Actes des Apôtres

Chapitre 6

Murmures des Hellénistes

(v. 1-7). — «Or en ces jours-là, le nombre des disciples se multipliant, il s’éleva un murmure des Hellénistes contre les Hébreux, parce que leurs veuves étaient négligées dans le service journalier» (v. 1). Au sein de la fraîcheur première de l’œuvre de Dieu, alors que le nombre des disciples s’était multiplié, nous voyons que le cœur naturel se montre par l’égoïsme et le mécontentement en présence de l’activité de l’amour. Tels sont nos cœurs à tous. Nous avons vu comment l’amour se manifestait chez ces premiers chrétiens. Ils vendaient leurs possessions et en apportaient la valeur aux apôtres, qui les distribuaient à chacun selon les besoins. Mais le croyant a toujours en lui sa mauvaise nature; elle ne peut changer. Si la vie divine n’est pas active en lui, dans la jouissance de la grâce dont il est l’objet de la part du Seigneur, l’ancienne nature réapparaît dans sa laideur. Nous en avons vu une manifestation grossière chez Ananias et Sapphira, que l’amour de l’argent conduisit à tromper pour se donner l’air généreux. Dans le cas des Hellénistes, le mal était moins grave et cependant très répréhensible en présence de la grâce active en leur faveur. Leurs murmures provenaient d’une certaine jalousie. Il est fort possible que les Hébreux, pensant toujours à leur supériorité religieuse, aient été plus larges avec leurs veuves qu’avec celles des Hellénistes. Mais, quoi qu’il en fût, les murmures n’auraient pas dû se produire. S’il y avait quelque plainte à formuler, il fallait la présenter directement aux apôtres, qui auraient réglé cette difficulté avec sagesse, comme ils surent le faire ensuite. Mais ce qui eût été mieux encore, c’était de remettre cela au Seigneur, et s’attendre à lui. Nous avons toujours à veiller sur notre nature facilement mécontente, portée à envier les avantages de nos frères, au lieu d’être reconnaissants envers le Seigneur de ce que nous avons et de ce qu’il leur donne. Il est dit: Soyez «contents de ce que vous avez présentement» (Hébreux 13:5). Que de maux sont résultés de ce que l’on n’a pas réalisé ce contentement d’esprit!

Les Hellénistes étaient des Juifs qui avaient longtemps séjourné hors de leur pays et qui parlaient le grec; il pouvait y avoir aussi parmi eux des prosélytes, des Grecs qui avaient embrassé le judaïsme. Nicolas, un des sept qui furent désignés, au v. 5, pour faire les distributions, en était un. Il pouvait donc exister aussi une légère jalousie nationale que les chrétiens doivent éviter, car les enfants de Dieu sont tous de la même patrie céleste, où il n’y a pas «Grec et Juif, circoncision et incirconcision, barbare, Scythe, esclave, homme libre; mais où Christ est tout et en tous» (Colossiens 3:11).

Dans le cas d’Ananias, la puissance de l’Esprit délivra l’assemblée du mal grossier par le jugement exécuté sur les coupables. Ici, le mal est conjuré par la sagesse des apôtres, avec un esprit de grâce. Ils firent venir la multitude des disciples et leur dirent: «Il ne convient pas que, laissant la parole de Dieu, nous servions aux tables. Jetez donc les yeux, frères, sur sept hommes d’entre vous, qui aient un bon témoignage, pleins de l’Esprit Saint et de sagesse, que nous établirons sur cette affaire. Et, pour nous, nous persévérerons dans la prière et dans le service de la parole» (v. 2-4).

