2 Samuel

Chapitre 6

L’arche dans Sion

Il ne suffit pas que le siège de la royauté de David — ou de Christ — soit placé en Sion, la montagne de la grâce. Dieu lui-même veut y habiter à toujours avec son roi (conf. Apoc. 22:1, 3). Aussi David est-il entièrement dans le courant des pensées de Dieu, quand il va chercher l’arche pour la ramener à Jérusalem. La gloire de Dieu ne trouve son repos que dans le lieu de la grâce. L’arche, le trône de Dieu, s’associe d’une manière intime au trône de David, au trône du Fils de Dieu. L’Éternel, resté jusque-là, par l’infidélité de son peuple, sans domicile permanent, peut maintenant habiter avec lui, parce qu’il peut habiter avec son oint.

Pour aller chercher l’arche, le roi assemble toute l’élite d’Israël, trente mille hommes (v. 1). Cela peut paraître singulier. Quand il s’agit des combats de l’Éternel, on ne voit pas que les hommes de Dieu aient assemblé toute leur armée. C’est bien plutôt le contraire qui a lieu. Gédéon avec trois cents hommes, Jonathan avec un seul, en compagnie de tant d’autres capitaines, remportent les victoires les plus signalées. Dieu combat avec eux, et que lui importe plus ou moins de soldats? Il peut lui convenir d’éprouver son peuple tout entier dans la bataille, mais il n’en est pas de Lui comme des nations. Le nombre n’est pour rien dans ses victoires.

S’agit-il, au contraire, de rendre témoignage au Dieu qui siège entre les chérubins, de l’établir au lieu de son culte, ce n’est pas trop de tout ce qui représente la force d’Israël. Comme cela est peu compris parmi les enfants de Dieu! Est-ce donc toute l’élite qui se rassemble autour de Christ, devant le trône de Dieu le Père, pour l’honorer en Lui rendant culte? Le culte a-t-il plus de valeur aux yeux des chrétiens que toute l’activité, quelque bénie qu’elle soit, qu’ils peuvent déployer pour Lui! Ils font consister la vie chrétienne dans le combat pour l’Évangile, combat béni, sans doute, mais pour lequel il n’est nullement nécessaire d’assembler «toute l’élite», car on le verrait dégénérer aussitôt en une œuvre basée sur l’association humaine — alors que le culte est ignoré, délaissé, méconnu, le centre du rassemblement des enfants de Dieu méprisé, et que ces derniers restent dispersés comme des brebis qui n’ont pas de berger!

Telle n’était pas, grâce à Dieu, la pensée de David. Le but de toute son existence errante, de toute son affliction, avait été d’arriver au moment où s’ouvre notre chapitre. Nous en trouvons la preuve au Ps. 132, sur lequel nous reviendrons plus tard.

Les rapports entre les chap. 5 et 6, ne se bornent pas à ce que nous venons de relever. David, comme roi responsable, malgré bien des manquements, était agréable à Dieu. L’Éternel ne lui cachait pas sa face; il l’aimait pour sa fidélité, pour la grâce de ses voies, pour son esprit humble et soumis. Il lui avait enseigné, comme nous l’avons vu, à joindre l’obéissance à la dépendance. David avait compris ces choses quand il s’agissait de combattre l’ennemi. Les comprendra-t-il aussi bien lors des événements qui vont se dérouler?

Le moment venu pour réunir les tribus autour de l’arche, leur centre divin, qu’avait à faire David? À consulter l’Éternel. Quand même, en ramenant l’arche, il était dans les pensées de Dieu, le comment de cet acte ne dépendait pas de lui et, en comprenant cela, il se serait épargné un sérieux châtiment. S’il avait consulté l’Éternel et sa Parole, il aurait su de quelle manière il devait amener l’arche à Jérusalem.

Les Philistins (1 Sam. 6:7) avaient placé l’arche sur un «chariot neuf» pour la renvoyer sur le territoire d’Israël. Ils agissaient par ignorance, et Dieu, au lieu de leur exprimer sa désapprobation, avait tenu compte de la crainte qui les faisait agir. Évidemment, David se souvenait de ce fait, lorsqu’il suivait la manière des nations pour ramener l’arche au lieu qu’elle devait occuper. «Ils montèrent l’arche de Dieu sur un chariot neuf et l’emmenèrent de la maison d’Abinadab qui était sur la colline» (v. 3).

Mais si Dieu pouvait avoir égard à l’ignorance des Philistins, il ne supporte pas, chez ceux qui lui appartiennent, une désobéissance positive à sa Parole. Il était expressément ordonné aux lévites de porter l’arche, ainsi que tous les vaisseaux du sanctuaire (Nomb. 4:15).

Ce que fit David devrait parler à la conscience des enfants de Dieu. On organise un culte volontaire selon les systèmes et les pensées de l’homme, qui sont toujours l’opposé des pensées de Dieu. Or il est de toute importance aux yeux de Dieu que les siens obéissent quand il s’agit du culte, la plus haute expression de la vie chrétienne, comme aussi dans les moindres détails de cette vie, et Dieu doit tenir compte de la désobéissance de ses enfants.

