2 Rois

Chapitre 18

Chapitres 18 à 20 — Ézéchias, roi de Juda

L’histoire d’Israël étant terminée, nous trouvons, jusqu’à la fin du livre, celle des derniers rois de Juda. Avant d’en considérer les détails, abordons un sujet général de la plus haute importance.

Les Réveils de la fin

Extérieurement, sans doute, Juda marchait «encore avec Dieu et avec les vrais saints» (Os. 12:1); mais depuis longtemps, sa ruine était manifeste. Elle s’était accentuée tout particulièrement depuis que le pieux Josaphat avait été chercher l’alliance d’Achab. Tout en conservant cette apparence extérieure, abandonnée par Éphraïm dès le commencement de son existence, Juda était moralement éloigné de Dieu. Les prophètes Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel, nous renseignent sur son état intérieur. C’est ainsi qu’Ésaïe, décrivant l’état de Juda dans cette période, écrit: «Parce que ce peuple s’approche de moi de sa bouche, et qu’ils m’honorent de leurs lèvres, et que leur cœur est éloigné de moi, et que leur crainte de moi est un commandement d’hommes enseigné, c’est pourquoi, voici, j’agirai encore merveilleusement, et je ferai une œuvre merveilleuse envers ce peuple: la sagesse de ses sages périra, et l’intelligence de ses intelligents se cachera» (És. 29:13-14). Et encore: «C’est ici un peuple rebelle, des fils menteurs, des fils qui ne veulent pas entendre la loi de l’Éternel» (30:9). Et encore, à la veille de l’invasion de Sankhérib: «Les pécheurs ont peur dans Sion; le tremblement a saisi les impies: Qui de nous séjournera dans le feu consumant? Qui de nous séjournera dans les flammes éternelles? Celui qui marche dans la justice, et celui qui parle avec droiture, celui qui rejette le gain acquis par extorsion, qui secoue ses mains pour ne pas prendre de présent, qui bouche ses oreilles pour ne pas entendre parler de sang et qui ferme ses yeux pour ne pas voir le mal» (33:14-15). Il est inutile de multiplier les citations. Nous aurons du reste occasion d’y revenir quand, à propos du règne de Josias, nous consulterons Jérémie au sujet de l’histoire morale de Juda.

Au milieu de cet état de choses, Achaz, roi de Juda, avait pris à tâche d’altérer les institutions fondamentales du temple de l’Éternel. On ne voit pas que le peuple ait protesté le moins du monde contre ces profanations. Il laissait faire. Aussi le courroux de l’Éternel s’était-il embrasé sous le règne d’Achaz contre Juda (2 Chron. 28:9), en le livrant aux mains d’Éphraïm, et contre Achaz qui avait «rejeté tout frein en Juda et avait beaucoup péché contre l’Éternel» (2 Chron. 28:19). Seul l’impie Manassé dépassa plus tard l’iniquité d’Achaz.

Mais, entre ces deux rois, Dieu suscite un témoignage en Juda. Nous entrons dans la période des Réveils proprement dits; le premier, celui d’Ézéchias, dont nous allons nous occuper, le second, celui de Josias. Le caractère saillant de ces réveils, c’est qu’ils sont le fruit absolu de la grâce de Dieu. Rien ne les fait prévoir, aucun travail préliminaire ne les amène, nul signe de repentance chez le peuple ne les précède. Ils sont l’œuvre directe de l’Esprit de Dieu, et ressortent d’une manière éclatante au milieu de la ruine de Juda. Ézéchias est le fils d’un père profane et voué aux abominations idolâtres; son fils, Manassé, surpasse Achaz en apostasie. Manassé a pour fils Amon, aussi apostat que lui. Mais le fils de ce dernier, petit-fils de Manassé, Josias, est l’instrument d’un second réveil en Juda. Après lui vient la période de la fin, où la lampe de David semble éteinte pour toujours.

Ces réveils ont pour nous une importance toute particulière. Nous assistons à la fin de l’histoire de la chrétienté qui, sauf l’idolâtrie païenne, a la plus grande analogie morale avec la fin de l’histoire de Juda. Le jugement est prononcé depuis longtemps par la Parole sur l’état de choses actuel (lisez 2 Tim.; 2 Pierre; Jude), et nul n’y prend garde. Au moment de leur ruine subite, les hommes crient encore: «Paix et sûreté». La grâce de Dieu met momentanément, par des réveils, une digue au torrent qui les emporte. Il s’en sert pour retirer de la masse, déjà condamnée, un plus ou moins grand nombre d’âmes, rendues attentives à la voix de son Évangile; il prépare ainsi la venue de son Bien-aimé pour prendre les siens auprès de Lui, en complétant le nombre des élus, en sorte que pas un d’entre eux ne manque au dernier appel du rassemblement final.

