2 Rois

Chapitre 19

Sankhérib et l’Éternel

Avant d’aller plus loin, je désire faire une ou deux remarques sur les trois récits de la vie d’Ézéchias, contenus dans la Parole (2 Rois 18-20; 2 Chron. 29-32; És. 36-39. Notre récit seul débute par la révolte d’Ézéchias contre Sankhérib, suivie de l’invasion de Juda et de l’humiliation du roi, en suite de son manque de confiance. C’est que ce récit nous présente la carrière des rois placés sous leur responsabilité. La discipline de Dieu envers Ézéchias lui montre, en cette occurrence, que la confiance en l’Éternel a seule le pouvoir de le garder. Ce même récit insiste, avant tout, sur le caractère du vrai témoignage, au temps de la fin; il consiste dans l’abandon de tout mélange avec l’idolâtrie du monde. Nous trouvons ensuite l’attaque de Sankhérib contre Jérusalem, où la confiance absolue d’Ézéchias en l’Éternel est mise à une épreuve dont elle sort victorieuse.

Dans le récit des Chroniques, nous trouvons le roi selon les conseils de Dieu. Juda n’est plus qu’un petit résidu insignifiant, confiné à Jérusalem. Le roi apparaît, dès le premier jour, comme préparé de Dieu pour son œuvre de grâce. Le temple de l’Éternel reste avec le résidu qui en a la garde. Ézéchias le purifie, restaure dans son intégrité le culte de Dieu, et celui des faux dieux est déraciné et aboli. Le résidu du peuple acquiert ainsi le droit d’être le porteur du témoignage de Dieu. Mais il faut encore garantir la cité de Dieu de l’ennemi, en lui coupant les sources qui alimentent la ville; il ne lui reste plus rien de commun avec le témoignage. Ce dernier est complet dans la mesure et les confins de ce petit peuple humilié. L’histoire de l’attaque de Sankhérib contre Jérusalem est beaucoup plus brève ici que dans les deux autres récits.

En Ésaïe, nous avons l’histoire d’Ézéchias au point de vue prophétique. Trois faits seulement y sont exposés en détail: l’attaque de Sankhérib et la maladie mortelle d’Ézéchias, suivie de la visite des ambassadeurs, qui explique prophétiquement l’élévation et la chute de Babylone, en rapport avec Juda. Dans ce récit, Ézéchias est, en quelques points, le type du Messie, en beaucoup d’autres, le type du résidu. Ce dernier, condamné à mort, reprend comme une vie de résurrection. La maladie d’Ézéchias, mentionnée aussi dans les deux autres récits, acquiert, en Ésaïe, une importance prophétique toute particulière, par la mention de «l’écrit d’Ézéchias», plainte prophétique du résidu, qui désire célébrer l’Éternel «dans la terre des vivants» (Ésaïe 38:9).

Reprenons maintenant le cours de notre récit.

Après les menaces de l’Assyrien contre lui, Ézéchias monte une première fois à la maison de l’Éternel. En apparence, il restait peu de chose à ce pauvre roi. Tout Juda saccagé, l’armée assyrienne faisant le siège de la seule ville qui restât encore debout, le serviteur de l’Éternel méprisé, traité comme un malfaiteur par les nations, le nom de l’Éternel foulé aux pieds, les circonstances telles, qu’il fallait tout supporter en silence, et accepter l’humiliation comme la juste rétribution des péchés et de la désobéissance du peuple. Avait-il quelque ressource, ce faible «résidu qui se trouvait encore»? (v. 4). Oui, certes! Il lui restait le temple de l’Éternel, sa ville bien-aimée, la montagne de Sion, le fils de David et son trône, le prophète, porteur de la parole de Dieu; il lui restait bien plus qu’à David lui-même dans la caverne d’Adullam! La chair pouvait se décourager, la foi ne le pouvait aucunement, car, au milieu de ce désastre sans nom, elle possédait tout ce qui fait sa ferme assurance, tout ce qui console et réjouit dans l’affliction, Emmanuel, la présence de Dieu avec son peuple. N’en est-il pas de même aujourd’hui? Cherchez le témoignage de Dieu, au milieu d’un monde mûr pour l’apostasie. La foi seule peut le découvrir, «ce résidu qui se trouve encore»; mais elle le découvre; elle préfère la maison de Dieu à toutes les tentes des méchants, le peuple pauvre et affligé à toute la prospérité de l’Assyrien; elle écoute la voix du prophète, et ferme l’oreille aux voix blasphématoires des serviteurs de l’ennemi; elle se groupe autour de l’Oint de l’Éternel, et comment craindrait-elle, puisque Dieu voit et regarde la face de son Oint?