Tout en montrant un cœur rempli de piété envers Dieu, David désobéit, parce qu’il ignore la portée et les conséquences de son acte; mais David n’a pas d’excuse, parce qu’il ne devait pas l’ignorer. Cela est d’autant plus frappant qu’il était rempli de joie à la pensée de donner enfin à son Dieu la place qui lui était due. «David et toute la maison d’Israël s’égayaient devant l’Éternel avec toutes sortes d’instruments de bois de cyprès: avec des harpes, et des luths, et des tambourins, et des sistres, et des cymbales» (v. 5). Rien ne manquait à l’expression de leur joie... et cependant il y manquait quelque chose. Les trompettes n’y étaient pas, ces trompettes d’argent qui devaient sonner quand l’arche se mettait en mouvement (Nomb. 10:1-10; conf. Ps. 150 et le v. 15 de notre chapitre). Ce n’était qu’un détail, direz-vous, comme le chariot neuf; mais ce détail révélait un fait d’une haute gravité, c’est que David n’avait pas pris la parole de Dieu pour règle de sa conduite.

Hormis cela, toute la maison d’Israël était en joie. Il y avait beaucoup de piété dans cette cérémonie auguste, mais elle était gâtée par quelque arrangement humain. Pour la jouissance des cœurs, cela avait peu d’importance, mais beaucoup pour Celui qui a dit: «Écouter est meilleur que sacrifice». Il arrive un moment où l’immixtion de l’homme dans le culte de Dieu fait boiter ce culte en quelque endroit. «Les bœufs bronchent» (v. 6), et naturellement les hommes pensent qu’ils doivent leur venir en aide, appuyer de leur bras le système qui chancelle. Ils oublient que c’est folie profane de vouloir venir en aide à Dieu. C’est le cas d’Uzza, fils d’Abinadab, le premier, le principal agent de ce transport. Il sent le besoin tout naturel de soutenir ce qu’il a fait et ne se rend pas compte qu’il porte la main sur Dieu. «Ils arrivèrent à l’aire de Nacon, et Uzza étendit la main vers l’arche de Dieu et la saisit, parce que les bœufs avaient bronché» (v. 6).

Je parle ici du culte des enfants de Dieu, mais que ne devrait-on pas ajouter sur le soi-disant culte du monde? Ce n’est plus par quelques points qu’il pèche, car sous des formes qui lui donnent une apparence de culte divin, il n’y a pas l’ombre d’une réalité. Cependant on ne voit pas que le jugement de Dieu tombe sur cet état de choses. La raison en est simple: Dieu en est absent. Il en fut autrement dans le cas d’Uzza: «La colère de l’Éternel s’embrasa contre Uzza, et Dieu le frappa là, à cause de sa faute; et il mourut là, près de l’arche de Dieu» (v. 7). Son jugement fut immédiat, car quand il est question des enfants de Dieu que le Seigneur a placés dans une position de témoignage, il ne leur permet pas d’introduire un élément humain dans le culte, sans leur faire sentir son jugement.

Ce qui arrive ici à David arriva aux Corinthiens qui avaient introduit un élément charnel à la table du Seigneur. Dieu ne pouvait tolérer la chose. «C’est pour cela», dit l’apôtre, «que plusieurs sont faibles et malades parmi vous, et qu’un assez grand nombre dorment» (1 Cor. 11:30). Dieu était un feu consumant pour eux, comme pour Uzza, et nous avons à nous en souvenir. David a été forcé de le comprendre. Lui devant qui l’Éternel avait fait nue brèche contre les Philistins à Baal-Peratsim, c’est aujourd’hui contre lui que le jugement de Dieu fait la brèche. «Il appela ce lieu-là du nom de Pérets-Uzza (brèche d’Uzza)» (v. 8).

Le premier sentiment du roi est l’irritation: «David fut irrité de ce que l’Éternel avait fait une brèche». Cela se comprend, mais ne s’excuse pas. Voici un homme, rempli du désir de servir l’Éternel, de lui rendre l’honneur qui lui est dû; le voici rempli de joie et de louanges; ayant tout ordonné pour rétablir le culte de son Dieu; — il manque dans un détail, et la colère de l’Éternel s’embrase contre lui! David avait un cœur plus pieux que le nôtre. Quelle blessure à ses affections! Comment! — pouvait-il dire — me juger de cette manière, quand Il voyait mon intention de le glorifier!