Ces réveils de la fin n’ont pas tous le même caractère, mais quand on cherche à les distinguer des retours de piété qui ont précédé, l’on trouve d’abord qu’ils ne concernent pas seulement la personne du roi, mais sont partagés par le peuple; ensuite que, malgré leur diversité, ils ont un caractère commun, la rupture complète avec des traditions qui, par leur antiquité, paraissaient respectables aux yeux des hommes, mais n’étaient pas l’enseignement du Saint Esprit, et n’avaient point été instituées de Dieu. Les réveils de la fin sont, en un mot, la rupture avec la tradition et le retour à ce qui était au commencement. Ce fait nous frappe particulièrement dans l’histoire d’Ézéchias et dans celle de Josias. David, le chef de la race royale, n’avait jamais sacrifié sur les hauts lieux; il n’avait qu’un souci: trouver un lieu pour l’arche de l’Éternel. Ce lieu trouvé en Sion, il s’y tient et y rend culte à Dieu. Salomon ne suit pas la marche de son père et s’en écarte, en ce qu’il sacrifie à l’Éternel sur les hauts lieux. Pratique dangereuse, et qui porte des fruits abominables, lorsque le cœur du roi se fut laissé entraîner par les femmes étrangères (1 Rois 11:7). Depuis ce moment-là, les sacrifices des hauts lieux, tradition du règne de Salomon, ne furent plus bannis de Juda, et l’on peut dire, comme nous l’avons déjà fait remarquer, que les hauts lieux firent partie de sa religion nationale1. Nous avons donc raison d’affirmer que cette religion, tout en gardant bien des traits de la vérité, avait abandonné ce qui était au commencement, et qui remontait, non seulement à David, mais à Moïse (voyez Deut. 12:1-2). Elle avait favorisé l’alliance de Josaphat avec le roi d’Israël, car s’il n’existait pas entre eux de lien moral, la conformité de certaines pratiques religieuses entre leurs deux peuples, aveuglait ce roi pieux sur l’impiété d’une pareille alliance. Ce relâchement initial porte tôt ou tard ses fruits. L’inique Achaz s’attaque, non pas aux hauts lieux de Salomon, mais aux choses établies par lui, selon le modèle communiqué au commencement par l’Éternel à David, c’est-à-dire à la maison même de Dieu. Il fait bon marché de tous les principes divins proclamés dans l’arrangement du temple, comme de nos jours, on fait bon marché de tous les dogmes, sans respecter davantage la divine institution des choses du christianisme, qu’Achaz ne respectait l’autel et les cuves.

1 Nous verrons, en étudiant le second livre des Chroniques, la manière, en apparence contradictoire, dont ce livre nous présente cet important sujet.

Nous avons dit que le caractère commun des réveils de la fin est la séparation de la religion courante, pour revenir à ce qui a été enseigné au commencement dans la parole de Dieu.

De là, sous Ézéchias, la destruction complète (encore plus radicale sous Josias qui la poursuit dans tout le territoire de Canaan) de tout ce qui se rapportait aux hauts lieux, statues, ashères, encens, sacrificateurs, et de toute cette religion de pronostiqueurs, spirites et autres, vers laquelle Israël était entraîné. En comparant l’histoire de Josias avec celle d’Ézéchias, nous noterons les caractères distinctifs de ces réveils, car, nous l’avons dit, chacun a un caractère spécial, selon les époques diverses dont Dieu connaît les besoins. Bornons-nous, pour le moment, à considérer le réveil qui caractérise le règne d’Ézéchias.

 

Chapitre 18

 V. 1-18 — Ézéchias et le premier réveil

La mère d’Ézéchias était probablement de race sacerdotale ou lévitique et, sans doute, comme nous l’avons souvent noté, le Seigneur l’employa dans l’éducation de son fils, alors qu’Achaz, père d’Ézéchias, ne pouvait avoir sur lui qu’une influence néfaste. Mais, quoiqu’il en soit de ces influences favorables ou contraires, une chose demeure, c’est que la grâce seule explique les caractères d’Ézéchias et de Josias, et les derniers rois de Juda, impies malgré leurs mères juives ou leurs pères pieux, en sont la preuve.