Non pas que cette confiance exclue l’angoisse et que le danger extrême n’étreigne pas le cœur, ni qu’on ne porte sur soi le sac et ne déchire ses vêtements en signe d’affliction, d’humiliation et de deuil. Mais le danger pousse Ézéchias et son peuple vers la maison de l’Éternel et vers les oracles de Dieu pour recevoir conseil, force et consolation. «Ce jour est un jour de détresse, et de châtiment, et d’opprobre; car les enfants sont venus jusqu’à la naissance, et il n’y a point de force pour enfanter» (v. 3). Il faut sentir, en des temps comme ceux-là et comme les nôtres, que ce sont des jours d’angoisse et de châtiment, que notre part est une profonde humiliation, que, pareils à ce petit résidu, nous avons à prendre sur nous «l’opprobre d’un grand peuple», et que nous avons à l’exprimer par nos larmes et nos soupirs sur l’état de la chrétienté, qui a si affreusement déshonoré le Seigneur. Mais une chose suffit au résidu affligé, et doit nous suffire: l’Éternel est là; c’est lui, non pas nous, qui a été outragé. Alors nous dirons comme Ézéchias: Peut-être l’Éternel entendra-t-il toutes les paroles de celui qui a outragé le Dieu vivant et punira-t-il les paroles qu’il a entendues (v. 4), et l’Éternel nous répondra.

«Ne crains pas», dit Ésaïe, «à cause des paroles que tu as entendues, par lesquelles les serviteurs du roi d’Assyrie m’ont blasphémé. Voici, je vais mettre en lui un esprit, et il entendra une nouvelle, et retournera dans son pays; et je le ferai tomber par l’épée dans son pays» (v. 6-7). La parole de l’Éternel s’accomplit à la lettre. La nouvelle que Tirhaka, roi d’Éthiopie, qui s’était emparé de l’Égypte, s’avançait contre lui, quand son but était précisément la conquête de l’Égypte, le fait partir subitement à sa rencontre1.

1 C’est à son retour de cette expédition que son camp est frappé sur les montagnes d’Israël, comme le sera celui du futur Assyrien de la prophétie.

Mais, avant son départ, Sankhérib envoie un message écrit à Ézéchias. Il avait fait dire précédemment au peuple: «Qu’Ézéchias ne vous trompe point... et ne vous fasse pas mettre votre confiance, en l’Éternel» (18:29-30). Il dit maintenant à Ézéchias: «Que ton Dieu, en qui tu te confies, ne te trompe point» (v. 10), l’assimilant aux faux dieux que lui, l’Assyrien, avait détruits. C’était un «outrage» direct au «Dieu vivant». La rage, qui remplit le monarque assyrien, entravé dans ses projets et froissé dans son orgueil, se montre maintenant sous son vrai caractère, C’est au Dieu d’Israël qu’il en veut.

Ézéchias monte une seconde fois à la maison de l’Éternel. Il ne s’agit plus d’humiliation comme la première fois, mais d’une attaque directe contre le nom de l’Éternel, qu’Ézéchias honore. Dieu doit prendre connaissance de cette lettre. Le roi lui remet en mains sa propre cause à Lui, mais il sait que, pour l’honneur de son nom, l’Éternel sauvera son peuple humilié. «Et maintenant, Éternel notre Dieu! sauve-nous, je te prie, de sa main, afin que tous les royaumes de la terre sachent que toi, Éternel, tu es Dieu, toi seul» (v. 19).

Alors Ésaïe fait connaître au roi la parole de l’Éternel, prononcée contre l’Assyrien. Si Ézéchias porte sur son cœur les intérêts de son Dieu quand il s’agit de l’ennemi, l’Éternel lui répond qu’il ne laissera pas outrager par le monde «la vierge, fille de Sion», puisqu’elle est l’épouse du grand roi. «La vierge, fille de Sion, te méprise, elle se moque de toi; la fille de Jérusalem secoue la tête après toi» (v. 21). Ainsi Dieu revendique le caractère et l’honneur de ses bien-aimés, coupables mais humiliés, quand ceux-ci revendiquent son honneur et son caractère à Lui seul. L’Assyrien, dans sa folie, avait levé les yeux en haut contre le Saint d’Israël. Il avait levé la verge de la colère de Dieu, qui avait fait cela dès longtemps, mais il s’était enorgueilli de ses succès et n’avait pas craint de s’élever jusqu’à Dieu. Il disait: J’ai gravi, je couperai, je parviendrai, j’ai creusé, j’ai desséché. (v. 23-24), tandis que c’était l’Éternel qui avait décrété la ruine des nations et de son peuple par ce moyen (v. 25-26). «Mais je sais», dit l’Éternel, «ton habitation, et ta sortie et ton entrée, et ta rage contre moi. Parce que tu es plein de rage contre moi, et que ton insolence est montée à mes oreilles, je mettrai mon anneau à ton nez et mon frein entre tes lèvres, et je te ferai retourner par le chemin par lequel tu es venu» (v. 27-28).

