2 Rois

Chapitre 21

V. 1-18 — Manassé

Souvent une période de réveil est suivie d’une marche plus rapide dans le chemin du déclin; et, chose notable, il n’est pas dit que Dieu souligne particulièrement cet état de choses par ses jugements. Le règne de Manassé, caractérisé par un vrai débordement d’idolâtrie, est le plus long qu’enregistre l’histoire des rois de Juda et d’Israël. On ne peut juger de l’état des hommes d’après le plus ou moins de sévérité des voies de Dieu envers eux. C’était précisément l’erreur des amis de Job qui jugeaient de son caractère d’après les épreuves, et concluaient du manque d’épreuves à une justice relative de l’homme. Manassé commence son règne à douze ans et le prolonge 55 ans à Jérusalem. Le nom de sa mère nous est donné: Hephtsiba, «Mon plaisir en elle», le nom même dont Jérusalem restaurée sera appelée par l’Éternel (És. 62:4). Pour le moment, Hephtsiba avait, hélas! enfanté un être monstrueux, objet du déplaisir de l’Éternel. Est-ce pour cela que ni le père, ni le lieu d’origine de la mère de Manassé ne sont mentionnés? Manassé rebâtit les hauts lieux détruits par son père, élève des autels à Baal, fait une image de Vénus Astarté, dont le culte impur déshonorait même les idolâtres, place sa statue dans le temple, érige des autels dans la maison de l’Éternel et dans les deux parvis, s’adonne au culte des astres, sacrifie son fils à Moloch, se livre aux pronostiqueurs et aux enchanteurs et fait, par toute sa conduite, errer le peuple de l’Éternel. Il n’y eut pas en Juda de roi plus abominable; cependant, son règne fut prospère, par sa durée d’abord, et nous ne voyons pas, sauf en une occasion, qu’il ait amené des calamités spéciales sur son peuple. Nous tenons à répéter ce que nous avons dit précédemment, Dieu juge des actions des hommes d’après ce qu’ils sont envers Lui, et non d’après leur conduite envers le monde. Conclurons-nous qu’un athée est moins coupable aux yeux de Dieu, parce qu’il se dévoue à une cause humanitaire? En aucune façon. Les hommes seront jugés d’après la manière dont ils ont estimé Dieu et son Christ, et si leurs œuvres n’ont pas le Père et le Fils pour objet, leurs œuvres sont mauvaises. Tel était le cas de Caïn qui prétendait s’acquérir un mérite par les riches fruits de son travail, tandis qu’il haïssait Abel, son frère.

Les actes de Manassé appelaient le jugement, mais Dieu n’en avait pas encore fini avec son témoignage en Juda. «L’Éternel parla par ses serviteurs les prophètes» (v. 10). C’est ainsi que la parole de Dieu reste encore la seule ressource en ces temps fâcheux, mais elle n’est plus que le témoignage du jugement imminent pour le peuple, d’un jugement sans appel. «J’écurerai Jérusalem comme on écure un plat: on l’écure et on le tourne sens dessus dessous. Et j’abandonnerai le reste de mon héritage, et je les livrerai en la main de leurs ennemis; et ils seront le butin et la proie de tous leurs ennemis, parce qu’ils ont fait ce qui est mauvais à mes yeux et qu’ils m’ont provoqué à colère depuis le jour que leurs pères sont sortis d’Égypte jusqu’à ce jour» (v. 13-15). L’Éternel rattache leur état à la sortie d’Égypte. Dès ce moment-là, ils avaient péché. Pouvait-on, pourra-t-on dire que Dieu n’ait pas usé de patience envers ceux sur lesquels son nom était invoqué?