«Il fit ce qui est droit aux yeux de l’Éternel, selon tout ce que fit David son père» (v. 3). Dieu fait remonter sa fidélité à l’exemple donné par David, fait d’autant plus remarquable que cela n’est pas dit de ses prédécesseurs. Jotham «fit ce qui est droit aux yeux de l’Éternel, selon tout ce qu’avait fait Ozias son père» (15:34). Ozias «selon ce qu’avait fait Amatsia» (15:3); Amatsia «selon ce qu’avait fait Joas» (14:3). La parole de Dieu fait la même remarque pour Josias que pour Ézéchias (22:2), confirmant ainsi le fait que ces deux rois retournèrent à ce qui était au commencement. On ne peut parler aujourd’hui d’un réveil véritable qui n’ait pas ce caractère1. Il en fut de même aux jours d’Esdras et de Néhémie. Au sein même de la ruine, le peuple revint aux fondements divins et à la parole de Dieu, se séparant en même temps de toute action commune et de toute alliance avec le monde. De nos jours, on prétend créer des réveils, tout en les laissant alliés avec le christianisme professant qui déshonore Dieu, le Seigneur Jésus, le Saint Esprit et la Parole! Il n’en fut pas ainsi d’Ézéchias. Il ne pactisa nullement avec la corruption qui s’était introduite en Juda. Seulement, ce qui le distingue de nous, simples chrétiens quant aux principes, c’est qu’Ézéchias avait une autorité et une responsabilité spéciales comme roi, de la part de Dieu, et que son devoir était d’user de sa propre autorité pour purifier le peuple, acte qui aurait pu, comme pour les règnes précédents, laisser ses sujets plus ou moins indifférents à sa piété personnelle. Le réveil s’accomplissait dans le cœur du roi, le roi en était l’agent, et la question surgissait dès lors si le cœur et la conscience du peuple suivaient l’impulsion donnée. Or, nous voyons en 2 Chron. 30:10-44 et 31:1, que le zèle d’Ézéchias porta ses fruits et fut suivi chez le peuple d’humiliation et d’unité de cœur et de pensée pour se purifier du mal. Ce ne furent pas seulement ceux de Juda, mais les restes d’Éphraïm après la transportation, qui ressentirent les effets bénis de la piété du roi, en sorte que la destruction des instruments de l’idolâtrie s’étendit, non seulement à Juda et Benjamin, mais aussi à Éphraïm et Manassé.

1 Nous ne parlons pas ici, cela va sans dire, de l’évangélisation du monde et de la conversion des pécheurs.

«Il ôta les hauts lieux, et brisa les statues, et coupa les ashères, et mit en pièces le serpent d’airain que Moïse avait fait, car jusqu’à ces jours-là, les fils d’Israël lui brûlaient de l’encens; et il l’appela: Nehushtan (morceau d’airain)» (v. 4). Ici, cette purification est attribuée au roi seul. Elle fut complète de sa part et alla jusqu’au serpent d’airain que Moïse avait fait. N’est-il pas frappant de constater que la Parole ne fait aucune mention du serpent d’airain, depuis le temps où Moïse l’érigea dans le désert, et cependant, Israël l’avait conservé soigneusement depuis plus de 700 ans, sans doute en souvenir de la merveilleuse délivrance opérée par ce moyen en faveur du peuple? Israël avait été guéri par lui, et n’était-il pas naturel qu’il voulût le garder comme un témoignage visible de cette guérison? C’était une chose respectable, un type antique de la délivrance du péché et de ses conséquences par le sacrifice de Christ, mais cet objet était devenu, entre les mains de l’Ennemi, un moyen d’idolâtrie pour le peuple qui lui brûlait de l’encens. Il fallut l’intervention du fidèle Ézéchias pour signaler et détruire cette idolâtrie cachée, revêtue d’une forme d’institution divine. Ce serpent était un symbole, et non pas une chose ayant en elle-même une propriété miraculeuse. L’occasion unique où il avait été employé ne s’étant pas renouvelée et ne pouvant l’être, il n’avait pas plus de valeur en lui-même que tout autre Nehushtan, ou morceau d’airain. Les Nehushtans, idolâtrie plus cachée, mais aussi grossière que l’idolâtrie ordinaire, sont toujours nombreux dans la chrétienté. Comme Nehushtan, la croix de Christ a donné lieu à des pratiques superstitieuses. Posséder un morceau de la «vraie croix», le baiser, ou révérer un morceau de bronze ou d’ivoire représentant le Seigneur mourant sur la croix, sont des pratiques générales dans une grande partie de la chrétienté. L’homme s’attache au symbole et lui reconnaît quelque valeur ou propriété particulière. Il fait du symbole son Dieu. Est-ce meilleur que l’idolâtrie divinisant les attributs de Dieu? Non, certes; c’est une idolâtrie tout aussi grossière, mais encore plus dangereuse, parce qu’elle s’empare de ce qu’il y a de plus sacré, de plus élevé, de la croix, centre de tous les conseils de Dieu, du symbole de l’amour éternel, pour en faire une idole que les yeux de la chair voient, que baisent les lèvres de la chair, une idole qui n’a elle-même ni yeux pour voir, ni oreilles pour entendre. La foi se débarrasse de ces choses et les prend pour ce qu’elles sont, ni plus, ni moins, qu’un morceau de bois ou d’airain.