Aux douze apôtres, auxquels on remettait les dons, incombait un travail considérable pour les répartir aux nécessiteux; cette opération leur prenait un temps utile dont ils avaient besoin pour vaquer au service de la Parole et de la prière, les deux grands moyens par lesquels le troupeau du Seigneur peut être édifié et s’accroître. Le Seigneur se servit de l’incident survenu pour dégager les apôtres de ce travail absorbant. Ils agirent avec une grande sagesse en ne choisissant pas eux-mêmes ceux qui devaient administrer les dons. Leur proposition plut à la multitude qui choisit sept hommes d’entre eux (v. 5). Nous voyons, par les noms de ces sept serviteurs ou diacres, qu’ils devaient tous être des Hellénistes. Ce choix donnait pleine satisfaction aux plaignants Hellénistes et témoignait du désintéressement de la partie juive des disciples. C’était l’amour qui ne cherche pas son propre intérêt. Les apôtres acceptèrent ce choix, et après avoir prié, ils leur imposèrent les mains, montrant par là leur approbation et leur identification avec ces hommes qu’ils revêtaient de cette charge.

On voit quelle importance les apôtres mettent à ce service. Il fallait des hommes qui eussent un bon témoignage, et pleins de l’Esprit Saint, afin qu’ils agissent selon la pensée de Dieu, sans partialité. Lors même qu’il n’y ait en jeu que des soins matériels, ce qui leur donne de l’importance, c’est qu’ils font partie de l’œuvre de Dieu et concernent son Assemblée, où tout doit être accompli fidèlement, avec grâce et justice. Ces dons qui abondaient alors, comme aujourd’hui les dons qu’une Assemblée doit administrer, appartiennent au Seigneur. L’apôtre Paul dit que «ce qui est requis dans des administrateurs, c’est qu’un homme soit trouvé fidèle» (1 Corinthiens 4:2). Il montre avec quelle délicatesse il s’acquitte du service dont il avait été chargé pour porter à Jérusalem les dons des assemblées de la Macédoine et de l’Achaïe: «Évitant», dit-il, «que personne ne nous blâme dans cette abondance qui est administrée par nous; car nous veillons à ce qui est honnête, non seulement devant le Seigneur, mais aussi devant les hommes» (2 Corinthiens 8:20, 21). Tout ce que le chrétien doit faire, et tout particulièrement ce qui concerne l’Assemblée, doit être fait sous le contrôle du Seigneur qui nous a communiqué sa pensée dans sa Parole.

Nous allons voir qu’Étienne, désigné comme un homme plein de foi et de l’Esprit Saint, ne se vouait pas seulement au service des tables, mais, comme il avait fait de grands progrès, il accomplit un service bien supérieur. Nous retrouverons aussi Philippe, l’un des sept, devenu l’évangéliste qui prêcha le premier dans une ville de la Samarie. Lorsqu’un chrétien s’acquitte fidèlement d’un service que lui a confié le Seigneur, si simple qu’il soit, il acquiert un bon degré pour lui et «une grande hardiesse dans la foi qui est dans le Christ Jésus», dit Paul à Timothée (1 Tim. 3:13). Le Seigneur dit aussi: «Prenez donc garde comment vous entendez; car à quiconque a, il sera donné, et à quiconque n’a pas, cela même qu’il paraît avoir sera ôté» (Luc 8:18). Tout service, si ignoré soit-il, doit se faire pour le Seigneur, et par conséquent avec le sérieux, les soins et le dévouement dus à un tel Maître, qui nous a donné un exemple parfait du divin serviteur en venant du ciel dans ce monde pour nous sauver.

«La parole de Dieu croissait», est-il dit, «et le nombre des disciples se multipliait beaucoup dans Jérusalem, et une grande foule de sacrificateurs obéissait à la foi» (v. 7). La Parole est identifiée aux fruits qu’elle produisait chez ceux qui l’entendaient, dont le nombre augmentait merveilleusement. La foule des sacrificateurs obéissait à la foi, en contraste avec la loi. La foi désigne souvent l’ensemble des vérités chrétiennes. Paul parle aussi de «l’obéissance de la foi» (Romains 1:5); elle consiste à croire et à marcher selon la vérité que la foi saisit. Les sacrificateurs qui devenaient croyants étaient nombreux; mais, quoique pas tous en charge, ils gardaient leur titre, d’où leur grand nombre.

