Actes des Apôtres

Chapitre 24

Apologie de Paul devant Félix

(v. 1-21). — Cinq jours après l’arrivée de Paul à Césarée, les Juifs descendirent de Jérusalem pour l’accuser. Ils prirent avec eux un certain orateur, nommé Tertulle, dont le nom signifie «imposteur», pour soutenir leur accusation auprès de Félix. S’il faut un talent oratoire pour accuser un homme, cela signifie que les faits à sa charge ne suffisent pas pour convaincre les juges. Tertulle commença par des éloges flatteurs à l’adresse du gouverneur, éloges peu sincères de la part de ce peuple orgueilleux, toujours vexé d’être sous la domination romaine: «Puisque nous jouissons par ton moyen d’une grande tranquillité, et que par ta prévoyance des mesures excellentes sont prises en vue de cette nation, très excellent Félix, nous l’acceptons, en tout et partout, avec une entière gratitude. Mais afin de ne pas t’arrêter davantage, je te prie de nous entendre brièvement selon ta clémence...» (v. 3, 4).

Alors commença l’accusation, qui ne fit pas plus d’effet sur le gouverneur que les flatteries, car il connaissait le caractère juif. Tertulle insinua que Paul était une peste et qu’il excitait des séditions parmi les Juifs dans le monde entier. Cette imputation, si elle se vérifiait, risquait d’influencer le gouverneur, puisqu’il s’agissait de révolte, acte bien éloigné de la pensée de Paul qui avait écrit aux chrétiens de Rome: «Que toute âme se soumette aux autorités qui sont au-dessus d’elle; car il n’existe pas d’autorité, si ce n’est de par Dieu; et celles qui existent sont ordonnées de Dieu» (Romains 13:1).

En second lieu, Tertulle accusa Paul d’être un meneur de la secte des Nazaréens, — nom que l’on donnait alors aux chrétiens — et qu’il avait tenté de profaner le temple. Cette accusation ne devait guère intéresser le gouverneur romain; il n’y avait rien là de contraire aux lois romaines, ni rien qui dût amener du trouble, sinon celui que les Juifs provoquaient en s’opposant à Paul dans tous les lieux où il prêchait l’évangile. Tertulle reconnaît que le crime de profanation était du ressort des Juifs et qu’ils avaient voulu le juger selon leur loi; mais, dit-il: «Lysias, le chiliarque, étant survenu, l’a emmené en l’arrachant d’entre nos mains avec une grande violence, donnant ordre que ses accusateurs vinssent auprès de toi; et par lui tu pourras toi-même, en l’interrogeant, arriver à la pleine connaissance de toutes ces choses dont nous l’accusons».

(v. 8, 9). — Tout est faux dans cette déclaration, malgré la confirmation alléguée par les Juifs. En réalité, Lysias avait fait conduire Paul à Césarée parce que les Juifs voulaient le tuer; il l’avait soustrait à leurs mains criminelles sans violence, accomplissant un acte juste et humain pour éviter le meurtre d’un innocent. Ils disent que Félix arriverait à la pleine connaissance des choses dont ils l’accusaient; c’est le contraire qui eut lieu, de même que devant son successeur Festus et le roi Agrippa (chap. 26:30-32).