«Il mit sa confiance en l’Éternel, le Dieu d’Israël» (v. 5). Nous trouvons ici le caractère particulier et très frappant d’Ézéchias, et du réveil qui accompagne son règne. C’est la confiance en Dieu. Cette confiance lui fait repousser toute aide humaine. Il ne va pas, comme d’autres rois, chercher du secours en Égypte pour échapper à l’Assyrie (És. 30:1-5; 31:1-3), ou s’appuyer, comme son père, sur l’Assyrien, contre d’autres ennemis du dehors. Et cependant sa foi présente, même de ce côté-là, des défaillances, comme nous le verrons.

Sous le rapport de la confiance, Ézéchias n’eut pas son égal parmi les rois de Juda. Cette confiance est inséparable de l’obéissance: «Il s’attacha à l’Éternel; il ne se détourna point de lui, et il garda ses commandements, que l’Éternel avait commandés à Moïse» (v. 6). Défions-nous d’une soi-disant confiance en Dieu qui s’allie avec la désobéissance à sa Parole. Si j’ai confiance en lui, je m’attache à lui; si je m’attache à lui, je garde sa Parole, et je la garde, telle qu’il me l’a confiée au commencement comme Ézéchias garda «les choses commandées à Moïse». On peut trouver, sans doute, de la confiance en Lui, mêlée de beaucoup d’ignorance, mais l’ignorance n’est pas la désobéissance. Seulement, du moment que l’âme est mise en rapport avec la claire révélation de la pensée de Dieu et qu’elle lui préfère ses formes religieuses, ses hauts lieux et ses Nehushtans, elle n’aura jamais une vraie confiance en Dieu. Oui, confiance, attachement au Seigneur et obéissance sont choses inséparables. Le résultat de la foi d’Ézéchias ne se fait pas attendre: «L’Éternel fut avec lui: partout où il allait, il prospéra» (v. 7). Quel heureux cercle de bénédictions! La faveur de Dieu, la prospérité spirituelle accompagnent la fidélité. Que ces bénédictions, cher lecteur, soient les nôtres! Amen.

Il nous est dit ensuite qu’Ézéchias «se révolta contre le roi d’Assyrie et ne le servit pas» (v. 7). C’était agir en sens inverse de son père Achaz qui, averti solennellement par Ésaïe de ne pas craindre l’attaque de Retsin, roi de Syrie, et de Pékakh, fils de Remalia, et exhorté à demander de la part de l’Éternel un signe que sa promesse s’accomplirait, avait préféré recourir à l’Assyrien. Dieu lui déclara alors que ce roi d’Assyrie, auquel il se confiait, «remplirait la largeur du pays d’Emmanuel, du déploiement de ses ailes» (És. 7:1-17; 8:8). Ézéchias, nous paraît-il, agissait selon Dieu en ne reconnaissant pas cette autorité. Il n’en fut pas de même, plus tard, pour Juda, lorsqu’il s’agit de Babylone, comme nous pouvons le voir en Jérémie et à la fin de notre livre. Se révolter contre Nebucadnetsar, quand Dieu lui avait transféré l’empire et employait ce joug comme jugement sur Juda, c’était se révolter contre Dieu. Dans le cas d’Ézéchias, c’était ne pas reconnaître à l’Assyrien une autorité que Dieu ne lui avait nullement conférée à l’égard de Juda, dans ce moment-là. Ézéchias était serviteur de Dieu et ne pouvait l’être du roi d’Assyrie. Aussi la victoire sur les Philistins (v. 8), lui est-elle accordée à la suite de cette confiance en Dieu qui lui avait fait secouer ce joug.