Au v. 9, un second sentiment s’élève dans le cœur du roi, sentiment tout aussi peu excusable que le premier. «David eut peur de l’Éternel en ce jour-là». Il détourne l’arche de son chemin. «Comment l’arche de l’Éternel entrerait-elle chez moi? Et David ne voulut pas retirer l’arche de l’Éternel chez lui, dans la ville de David, mais David la fit détourner dans la maison d’Obed-Édom, le Guitthien» (v. 9, 10). À cause de la discipline, David considère l’Éternel comme un juge sans pitié et s’irrite contre lui. Il oublie dans ce moment que c’était un Dieu de grâce qui l’avait choisi, conduit, gardé, rendu vainqueur, qui avait fait de lui le porteur de la royauté sur la montagne de Sion. Il ne peut comprendre que la grâce puisse le juger et que, plus on est près de Dieu, moins il souffre dans les siens ce qui le déshonore. Mais Dieu va lui prouver que d’autres profitent de ce dont il s’est privé à son grand dommage. La présence de l’arche est une source d’abondantes bénédictions pour la maison d’Obed-Édom, le Guitthien; «et l’Éternel bénit Obed-Édom et toute sa maison» (v. 11).

Enfin David a appris sa leçon! On lui rapporte (v. 12) ce qui s’était passé, et l’on voit que ces faits ont porté leur fruit pour sa conscience. En 1 Chron. 15:12-13, au sujet de ce même événement, David appela les sacrificateurs et les lévites, et leur dit: «Sanctifiez-vous, vous et vos frères, et faites monter l’arche de l’Éternel, le Dieu d’Israël, au lieu que je lui ai préparé. Car, parce que vous ne l’avez pas fait la première fois, l’Éternel, notre Dieu, a fait une brèche parmi nous; car nous ne l’avons pas recherché conformément à l’ordonnance». Cette brèche, David comprend qu’elle a été faite à cause de sa désobéissance et qu’il ne peut y avoir de sainteté que dans un chemin d’obéissance.

Quand l’arche avait été mise sur le chariot neuf, les sacrificateurs et les lévites n’avaient pas eu besoin de se sanctifier, mais quand ils avaient à la porter eux-mêmes, ils sont bien obligés de le faire; ils ne pouvaient, sans se juger, entrer en contact avec les objets du sanctuaire.

Les sacrificateurs occupent donc la place que Dieu leur a assignée, mais de plus, David entre, quant au culte, dans un ordre de choses absolument conforme aux pensées de Dieu. «Il arriva que quand ceux qui portaient l’arche de l’Éternel avaient fait six pas, il sacrifiait un taureau et une bête grasse» (v. 13). David fait du sacrifice le centre même du culte. La première fois, chose étonnante, on avait oublié les sacrifices! Le chariot (voyez l’importance d’un détail omis) n’avait pas besoin de s’arrêter, tandis que les sacrificateurs et les lévites portant l’arche, il fallait des pauses pendant lesquelles les sacrifices étaient offerts.

Et les trompettes, et la joie, et David exultant de toute sa force devant l’Éternel! Le roi était vêtu d’un éphod de lin (v. 14), vêtement distinctif des sacrificateurs. Le voici redevenu un type de Christ dans sa gloire future. Il y a un peu de Melchisédec dans la personne de David, tel qu’il nous est présenté ici. C’est la royauté unie à la sacrificature. La bénédiction s’élève du peuple à Dieu, par la bouche de David, elle descend de Dieu sur tout le peuple par son intermédiaire (v. 17, 18).

«David dansait de toute sa force devant l’Éternel» (v. 14). Il se rendait ridicule; c’est du moins ce que Mical, fille de Saül, sent et exprime en voyant son mari oublier sa dignité pour exalter l’Éternel seul. Il arrive souvent au monde de juger ridicule le culte rendu à Dieu par ses enfants; et plus il sera selon Dieu, plus ceux qui le rendent seront méprisés. C’est que l’adorateur ne fait pas cas de lui-même. «Nous», dit l’apôtre, «qui rendons culte par l’Esprit de Dieu, et qui nous glorifions dans le Christ Jésus, et qui n’avons pas confiance en la chair» (Phil. 3:3). David, pour lui-même, n’était rien; il était vil: «Je me rendrai plus vil encore que cela, et je serai abaissé à mes yeux» (v. 22). Cela ne peut convenir au monde, mais grâce à Dieu, il y a des âmes simples qui comprennent cet abaissement et l’estiment un honneur quand il s’agit de l’Éternel: «Auprès des servantes dont tu as parlé, auprès d’elles, je serai honoré».

David dansait devant l’Éternel et le faisait pour Lui, s’oubliant lui-même afin que Dieu fût glorifié. La dignité royale était dépouillée; il n’était plus qu’un simple adorateur, rempli de joie en présence de l’Éternel des armées qui siège entre les chérubins, et qui venait définitivement faire sa demeure au milieu de son peuple.

«Ils amenèrent l’arche de l’Éternel, et la placèrent en son lieu, dans la tente que David avait tendue pour elle» (v. 17). Tout le peuple est béni et rassasié; Mical, laissée dans son orgueilleuse solitude, à sa honte, est frappée de stérilité jusqu’à sa mort. Elle est désormais une inconnue pour David. Le caractère de cette fille de Saül était digne de celui de son père. Chez Saül, haine; chez Mical, mépris de l’oint de l’Éternel. Il ne peut plus y avoir aucune communion entre elle et le roi qui abandonne au jugement la fille de la race déchue, tandis que lui, l’élu de l’Éternel, est établi prince sur son peuple, sur Israël.