2 Rois

Chapitre 16

Achaz, roi de Juda

Achaz, fils de Jotham, commença de régner sur Juda, trois ans avant la mort de Pékakh, roi d’Israël, qui régna vingt ans à Samarie. Comme si Dieu eût voulu épargner cette honte à sa mère, le nom de celle-ci ne nous est pas donné. Au lieu de servir l’Éternel, il marcha dans la voie des rois d’Israël et revint aux mauvais jours de l’impie Achab, établissant en Juda le culte de Baal et celui de Moloch, auquel il sacrifia son fils (2 Chr. 28:2). Ses prédécesseurs n’avaient jamais aboli les hauts lieux, et laissaient le peuple y faire fumer de l’encens, sans se joindre eux-mêmes à cette idolâtrie. Achaz sacrifie lui-même et fait fumer «l’encens sur les hauts lieux, et sur les collines, et sous tout arbre vert» (v. 4). Il fit «ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel», comme les rois d’Israël. Remarquez que cette qualification de «mauvais» nous est toujours donnée en rapport avec l’Éternel. Il arrive, sans doute, que l’abandon de Dieu livre celui qui en est coupable à toute sorte de mal moral, au crime et à l’impureté, mais il n’en est pas toujours ainsi. Jéroboam I, Joas, roi d’Israël, Jéroboam II, étaient des monarques remarquables aux yeux des hommes; deux d’entre eux furent des «sauveurs» pour leur peuple, dont ils contribuèrent à établir la réputation et à reconquérir le domaine; mais pour Dieu, la question est autre. Il s’agit de déterminer les rapports que ces rois, comme ici Achaz, roi de Juda, eurent avec Lui. Le fait, si simple, que la mesure morale d’un homme se trouve dans sa conduite vis-à-vis de Dieu, est particulièrement oublié de nos jours. Un homme peut être libre-penseur, athée même; s’il se conduit moralement et rend des services à l’humanité, même des chrétiens le qualifieront d’excellent homme, comme si Dieu pouvait accepter quelque chose de lui ou le dispenser en quelque manière de croire en Lui, à cause de sa bonne conduite. Erreur fatale pour cet homme, mais désolante surtout, quand on la voit sanctionnée par des chrétiens qui méconnaissent ainsi que, sans la crainte de Dieu, il ne peut pas même y avoir pour l’homme un commencement de sagesse. Quand ces incrédules paraîtront devant Dieu, ils seront convaincus par Lui, mais hélas! trop tard, d’avoir fait ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel, et les chrétiens qui ont excusé leur incrédulité seront responsables de leur avoir, par cette coupable adhésion, fermé le chemin de la repentance. Achaz «marcha dans la voie des rois d’Israël» (v. 3). Double condamnation de ce roi qui, connaissant le culte du vrai Dieu en Juda, lui tourna le dos pour suivre les abominations des nations idolâtres.

Aussi le jugement qui se préparait contre le peuple sous Jotham, atteint maintenant Achaz, à cause de son infidélité. «Alors», nous est-il dit, «Retsin, roi de Syrie, et Pékakh, fils de Remalia, roi d’Israël, montèrent à Jérusalem pour lui faire la guerre; et ils assiégèrent Achaz; mais ils ne purent pas le vaincre»1 (v. 5). Quoique nous devions, pour nous borner, remettre la mention des prophètes de Juda à l’étude du second livre des Chroniques, nous sommes obligés de nous départir çà et là de cette règle, et d’en référer ici à Ésaïe, d’autant plus que Pékakh, fils de Remalia, roi d’Israël, y joue un rôle important. Le roi d’Israël, autrefois en guerre avec la Syrie, est maintenant son allié, sans doute pour se dégager d’un côté du joug de Tiglath-Piléser, roi d’Assyrie, qui, comme nous l’avons vu plus haut, l’avait dépouillé d’une grande partie de son territoire, mais aussi pour regagner, tout en servant les vues de son allié, ce que Juda lui avait pris.

1 Nous ne parlerons pas ici des victoires remportées par Retsin et Pékakh sur Juda, ni du prophète Oded, qui réussit à atteindre la conscience de quelques-uns des chefs d’Éphraïm, en leur faisant renvoyer les prisonniers et le butin pris sur Juda, au lieu de les retenir captifs. Tout ce récit trouvera sa place dans l’étude des Chroniques.

