2 Samuel

Chapitre 19:1-41

La grâce

Joab reprend David de sa faiblesse; Joab exhortant David! Mais qui donc avait amené ce mal et arraché les entrailles de ce père, sinon lui seul? Sans doute, c’était selon les voies de Dieu qui donnait cours au châtiment annoncé (12:10, 11), et David devait y reconnaître Sa main; mais malheur à l’instrument inique par lequel s’accomplissaient ces voies. Seulement ce n’était pas encore le moment de la rétribution. Dieu ne permet pas même que Joab soit remplacé par Amasa, comme David, froissé, en avait l’intention (v. 13). David obtempère au conseil de Joab. C’est, je n’en doute pas, parce qu’il reconnaît la justice des voies de Dieu à son égard. Lorsque, plus tard, il remet le jugement de Joab à Salomon, ce n’est pas de la mort d’Absalom qu’il l’accuse proprement, mais surtout du meurtre d’Abner et d’Amasa en temps de paix (1 Rois 2:5). David donc s’assied à la porte de la ville, où tout le peuple se présente devant lui.

Maintenant la discipline est terminée. En 1 Samuel, elle avait eu lieu pour garder David dans le chemin de la dépendance. Il n’y avait pas d’amertume alors, mais l’heureuse conscience de la faveur divine. Dans le deuxième livre, la discipline est amère, car elle s’accompagne de la conscience d’avoir déshonoré le Dieu saint. Mais aussi, quels fruits elle porte! Dieu remplit le cœur brisé, comme lui seul peut le faire, et la vie de Jésus se manifeste au dehors. Nous entrons dans une scène de grâce, de pardon et de paix, expression de ce qui occupe maintenant le cœur du roi.

Aux v. 10-16, c’est la grâce. Les dix tribus avaient trahi et abandonné David pour suivre l’inique Absalom; elles reviennent les premières et parlent de ramener le roi. David en a connaissance, et ouvre ses bras à Juda, si lent, si paresseux jusqu’ici à reconnaître le trône de son roi et qui aurait dû en porter la peine. «Vous êtes mon os et ma chair», lui dit-il (v. 13). Amasa avait été le chef de l’armée qui poursuivait David, d’autant plus coupable qu’il était, comme Joab, cousin du roi. «N’es-tu pas mon os et ma chair!» lui fait-il dire (Iv. 14). Sa grâce ne demande rien; bien au contraire, elle trouve son bonheur à faire du bien à ses ennemis.

Aux v. 17-24, nous trouvons le pardon. Le roi l’accorde à Shimhi qui, pour éviter le sort qui l’attend, vient faire sa soumission: «Ne m’impute pas d’iniquité... ne te souviens pas de l’iniquité commise par ton serviteur... Je sais que j’ai péché» (v. 20, 21). Abishaï, toujours le même (conf. 16:9), voudrait tirer vengeance de Shimhi. David l’arrête: «Qu’ai-je à faire avec vous, fils de Tseruïa? car vous êtes aujourd’hui des adversaires pour moi. Ferait-on mourir aujourd’hui un homme en Israël?»

Non, c’est le jour de grâce et de pardon. Quelle que soit la réalité des sentiments exprimés par Shimhi, David ne s’y arrête pas; il ne les juge pas maintenant; il lui en sera demandé compte plus tard, quand sa conduite les fera connaître (1 Rois 2:36-46). «Tu ne mourras point», dit David au coupable.