L’Éternel donne alors à Ézéchias un signe de sa délivrance: la première année, on mangerait ce qui lèverait des grains tombés, pauvre récolte, mais qui les empêcherait de mourir de faim. C’est, prophétiquement, l’histoire de la préservation du résidu à Jérusalem. La seconde année, il y aurait une force de croissance; la troisième année, viendrait la récolte et le fruit de la vigne. L’Éternel explique cette parabole au roi: «Ce qui est réchappé et demeuré de reste de la maison de Juda poussera encore des racines en bas et produira du fruit en haut. Car de Jérusalem sortira un résidu, et de la montagne de Sion, ce qui est réchappé. La jalousie de l’Éternel des armées fera cela» (v. 30-31). Le résidu de Juda sera fondé de nouveau par l’Éternel, et comblé de ses bénédictions.

S’il en est ainsi de Jérusalem, à bien plus forte raison de l’Assemblée, Épouse de Christ, faible résidu au milieu des ruines, chez lequel il n’y a point de force pour enfanter, et si abaissé, que l’ennemi peut dire: «Que ton Dieu, en qui tu te confies, ne te trompe point»; mais précieux à Christ, qui le fera asseoir avec lui sur son trône, et le plantera à toujours dans les parvis de Dieu, comme un arbre chargé de fleurs et de fruits.

L’Assyrien ne devait pas entrer dans la ville, ni y lancer des flèches, ni dresser contre elle des terrasses; et cependant, l’armée ennemie l’environnait en ce moment même. Mais Dieu intervient, à cause de son nom, et à cause de David, son serviteur, envers lequel il ne révoquera ni son alliance, ni ses promesses (v. 32-34).

La nuit même de cette prophétie, le camp des Assyriens fut frappé. Au matin, ils étaient tous des corps morts. «Les forts de cœur ont été dépouillés, ils ont dormi leur sommeil, et aucun des hommes vaillants n’a trouvé ses mains. Quand tu les as tancés, ô Dieu de Jacob! chars et chevaux se sont endormis profondément... Quand tu te levas, ô Dieu, pour le jugement, pour sauver tous les débonnaires de la terre» (Ps. 76:6, 7, 10). C’est ainsi aussi, que l’Assyrien de la fin, le roi du Nord, rencontrera son jugement: «Des nouvelles de l’orient et du nord l’effrayeront, et il sortira en grande fureur pour exterminer et détruire entièrement beaucoup de gens. Et il plantera les tentes de son palais entre la mer et la montagne de sainte beauté; et il viendra à sa fin, et il n’y aura personne pour le secourir» (Daniel 11:44-45). Lui-même, le chef de l’armée, subit la sentence prononcée par le prophète contre lui (v. 37). Ses fils le frappent avec l’épée, comme il se prosternait dans la maison de Nisroc, son dieu. Il avait dit à Ézéchias: «L’Éternel ne te délivrera pas»; et voici, son dieu Nisroc était incapable de le délivrer, quand il se prosternait devant lui.

En tout cela, nous suivons les progrès de l’homme de Dieu, et la récompense que reçoit sa confiance en l’Éternel. Au commencement, il se révolte contre l’Assyrien, quand peut-être, manquant de connaissance de son propre cœur, il avait pu prendre pour la seule confiance en Dieu, une confiance à laquelle le moi n’était pas étranger. Alors, il la perd devant l’ennemi, mais Dieu se sert de la discipline pour lui ôter toute confiance en lui-même. Dans cette épreuve, Ézéchias, humilié de l’état du peuple, ne cherchant aucun appui dans son propre cœur, remet tout à Dieu. Sa confiance va croissant, à mesure que l’épreuve grandit. Il ne pense plus à lui, ni à son peuple, si ce n’est pour se juger; il ne cherche que la gloire de l’Éternel, liant toutefois le salut d’Israël à cette gloire. Dieu lui répond en lui montrant que Jérusalem, le fils de David, et le résidu bien-aimé, occupent exclusivement ses pensées. Il délivre son peuple par le jugement, et répond à l’humble prière que «le résidu qui se trouve encore» lui adresse par la bouche du prophète (19:4).