Amos

Chapitre 6

Au chap. 6:1, le second «malheur» tombe de nouveau sur l’ensemble du peuple et spécialement sur la prospérité dont il jouissait. Les grands, que la maison d’Israël tenait pour ses protecteurs, cherchaient à étendre leurs frontières. Jéroboam Il avait éloigné le mauvais jour en s’emparant des villes de l’ennemi. Il avait reconquis Hamath, importante frontière naturelle d’Israël (2 Rois 14:28) parce que Dieu l’avait suscité comme «Libérateur» de son peuple, mais qu’étaient devenues Calné et Gath? L’Assyrien les avait reprises. Hamath resterait-elle à ceux qui se vantaient d’être «la première des nations»? Nous savons quel fut son sort (2 Rois 18:34; 19:13) et comment elle tomba aux mains de l’Assyrien. Qu’est-ce que Jéroboam avait fait de ses conquêtes? Une prospérité sans exemple en était résultée pour Israël; il avait profité de cet envahissement de territoires par la violence, pour accroître son luxe, pour se coucher «sur des lits d’ivoire», s’étendre mollement sur ses divans, manger «les agneaux du troupeau et les veaux gras de l’étable» (v. 4). David, le doux chantre d’Israël, avait inventé des instruments pour le chant, afin de célébrer dignement l’Éternel; eux, aussi experts que le roi prophète, en avaient inventé, mais à leur usage (v. 5). L’apparence était la même que du temps de David, les motifs avaient complètement changé. Leur but était de s’établir confortablement sur la terre, et ne différait pas de celui de Jubal, «père de tous ceux qui manient la harpe et la flûte» (Gen. 4:21). Ils étaient retournés aux principes sur lesquels le monde s’était constitué après la chute, mettant, en plus, sous la sauvegarde du nom de David, homme de Dieu, ce qui alimentait leurs passions égoïstes et leurs convoitises. Ils buvaient le vin de leur ivrognerie dans les coupes du sacrifice (voyez 1 Rois 7:40) destinées à l’Éternel. Dieu se laissait-il tromper par les coupes, en oubliant le vin dont ils s’enivraient? Ils s’oignaient «de la meilleure huile» destinée à la consécration des sacrificateurs; l’huile les rendait-elle agréables aux yeux de l’Éternel? Ils se vantaient d’être la race élue et ne s’affligeaient «pas de la brèche de Joseph» (v. 6), ne menaient pas deuil sur la ruine d’Éphraïm dont ils étaient la cause. La brèche de Joseph! Ce nom du bien-aimé, sur lequel, jusqu’aux collines d’éternité, reposaient les bénédictions de son père, ils l’avaient exposé à la ruine et se vantaient de leur civilisation! Ne peut-on pas en dire autant de nos jours, au sujet du nom de Christ? «C’est pourquoi, maintenant ils iront en captivité à la tête de ceux qui vont en captivité, et les cris de ceux qui sont mollement couchés cesseront» (v. 7). Plus leur culture mondaine, couverte d’un vernis religieux, avait été affichée, sans aucune conscience de leur ruine morale, plus terrible serait leur jugement. Éphraïm serait à la tête et Juda viendrait après lui.

Aux v. 8-10, le prophète revient à la maison de Jacob, représentée par Juda. Dieu a «en horreur l’orgueil de Jacob» et hait ses palais comme il avait haï et méprisé la religion d’Israël (5:21). L’orgueil est aussi abominable à ses yeux que les apparences de la piété. La ville (je pense qu’il s’agit ici de Jérusalem) sera livrée à Babylone avec tout ce qu’elle contient. Les maisons regorgeront de morts; les dix qui restaient (cf. 5:3) périront aussi. Un parent des morts vient pour les brûler, car ils manquent même de sépulture; l’homme chargé de rechercher les cadavres à l’intérieur de la maison ne trouve plus un seul survivant; il ne reste personne! Alors il dit: «Silence! car nous ne pouvons faire mention du nom de l’Éternel» (v. 10). Le jugement est consommé, exécuté jusqu’au dernier homme. Il n’est plus question d’en appeler à Lui! (Soph. 1:7; voyez encore 8:3). C’est pourquoi le sage garde le silence en un temps mauvais (5:13). Il ne s’agit plus d’intercéder pour la nation, il faut laisser Dieu agir. «L’Éternel a commandé»: le tremblement de terre renverse la grande et la petite maison.

«Les chevaux courront-ils sur un rocher, ou bien y labourera-t-on avec des bœufs? Car vous avez changé le droit en poison, et en absinthe le fruit de la justice, vous qui vous réjouissez en ce qui n’est rien, vous qui dites: Avec notre force, ne nous sommes-nous pas acquis la puissance?» (v. 12, 13).

Quelle actualité dans ces lignes! Le cœur des peuples est un rocher sur lequel tous les soins de l’Éternel s’épuisent sans résultat. Que parlent-ils de leur droit et de leur juste cause, qui ne sont au fond que poison et absinthe? Ils comptent pour soutenir ces mensonges sur la puissance qu’ils se sont acquise. Nous sommes forts, disent-ils, et nous remporterons la victoire. Dieu regarde d’en haut et dit: «Vous... vous réjouissez en ce qui n’est rien!» Toutes les armées, toutes les munitions, toutes les flottes du monde, sont aux yeux de Dieu moins qu’un grain de poussière que le vent soulève. Tout ce que l’homme affirme n’est rien, tout ce sur quoi il s’appuie est, si possible, moins encore. Le moment venu Dieu intervient: «Voici, maison d’Israël, dit l’Éternel, le Dieu des armées, je suscite contre vous une nation, et ils vous opprimeront depuis l’entrée de Hamath jusqu’à la rivière de la plaine» (v. 14). Dieu suscite l’Assyrien, car c’est de lui qu’il s’agit ici, et cette nation, après les avoir dépouillés de ce dont ils s’étaient emparés par leur force et leur puissance, les opprimera depuis l’entrée de Hamath dont ils s’étaient fait un boulevard contre les incursions de l’ennemi du Nord, jusqu’au Jourdain (la rivière de la plaine) leur frontière naturelle, et s’emparera du territoire qu’ils possédaient à l’orient de cette limite. Tout ce qu’ils s’étaient vantés de conquérir par leur force leur est ôté. C’est ainsi que les voies de Dieu se renouvellent constamment depuis les jours d’Israël, et que dès lors l’histoire de toutes les nations conquérantes offre le même spectacle.

Jusqu’ici nous ne voyons en Amos que de la prophétie en voie d’accomplissement et rien encore ne nous parle des temps de la fin. Aujourd’hui, comme autrefois, les événements se renouvellent, sinon avec les mêmes détails, du moins avec les mêmes caractères moraux qui portent les mêmes conséquences.