Le gouverneur ayant fait signe à Paul de parler, celui-ci prononça son apologie avec la droiture que lui donnait sa bonne conscience devant Dieu et encouragé de le faire devant Félix, le sachant gouverneur des Juifs depuis plusieurs années. Il commença par dire que Félix pouvait connaître qu’il n’y avait pas plus de douze jours qu’il était monté pour adorer à Jérusalem; qu’on ne l’avait trouvé, ni dans le temple disputant avec quelqu’un, ni dans la ville; que ses accusateurs ne pouvaient soutenir leurs imputations; mais qu’il servait le Dieu de ses pères; qu’il croyait toutes les choses écrites dans la loi et les prophètes; qu’il avait espérance en Dieu, espérance que les Juifs avaient aussi, qu’il y aura une résurrection tant des justes que des injustes (v. 10-15). Quant à ce que Paul avance comme objet de sa foi: la croyance en toutes les choses écrites dans la loi et les prophètes, l’espérance en Dieu et la résurrection, c’était ce que tout Juif faisait profession de croire. S’il n’y avait eu que cela pour les exciter contre Paul, ils l’auraient laissé tranquille; mais toutes les vérités qu’il énumère impliquaient celles du christianisme auquel ils s’opposaient. La loi et les prophètes rendent témoignage à Christ; il en est le grand sujet. Le Seigneur dit aux disciples qui allaient à Emmaüs: «Ô gens sans intelligence et lents de cœur à croire toutes les choses que les prophètes ont dites! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses et qu’il entrât dans sa gloire? Et commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliquait, dans toutes les écritures, les choses qui le regardent» (Luc 24:25-27). Lorsque le Christ vint, ils ne l’écoutèrent pas et le crucifièrent. Mais il est ressuscité, et en vertu de sa mort et de sa résurrection, il a fait proclamer l’Évangile à toutes les nations; voilà ce que les Juifs n’admettaient pas, comprenant bien que, mis de côté en tant que nation, comme pécheurs, il leur fallait le même Sauveur que les gentils qu’ils méprisaient, le Sauveur qu’ils avaient crucifié. Voilà pourquoi les Juifs haïssent l’apôtre Paul. Après avoir parlé de la résurrection, que tout Juif orthodoxe admettait, il leur en indique la conséquence pratique chez ceux qui y croient. Puisque tous doivent ressusciter, tant les justes que les injustes, c’est pour paraître devant Dieu, où il faudra voir, à la lumière divine, toutes les actions, bonnes et mauvaises, accomplies ici-bas, et en subir le jugement. Ceux qui auront cru au pardon des péchés par la mort du Sauveur, participeront à la résurrection de vie, parce qu’ils ont la vie par laquelle on peut faire le bien, comme le Seigneur le dit en Jean 5:29; ils jouiront dans le ciel d’un bonheur éternel. Ceux qui sont morts sans avoir cru au Seigneur Jésus, ressusciteront en résurrection de jugement et s’en iront dans les tourments éternels. C’est pourquoi Paul dit: «À cause de cela, moi aussi je m’exerce à avoir toujours une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes». Il dit «moi aussi», parce que les Juifs qui l’accusaient prétendaient avoir part aux mêmes bénédictions que lui, du moment qu’ils étaient Israélites. Puisque le croyant doit aussi être manifesté devant le tribunal de Christ, ainsi que Paul le dit en 2 Cor. 5:10, il doit s’exercer à ne faire dans ce monde que des choses qui soient approuvées du Seigneur en ce jour-là. Ce n’est pas le bien qu’il fait qui le sauve, mais c’est parce qu’il est sauvé qu’il fait le bien.

Paul continua son discours en disant qu’après plusieurs années, durant lesquelles il avait annoncé l’évangile chez les gentils, il était venu pour faire des aumônes et des offrandes à sa nation, c’est-à-dire aux chrétiens de nation juive, en leur apportant les dons des assemblées de Macédoine et d’Achaïe. C’est alors qu’ils le trouvèrent purifié dans le temple sans attroupement et sans tumulte; mais les Juifs d’Asie soulevèrent la foule et l’arrêtèrent (chap. 21:27, 28). Ce sont eux qui auraient dû être présents et accuser Paul, s’ils avaient quelque chose contre lui, ou bien les assistants pouvaient dénommer ses actes injustes lorsqu’il comparaissait devant le sanhédrin. Mais il ne fit entendre qu’un mot: «C’est pour la résurrection des morts que je suis... mis en jugement par vous» (v. 21), déclaration qui partagea la multitude et causa un tumulte tel que le chiliarque enleva Paul du milieu d’eux. Ainsi se termina cette comparution sans que les Juifs eussent gain de cause.

 

Paul et Félix

(v. 22-27). — «Mais Félix, ayant plus exactement connaissance de ce qui regardait la voie, les ajourna, disant: Quand le chiliarque Lysias sera descendu, je prendrai connaissance de votre affaire» (v. 22). Gouverneur de la Judée depuis plusieurs années, sa femme étant Juive, Félix connaissait assez bien le judaïsme et le christianisme; il comprenait donc qu’il n’y avait rien de grave dans les accusations portées contre Paul. Il ordonna au centurion «que Paul fût gardé, et qu’il eût quelque liberté, et qu’on n’empêchât aucun des siens de le servir» (v. 23), c’est-à-dire des disciples qui l’avaient suivi de Jérusalem, ou des frères de Césarée.