 

Étienne

(v. 8-15). — «Or Étienne, plein de grâce et de puissance, faisait parmi le peuple des prodiges et de grands miracles» (v. 8). Plein aussi de foi et de l’Esprit Saint, Étienne ressemblait, dans une grande mesure, à son divin Maître, et il lui fut donné de lui ressembler jusqu’à sa mort, qui eut lieu le jour même, pour avoir dit la vérité aux Juifs. Introduit dans le service comme serviteur, le Saint Esprit le suscite pour déclarer au peuple son état.

Des Juifs venus de l’étranger commencèrent à disputer avec Étienne. Quelques-uns, appelés libertins (ou affranchis), probablement affranchis de l’esclavage pendant un temps de transportation, avaient, paraît-il, une synagogue à eux. D’autres venaient de Cyrène (côte nord de l’Afrique), d’Alexandrie, de Cilicie (Asie-Mineure) et d’Asie. Peut-être s’en prirent-ils à Étienne, parce qu’il était, vraisemblablement, d’origine étrangère (son nom signifie «couronne»). Mais «ils ne pouvaient pas résister à la sagesse et à l’Esprit par lequel il parlait». Comment l’homme naturel, malgré sa sagesse et son érudition, s’opposerait-il à l’action de l’Esprit de Dieu? Le Seigneur n’avait-il pas dit aux disciples: «Moi je vous donnerai une bouche et une sagesse, à laquelle tous vos adversaires ne pourront... résister» (Luc 21:15). Ne pouvant tenir tête à Étienne avec droiture, ces gens engagèrent des hommes à l’accuser faussement devant le sanhédrin, sous prétexte de l’avoir «ouï proférant des paroles blasphématoires contre Moïse et contre Dieu» (v. 11), ce qui souleva contre lui le peuple, les anciens et les scribes. Mais pour que les accusations portées contre Étienne fussent admises par ce tribunal religieux, selon la loi (Deut. 19:15), il fallait des témoins; ils en présentèrent de faux qui dirent: «Cet homme ne cesse pas de proférer des paroles contre le saint lieu et contre la loi; car nous l’avons entendu dire que ce Jésus le Nazaréen détruira ce lieu-ci, et changera les coutumes que Moïse nous a enseignées. Et tous ceux qui étaient assis dans le sanhédrin, ayant leurs yeux arrêtés sur lui, virent son visage comme le visage d’un ange» (v. 13-15). Ces hommes faisaient usage de vérités qu’Étienne avait sûrement articulées en parlant des jugements qui atteindraient Jérusalem, si le peuple persistait à rejeter le Seigneur. Il pouvait affirmer que la ville serait détruite, et elle l’a été. Ils interprétaient les vérités du christianisme comme un changement du système légal enseigné par Moïse; la grâce remplaçait la loi. Mais Moïse ne se mettait nullement en contradiction avec le Christ qui était prêché au peuple. Le Seigneur avait dit aux Juifs: «Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi; car lui a écrit de moi. Mais si vous ne croyez pas ses écrits, comment croirez-vous mes paroles?» (Jean 5:46, 47). Étienne cite (chap. 7:37), un passage où Moïse parle du Seigneur. Les hommes ont toujours déployé de l’habileté pour déformer le sens des paroles de vérité qui leur sont adressées, afin d’échapper à leur action sur leur conscience. Étienne était si près du Seigneur et tellement au-dessus de ses accusateurs, que son visage reflétait un caractère céleste à la vue de tous.

Le chapitre suivant contient le discours qu’il prononça devant le sanhédrin et par lequel il démontra aux Juifs que le rejet de Christ ne faisait que couronner leur opposition à Dieu tout au long de leur histoire. Ne pouvant supporter une vérité qui transperçait leur conscience et les condamnait définitivement, ils le lapidèrent, pensant ainsi faire taire la voix de Dieu. Il en résulta que l’Évangile fut porté aux nations et que le peuple juif demeure rejeté jusqu’au jour où il dira: «Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur», cri du résidu juif à venir, après qu’il aura traversé un temps d’épreuves terribles qui le formeront pour jeter cet appel au-devant du Seigneur.