Aux v. 25-31, nous avons une scène de paix (v. 25, 31). Mephibosheth descend à la rencontre de son bienfaiteur; il avait mené deuil depuis le départ de David. Tsiba l’avait trompé et calomnié. Ici, l’on découvre un nouveau trait du caractère de Tsiba. C’était en compagnie du méchant Shimhi qu’il avait passé le Jourdain pour aller à la rencontre du roi (v. 17, 18). Le silence de David à son égard est caractéristique, mais, en apparence, c’est Mephibosheth que David reprend. Peut-être que, pour suivre David fugitif, son infirmité n’était pas un obstacle aussi insurmontable qu’il l’avait pensé. Peut-être avait-il, comme Jonathan, son père, un certain manque de courage moral pour s’associer aux dangers que courait son bienfaiteur. La chose ne nous est pas révélée, et nous en sommes réduits à des conjectures. Mais ce qui est certain, c’est qu’en l’absence de son roi, sa vie avait été une vie d’affliction, de deuil, de vœux et d’ardents désirs pour son retour (v. 25). Comment donc David peut-il le traiter si rudement? «Pourquoi me parles-tu encore de tes affaires?» (v. 30). Ces paroles rappellent un peu celles, en apparence si dures, de Jésus à la Syrophénicienne. Le Seigneur les prononçait pour mettre la foi de cette femme à l’épreuve. Quand un ingénieur a construit un pont, il y fait passer des fardeaux très lourds pour l’éprouver. Il en est ainsi des paroles de David. La précieuse foi de Mephibosheth est mise à l’épreuve, et il n’en sort qu’un parfum de dépendance et de renoncement à lui-même. Cette foi a trois caractères: Mephibosheth accepte la volonté de David comme étant la volonté de Dieu: «Le roi, mon seigneur, est comme un ange de Dieu: fais donc ce qui est bon à tes yeux» (v. 28). Cette volonté, quelle qu’elle soit, est bonne aux yeux de Mephibosheth, parce qu’elle l’est aux yeux de David (conf. Rom. 12:2). Il reconnaît, en second lieu, qu’il n’a aucun droit à la faveur du roi par sa descendance ou sa valeur personnelle: «Car toute la maison de mon père n’était que des hommes morts devant le roi, mon seigneur; et tu as mis ton serviteur parmi ceux qui mangent à ta table; et quel droit ai-je encore? et pour quel sujet crierai-je encore au roi?» (v. 29). Enfin, lorsque David reprend: «Je l’ai dit: Toi et Tsiba partagez les champs»1, Mephibosheth répond: «Qu’il prenne même le tout, puisque le roi mon seigneur, est revenu en paix dans sa maison» (v. 30). Il renonce à tous ses avantages temporels; il lui suffit que son seigneur ait retrouvé la place qui lui est due.

1 David ne l’avait pas dit (conf. 16:4), ce qui semble indiquer qu’il reconnaissait avoir erré en quelque mesure.

Ah! puisse notre foi, mise à l’épreuve, produire toujours de tels fruits!

À l’opposé de Mephibosheth, Barzillaï (v. 32-41) est éprouvé par l’offre de bénédictions temporelles. Il était très riche, mais bien différent du jeune homme que «Jésus aima», il avait mis sa fortune à la disposition du roi pendant son séjour à Mahanaïm (v. 33). Son grand âge ne l’avait pas empêché de se donner, corps et biens, au service de David. Celui-ci lui offre une récompense proportionnée à son dévouement: «Passe avec moi, et je t’entretiendrai auprès de moi à Jérusalem» (v. 34).

Mais Barzillaï n’avait pas travaillé pour une récompense et, ne s’en jugeant pas digne, la refuse. «Combien seront les jours des années de ma vie, pour que je monte avec le roi à Jérusalem? Je suis aujourd’hui âgé de quatre-vingts ans; puis-je distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais? Ton serviteur peut-il savourer ce que je mange et ce que je bois?... Et pourquoi ton serviteur serait-il encore à charge au roi, mon seigneur?» (v. 35, 36). Que son fils Kimham profite du fruit de son travail, loin de s’y opposer, il s’en réjouit (v. 37, 38). Plus tard, comme Mephibosheth à la table de David, les fils de Barzillaï mangeront à la table de Salomon (1 Rois 2:7).

Trois choses suffisent à cet homme de Dieu, outre le bonheur de voir les droits du roi reconnus au-delà du Jourdain et de le voir réintégré dans son royaume. La première est la belle promesse du v. 39. «Kimham passera avec moi, et je lui ferai ce qui sera bon à tes yeux; et tout ce que tu voudras de moi, je te le ferai». La seconde est qu’au moment de prendre congé de lui David lui laisse le gage de son amour: «Le roi baisa Barzillaï». Comme Énoch, il reçoit (par un baiser) le témoignage d’avoir été agréable à Dieu, dans la personne de son oint. La troisième est que le roi «le bénit» (v. 39). Jésus aussi, quittant ses disciples bien-aimés, étend ses mains pour les bénir et garde encore aujourd’hui la même attitude vis-à-vis de nous. Ses mains, quoiqu’invisibles, restent étendues sur nous, laissant dans nos cœurs la certitude de toute l’efficacité de son œuvre. Barzillaï retourne en son lieu avec la chaleur de l’amour, la joie des bénédictions, la promesse de David: «Tout ce que tu voudras de moi, je le ferai», et cette autre promesse glorieuse que son fils, que ses fils même, passeront avec le roi pour ne plus jamais le quitter et être assis à toujours à la table du roi de gloire!