La Parole ajoute que «Manassé versa aussi le sang innocent en grande abondance, jusqu’à en remplir Jérusalem d’un bout à l’autre bout» (v. 16). Ainsi Manassé persécutait le peuple de Dieu, ceux qui étaient innocents de toutes ces infamies. Dieu nous laisse ici sur ce spectacle terrible qui appelle la vengeance divine, mais les Chroniques, qui se plaisent toujours à constater l’action de la grâce, nous donnent des informations sur la fin de l’histoire de Manassé. Il avait, jusqu’à un certain moment de son histoire, accepté la suzeraineté des rois d’Assyrie. Ésar-Haddon avait succédé à Sankhérib (2 Rois 19:37), puis Assurbanipal, son fils. Babylone, qui avait secoué le joug d’Assur sous Berodac-Baladan, avait été bientôt reconquise et replacée sous la domination des rois d’Assyrie. Manassé, probablement enveloppé dans une conspiration de tous ces royaumes orientaux contre la dure servitude de l’Assyrien, est emmené captif à Babylone, chargé de chaînes d’airain. Telles sont probablement, à en juger par l’histoire, les causes de cette cruelle captivité, mais la vraie cause nous est révélée dans la Parole. C’est «l’Éternel qui fit venir sur Manassé et son peuple les chefs de l’armée du roi d’Assyrie» (2 Chron. 33:11).

Le but de Dieu, qui ne veut pas la mort du pécheur, fut atteint. Manassé s’humilia, jugeant devant Dieu toute sa conduite, et Dieu le ramena à Jérusalem et dans son royaume. Alors il fut aussi zélé pour brûler ce qu’il avait adoré que les rois pieux qui avaient précédé Ézéchias, son père, et le peuple entra dans la même voie. Joël, qui prophétisait sous Manassé, semble faire allusion à cet événement (Joël 2:12-14). Seulement, les hauts lieux ne furent pas abolis. Ce ne fut pas un réveil proprement dit, mais un retour vers Dieu par l’affliction qui fait que le malheureux crie à Lui et reçoit la délivrance de toutes ses angoisses. Ce sujet devra être repris plus tard dans l’étude des Chroniques. Le livre des Rois s’arrête quand il a constaté la responsabilité du roi; celui des Chroniques nous montre la grâce agissant par les jugements pour le restaurer. Quelle heureuse pensée, que les cœurs les plus endurcis puissent devenir des objets de la grâce! Combien n’en rencontrerons-nous pas auprès du Seigneur dont la carrière semblait, comme ici, brisée par le jugement, et qui, sans que nous nous en doutions, ont été touchés par une repentance à salut!

 

V. 19 à 21 — Amon

Le court règne d’Amon (deux ans) est caractérisé par la même impiété que celui de son père, plus grave encore si possible, en ce que, témoin du jugement infligé à Manassé, de sa repentance et de l’abandon qu’il avait fait de ses idoles, il aurait dû en recevoir instruction pour lui-même. Sa mère était Meshullémeth, fille de Haruts, de Jotba. Elle devait être une Édomite, si Jotha est le même lieu que Jotbatha des traites d’Israël (Nomb. 33:33; Deut. 10:7). Ce n’est pas sans raison, comme nous l’avons dit souvent, que nôtre livre fait partout une allusion discrète aux origines maternelles des rois. Quoiqu’il en soit, relever des idoles détruites, est pire encore aux yeux de l’Éternel que d’en ériger de nouvelles. C’est un mépris insolent de Dieu, après que, par ses voies et par sa Parole, il s’est révélé à nous pour nous faire abandonner ce qui le déshonore. Y revenir, c’est agir comme si Dieu n’existait pas et n’avait pas parlé, et c’est aussi ce qui rend la chrétienté si coupable. Dieu l’a séparée de l’idolâtrie et de ses principes immoraux; elle est retournée à ces principes, comme nous le voyons en 2 Tim. 3:1-5, comparé avec Rom. 1:29-32, et retournera plus tard aux idoles elles-mêmes. Amon «abandonna l’Éternel, le Dieu de ses pères»; telle est sa sentence. Pour lui, il n’est pas laissé de place à la repentance. Il meurt de mort violente comme les derniers rois d’Israël.