. Cela suffisait. C’est ainsi que Dieu parle en un temps de raine, mais de la même manière il aime à choisir, en tout temps, les instruments qu’il envoie dans sa moisson. Pour réduire à néant toute la sagesse des hommes, il choisit les choses folles et méprisées du monde. Un simple berger peut devenir un prophète, un simple pêcheur un apôtre. Cela dépend du Seigneur qui distribue ses dons comme il lui plaît. Il en était autrement et d’une manière bien plus merveilleuse de Christ. Il n’était pas seulement fils de Dieu, mais fils de l’homme et, devenu tel, il fut envoyé dans ce monde pour être serviteur et prophète, les deux missions qui lui sont confiées dans l’évangile de Marc. Mais, quand les hommes disaient de lui: «Un grand prophète a été suscité parmi nous» (Luc 7:16), lui, préférant garder sa place d’esclave volontaire, dit: «Je ne suis pas prophète» (Zach. 13:5); non pas: Je n’ai pas droit de l’être; mais voici ce que j’ai choisi: «Je suis un homme qui laboure la terre; car l’homme m’a acquis comme esclave dès ma jeunesse»; je suis venu porter ici-bas, pour sauver les hommes, la condition d’abaissement dans laquelle le péché les a placés, et je me suis asservi à l’homme pour accomplir mon œuvre. Il m’a acquis, dès ma jeunesse, comme esclave. Je lui ai donné des droits sur moi, afin de pouvoir le délivrer! C’est ce que ne pouvait faire Amos. Dieu l’avait élevé de son humble position à la dignité de prophète. Jésus s’est abaissé de sa gloire suprême à la basse condition de l’esclave. Il s’est «anéanti lui-même, prenant la forme d’esclave»; aussi Dieu l’a souverainement élevé, après qu’il eut été obéissant jusqu’à la mort de la croix. Amos fut élevé de sa condition de berger à celle de prophète; Christ, de la position d’esclave (quoiqu’il fût Messie, Roi, prophète, et souverain Berger, de son propre droit divin) à la droite de la Majesté dans les hauts lieux, toutes choses étant mises sous ses pieds. Mais il veut, ressuscité et revêtu de cet honneur suprême, garder en amour son caractère de serviteur. La prophétie prend fin, l’amour jamais, et c’est pourquoi il dit: «Je ne suis pas prophète».

Amos cueillait le fruit des sycomores, arbre qui croît dans les pâturages du désert, et dont le fruit, subissant au préalable une longue préparation pour pouvoir servir de nourriture, n’est utile qu’aux pauvres et aux chétifs qui vivent de peu. Dieu le préparait ainsi à sa vie de privations au milieu d’un peuple qui refusait son ministère. Il n’avait sur son chemin que ce que Dieu lui donnait; de même Jean-Baptiste, le plus grand des prophètes, n’avait que les sauterelles et le miel sauvage, la nourriture du désert. Le Seigneur, lui, n’avait pas même de telles ressources. Le désert ne lui offrait après 40 jours de jeûne que des pierres au lieu de pain. Le Créateur de toutes choses avait faim et soif, et, mille fois plus que ces deux prophètes, dépendait entièrement de Dieu pour y pourvoir.

Au lieu de se laisser effrayer par les menaces d’Amatsia et le courroux de Jéroboam, Amos prophétise contre le sacrificateur qui voudrait se débarrasser de lui. Sa femme se prostitue, ses fils sont tués, son héritage lui est enlevé, lui-même meurt dans une terre impure. Tel est le sort de ceux qui «n’ont pas reçu l’amour de la vérité pour être sauvés». Le jugement individuel sur Amatsia et sa famille n’arrête en rien le jugement général prononcé sur la nation: «Et Israël sera certainement transporté de dessus sa terre» (v. 17).