Mais là même, quant au caractère dominant de sa foi, nous voyons, dès le début de son règne, chanceler la confiance de ce roi pieux. Dieu permet souvent des faits pareils, afin de nous apprendre à connaître nos cœurs et à ne mettre aucune confiance en nous-mêmes. L’histoire des hommes de foi, depuis Abraham à David, en passant par Moïse, nous en offre de nombreux exemples. C’est quant à la confiance même, qui caractérise avant tout sa marche, qu’Ézéchias fait son premier faux pas. Le terrible désastre d’Israël par l’invasion de Shalmanéser prépare, sans doute, l’ébranlement de cette confiance, mais quand Ézéchias voit toutes les villes de Juda tomber aux mains du roi d’Assyrie, le cœur lui manque. Il envoie vers lui à Lakis, disant: «J’ai péché, retire-toi de moi; ce que tu m’imposeras, je le supporterai» (v. 14). La peur s’empare de lui. Comme Pierre, il regarde le vent et les vagues, et perd de vue le Seigneur. Il se compare au roi d’Assyrie, au lieu de comparer celui-ci à l’Éternel. Le roi lui impose un tribut; Ézéchias se dépouille de tout pour le payer, jusqu’à enlever l’or des portes et des piliers du temple de l’Éternel. À quoi cela lui sert-il? Le roi n’en tient aucun compte. Que lui importe de rompre sa parole, quand il s’agit du serviteur détesté de l’Éternel?1 Les Chroniques (2 Chron. 32:1-8) se taisent sur cette défaillance pour en venir, comme Ésaïe 36, au récit de ce qui suit dans notre chapitre, depuis le v. 17. C’est que, comme nous l’avons souvent vu dans le cours de ces méditations, il s’agit ici de l’histoire du roi responsable, tandis que les Chroniques nous montrent l’action de la grâce de Dieu, dans le cœur de ceux qu’il emploie à son service. Cette discipline fut pleine de bénédictions pour le cœur d’Ézéchias, comme nous le verrons dans la suite.

1 On a supposé qu’Ézéchias n’avait pu s’acquitter de la totalité du tribut qui s’élevait à une somme énorme, mais les inscriptions confirment le récit biblique et montrent qu’il s’en est acquitté à la lettre. Il y avait donc félonie du monarque assyrien, et Dieu s’en servit pour la discipline d’Ézéchias.

Avant d’aller plus loin, remarquons que le récit des Chroniques (2 Chron. 29-31), insiste beaucoup sur une partie de l’activité d’Ézéchias au commencement de son règne, activité que le récit des Rois passe entièrement sous silence. En effet, les Chroniques nous présentent, tout au long, le zèle d’Ézéchias pour restaurer le culte et la maison de l’Éternel, tandis que notre récit dépeint son énergie pour se séparer du mal et en purifier le peuple. Ces deux caractères sont inséparables d’un vrai réveil, et l’on peut dire que le premier, le retour à Dieu, doit nécessairement primer le second ou, pour m’exprimer plus clairement, que la séparation du mal suit la restauration de nos rapports avec Dieu. Cela est si vrai, que les Chroniques nous montrent Ézéchias, comme «ayant à cœur de faire alliance avec l’Éternel» «au premier mois de la première année de son règne», et que la sanctification du temple commença «le premier jour du premier mois» (2 Chron. 29:3, 17; cf. v. 10). Ainsi, dès le premier jour de son règne, ce roi de 25 ans entreprend résolument la cause de Dieu. Il arrive au trône, jeune, inexpérimenté, n’ayant assisté, sous le règne de son père, qu’à des spectacles faits pour détourner les âmes de l’Éternel. Comment donc expliquer son attitude? Il entre dans sa carrière avec la foi seule, avec le fruit de la grâce!