Quelques jours après, Félix, venu avec Drusille, sa femme, demanda à entendre Paul sur la foi en Christ qui distinguait précisément le christianisme du judaïsme. Les chrétiens croyaient en Jésus selon les Écritures, à sa mort expiatoire, à sa résurrection, à son exaltation dans la gloire et à toutes les glorieuses conséquences de ces vérités, tandis que les Juifs ne croyaient pas que Jésus fût le Christ annoncé par les prophètes. Mais la foi en Christ s’accompagne d’une marche pratique qui fait contraste avec celle de l’homme naturel, Juif ou gentil. C’est ce que Paul présenta aussi à Félix: il lui parla de la justice, de la tempérance et du jugement à venir (v. 24, 25). La justice, ici, est la justice pratique, savoir une marche qui convienne à Dieu; on a dit qu’elle consiste en «l’absence du péché dans toutes nos voies». La tempérance est la capacité de se gouverner soi-même pour demeurer dans ce qui est sain à tous égards, sans se laisser aller à ses goûts, ceux-ci risquant de dégénérer en passions qu’on ne peut plus maîtriser. Il faut être sobre dans les choses légitimes et naturelles; ce qui dépasse la sobriété est péché. Le jugement à venir est, comme nous l’avons vu plus haut, la comparution devant Dieu, où les hommes rendront compte non seulement des grands péchés qu’ils auront commis, mais, dit le Seigneur en Matthieu 12:36: «de toute parole oiseuse qu’ils auront dite».

Entendant Paul discourir sur ces sujets, «Félix tout effrayé répondit: Pour le présent va-t’en; quand je trouverai un moment convenable, je te ferai appeler». L’effroi de Félix s’explique. L’histoire nous apprend que la plupart de ces gouverneurs romains s’adonnaient à toutes sortes de péchés. Son effroi aurait pu lui être salutaire, car, s’il avait compris que sa conduite était loin d’être juste et que ce serait terrible de paraître devant Dieu en jugement, il pouvait apprendre aussi que Jésus était venu pour porter le jugement à la place de ceux qui se reconnaissaient coupables. Mais il ne fallait pas s’en aller; la Parole aurait opéré dans son âme une repentance à salut pour l’amener à la jouissance du pardon de ses péchés. Ce travail de conscience fut arrêté chez Félix; la lumière divine lui fit peur; il comprit sur-le-champ que, s’il acceptait ce que Paul lui disait, cela comportait le changement de sa conduite et voulant encore jouir «des délices du péché» (Hébreux 11:25), il dit à Paul: «Pour le présent va-t’en; quand je trouverai un moment convenable, je te ferai appeler». Il est à craindre que ce moment ne revint jamais. Il aurait dû profiter de celui qui se présentait à lui dans cette heure même où il entendait la voix de Dieu par Paul. «Voici, c’est maintenant le temps agréable; voici, c’est maintenant le jour du salut» (2 Cor. 6:2). La Parole de Dieu ne dit jamais que demain est ce jour-là; Satan seul l’affirme, car il admet bien qu’il faille être converti; mais il dit que c’est assez tôt demain, ou plus tard, lorsqu’on aura joui de ses jeunes années. Celui qui prête l’oreille à de telles suggestions s’expose à entendre la voix de Dieu lui dire: «Insensé! cette nuit même ton âme te sera redemandée» (Luc 12:20). Le raisonnement de Félix et de tous ceux qui en tiennent de semblables, est celui d’un insensé. C’est folie que de croire disposer du temps qui est au-devant de soi; il n’appartient qu’à Dieu qui donne à chacun le présent, aujourd’hui, pour accepter le salut offert gratuitement. On a dit avec raison que «la route tout à l’heure, conduit à la ville jamais».

Ce qui empêchait aussi Félix d’être atteint par la Parole que Paul lui présentait, était le motif intéressé qui le poussait à s’entretenir avec lui. Il venait à Paul dans l’espoir de recevoir de lui de l’argent, pour qu’il favorisât son élargissement. Il ne comprenait guère ce qu’est la justice. Il en avait si peu souci qu’il laissa Paul en prison pendant deux ans pour gagner la faveur des Juifs (v. 27), autre côté de son intérêt, car si Paul lui avait donné de l’argent, il ne se serait guère inquiété de plaire aux Juifs. Chacun sera jugé d’après les motifs qui le font agir.