«Et la quatorzième année du roi Ézéchias, Sankhérib, roi d’Assyrie, monta contre toutes les villes de Juda et les prit» (v. 13). Ici, une remarque historique qui a son importance. Ézéchias régna 29 ans. La quatorzième année de son règne, Sankhérib monte contre lui. Le chap. 20 nous dit qu’ensuite de sa supplication, quand il fut malade à la mort, «l’Éternel ajouta quinze années à ses jours». La maladie d’Ézéchias eut donc lieu au commencement de l’invasion de l’Assyrien et avant la défaite de ce dernier, et ne nous est pas présentée dans l’ordre chronologique1. Aussi ces faits sont-ils mentionnés d’une manière peu précise: «En ces jours-là, Ézéchiel fut malade à la mort» (20:1). Par ce fait, nous pouvons mesurer la profondeur de l’épreuve que dut traverser cet homme de Dieu. D’un côté, l’envahissement de tout son pays, sauf Jérusalem (18:13), de l’autre, une maladie mortelle, et cela, au moment où il avait rendu à son peuple le culte du vrai Dieu, exterminé l’idolâtrie, affranchi Juda de l’esclavage assyrien! On comprend que sa foi, mise à cette terrible épreuve, ait chancelé, que la confiance en Dieu se soit obscurcie un moment dans son cœur.

1 Ce que nous disons de la date de la maladie d’Ézéchias est confirmé par les paroles de l’Éternel lors de sa guérison: J’ajouterai quinze années à tes jours et je te délivrerai toi et cette ville de la main du roi d’Assyrie, et je protégerai cette ville (2 Rois 20:6)

Le roi d’Assyrie, qui avait assiégé et conquis Lakis, envoie à Jérusalem ses serviteurs, le Thartan ou général en chef de ses armées, le Rab-Saris (chef des têtes) dont les fonctions ne sont pas bien connues, et le Rab-Shaké, chef politique de la maison du roi et son porte-parole dans les occasions importantes. Ils se tiennent devant Jérusalem, et les serviteurs d’Ézéchias, Éliakim, Shebna et Joakh sortent vers eux. Depuis ce moment, notre récit concorde presque mot à mot avec celui d’Ésaïe (36-37).

 

V. 19-37 — Le discours du Rab-Shaké

La première partie du discours du Rab-Shaké (v. 19-25) a trait à la confiance d’Ézéchias en l’Éternel, confiance qui, nous l’avons vu, caractérisait sa piété. «Quelle est cette confiance que tu as?» «En qui te confies-tu, que tu te révoltes contre moi?» (v. 19, 20). Ici, le formidable orgueil de l’Assyrien se montre à nu. Ézéchias, privé de son territoire, enfermé dans Jérusalem comme un oiseau dans une cage, pourra-t-il résister à l’armée de l’Assyrien? La dernière pensée qui vienne à l’ennemi, c’est qu’on puisse se confier en un Dieu invisible et qu’Ézéchias puisse avoir d’autres principes dirigeants, d’autres appuis que le monde. S’il se confie en quelqu’un, ce doit être en l’Égypte. Cette pensée accroît la colère du roi contre Ézéchias. L’Égypte était précisément l’adversaire contre lequel son expédition était dirigée, et si Ézéchias se révoltait, c’était, selon lui, qu’il en attendait du secours. Il en était ainsi de toutes les nations environnantes, qui avaient secoué le joug pesant de l’Assyrie. Ézéchias différait-il d’elles toutes? Peut-être prétendait-il se confier en l’Éternel? «Si vous me dites: Nous nous confions en l’Éternel notre Dieu..» (v. 22). Vaines paroles! Ce Dieu, «Ézéchias en avait ôté les hauts lieux et les autels», car Sankhérib ignore le vrai Dieu et le confond avec les idoles que la fidélité d’Ézéchias avait abolies. Tu as beau dire, «tu mets ta confiance en l’Égypte!» Jamais le monde ne peut imaginer que les chrétiens ne cherchent pas leurs alliances avec le monde et, de fait, il n’y a rien d’étonnant à ce scepticisme, quand nous voyons l’état de la chrétienté qui nous entoure. La religion est-elle menacée d’un danger, subit-elle une attaque ou une persécution? le monde chrétien recourt immédiatement au gouvernement du monde pour l’éviter ou en être délivré. La conduite, les œuvres de la chrétienté sont basées sur l’influence du monde ou sur son aide pécuniaire. Les bonnes œuvres n’ont pas d’autre soutien. L’incrédule est justifié quand il nous dit: «Que si tu dis: Nous nous confions en l’Éternel…» au fond, tu ne t’y confies pas plus que nous! Il n’en était pas de même d’Ézéchias. Il pouvait laisser dire l’Assyrien, car il savait de quels dieux il avait purifié son peuple; il savait sur quel Dieu il pouvait compter.

Mais une chose bien sérieuse à considérer, c’est que l’infidélité de Juda donne à l’ennemi l’occasion de blasphémer le vrai Dieu et de nier son existence. Puisque vous aviez des hauts lieux et des autels, ils étaient pour vous l’Éternel, dit-il. Il ne connaît l’Éternel que par les idoles dont Juda avait fait ses dieux. Il avait le droit de leur dire: Vous aviez les mêmes dieux que moi et vous les serviez tout comme moi. Et maintenant, vous dites: Nous nous confions en l’Éternel! En quel Éternel, je vous prie? Celui des hauts lieux, ou celui de l’autel que vous venez d’ériger? Diffèrent-ils les uns des autres?

Et maintenant, c’est l’Éternel qui «m’a dit: Monte contre ce pays, et détruis-le» (v. 25). L’Assyrien n’avait-il pas aussi le droit de parler de l’Éternel? J’ai le même Dieu que vous, je le connais tout aussi bien que vous. N’entend-on pas journellement ces paroles dans le monde? La guerre éclate entre deux nations. Laquelle a Dieu pour elle? Toutes deux l’invoquent, sûres de la victoire. Où est-il, le vrai Dieu? Hélas! même parmi les nations chrétiennes, ni d’un côté, ni de l’autre. Le vrai Dieu est ignoré de tous. Il n’en était pas ainsi d’Ézéchias. Sa confiance en Dieu était mise en question par l’ennemi qui l’outrageait et se moquait de lui. Que faire? Laisser dire et se taire, en regardant humblement à Dieu. L’ennemi dit: L’Éternel est avec moi contre toi. Laisse dire, Ézéchias, et confie-toi en ton Dieu que l’ennemi ne connaît pas!

Le Rab-Shaké parle en hébreu au peuple qui se tient sur la muraille. Les serviteurs d’Ézéchias le prient de parler en syriaque; il s’y refuse avec des paroles d’outrage et de mépris. Le danger de voir le peuple se décourager pourrait remplir Ézéchias d’angoisse. Même ce danger laisse tranquille et paisible l’âme du croyant. Il n’a qu’à se taire. Sa confiance en Dieu répond à tout.

Et maintenant, le Rab-Shaké s’attaque à la personne du roi. Ézéchias est un trompeur, un séducteur (v. 29, 30). Il vous ment, en vous engageant à mettre votre confiance en l’Éternel (v.30). N’écoutez pas Ézéchias (v. 31, 32). Écoutez le roi d’Assyrie (v. 28). Celui-ci vous laissera tranquilles, puis il vous transportera dans «un pays de blé et de moût, un pays de pain et de vignes, un pays d’oliviers à huile et de miel» (v. 32), un pays aussi plein de bonnes choses que la terre de Canaan. C’est là que vous trouverez la vraie abondance (cf. Deut. 8:7-10). Sans doute, vous aurez l’esclavage en plus, mais l’Assyrien fera votre bonheur! C’est ainsi que Satan a toujours parlé au cœur des hommes. Malheur à celui qui l’écoute, car jamais le prince du monde ne rend un homme heureux. Faut-il raisonner avec lui, entrer en controverse ou même en conversation avec lui, faut-il lui répondre? Nos premiers parents n’en ont que trop fait l’épreuve, pour leur ruine et celle de toute leur postérité; l’homme de foi n’est point tenté de lui répondre. «Et le peuple se tut, et ne lui répondit pas un mot; car c’était là le commandement du roi, disant: Vous ne lui répondrez pas» (v. 36). Il n’y a qu’à se taire et à laisser l’ennemi à ses menaces ou à ses paroles mielleuses. Le peuple a confiance en la parole du roi, son conducteur, et imite sa foi. Dieu se sert de cette attaque ouverte de l’Assyrien contre Dieu et contre son Oint, pour affermir et réveiller le peuple.