Ces deux rois donc montent contre Jérusalem et «assiègent Achaz, mais ne peuvent pas le vaincre». Le cœur d’Achaz et de son peuple est agité «comme les arbres de la forêt sont agités devant le vent» (És. 7:2). L’Éternel envoie Ésaïe à la rencontre du roi. Le prophète est accompagné de son fils Shear-Jashub, dont le nom signifie: «Un résidu reviendra» (cf. És. 10:21). Il parle en grâce à ce roi impie. C’est que Dieu reste, quoiqu’il en soit, fidèle à ses promesses, et renouera ses relations avec Israël et Juda, dans la personne de Christ et du résidu. Mais qu’elle est touchante la patiente grâce de Dieu envers ce mauvais roi! Il le rassure, au lieu de l’écraser; il lui annonce la délivrance. Il lui dit: «Prends garde et sois tranquille»; laisse-moi agir. Il lui dit: «Ne crains pas», à lui qui avait tout à craindre de Sa part. Il lui donne la date à laquelle Éphraïm «cessera d’être un peuple». Le mal est décrété pour une époque fixe et irrévocable, et malgré tout, Juda, s’il croyait, subsisterait encore pour un peu de temps (Ésaïe 7:9). L’Esprit de Dieu, par le prophète, dit à Achaz: «Demande un signe pour toi, de la part de l’Éternel, ton Dieu». Achaz répond: «Je ne le demanderai pas, et je ne tenterai pas l’Éternel», colorant son incrédulité et sa désobéissance par une apparence de piété. Tenter l’Éternel, c’était se défier de lui, mais de fait, Achaz faisait bien plus que se défier; il ne croyait pas à la parole de l’Éternel. Alors Dieu lui annonce un signe: Juda, c’est-à-dire la maison de David, représentée par Achaz, a lassé la patience de Dieu, qui la remplacera par Emmanuel, la semence de la femme (v. 14). Mais avant que le second fils, qui devait naître au prophète, sût «rejeter le mal et choisir le bien, le pays des deux rois duquel Achaz a peur serait abandonné» (v. 16). Ce Maher-Shalal-Hash-Baz (qu’on se dépêche de butiner, qu’on hâte le pillage), ne «saura pas encore crier mon père et ma mère», que le pays de Pékakh et de Retsin sera abandonné. Cette prophétie s’est littéralement accomplie, et le dessein de ces rois d’établir en Juda «le fils de Tabeël» fut anéanti1.

1 Le nom de Tabeël, qui a passablement intrigué les savants, semblerait indiquer, par ses racines, un homme lié à la fois à la Syrie et à Éphraïm, que ces deux puissances avaient intérêt à choisir pour candidat au trône de Juda.

Achaz préfère se confier au roi d’Assyrie contre Pékakh et Retsin, que de se confier en l’Éternel et de lui obéir. Cela explique sa réponse à Ésaïe. Il avait envoyé «des messagers à Tiglath-Piléser, roi d’Assyrie, disant: Je suis ton serviteur et ton fils; monte, et sauve-moi de la main du roi de Syrie et de la main du roi d’Israël qui s’élèvent contre moi. Et Achaz prit l’argent et l’or, ce qui s’en trouva dans la maison de l’Éternel et dans les trésors de la maison du roi, et l’envoya en présent au roi d’Assyrie. Et le roi d’Assyrie l’écouta; et le roi d’Assyrie monta à Damas, et la prit, et en transporta les habitants à Kir, et fit mourir Retsin» (2 Rois 16:7-9). Aussi Dieu lui déclare: «L’Éternel fera venir sur toi, et sur ton peuple et sur la maison de ton père, des jours qui ne sont pas venus depuis le jour qu’Éphraïm s’est retiré de Juda — savoir le roi d’Assyrie» (Ésaïe 7:17); et contre Israël et la Syrie: «On emportera la puissance de Damas et le butin de Samarie devant le roi d’Assyrie» (8:4). Ainsi, ce que l’Éternel avait prononcé contre Israël qui avait cherché l’appui de l’Assyrie (Osée 5:13-14), il le prononce maintenant contre Juda qui recherche cette même alliance. Le premier résultat de sa confiance en l’Assyrie semble être favorable à Juda. Tiglath-Piléser s’empare de Damas, en transporte les habitants et fait mourir Retsin. La prophétie prononcée longtemps auparavant par Amos (1:3-5) est maintenant accomplie.

Achaz n’est pas au bout de ses transgressions. La prophétie d’Ésaïe n’a aucun effet sur sa conscience. Il se rend à Damas à la rencontre du roi d’Assyrie qu’il vient féliciter pour son aide et son succès. Ayant vu l’autel idolâtre de Retsin, il en envoie le modèle à Jérusalem et l’établit dans le parvis du temple. Il se trouve un souverain sacrificateur pour accomplir cet acte sacrilège! 2 Chr. 28:22, nous dit qu’Achaz sacrifia aux dieux de Damas, car faire fumer le sacrifice sur un autre autel que l’autel d’airain, c’était sacrifier aux faux dieux.

Ne trouvons-nous rien de semblable dans la religion d’aujourd’hui, où des hommes, se disant chrétiens, pensent pouvoir s’approcher de Dieu par un autre autel que celui de l’expiation, à laquelle ils ne croient plus? Comme l’autel de Retsin, le leur est beaucoup plus vaste, a beaucoup plus belle apparence, que celui de Dieu. L’ancienne étroitesse religieuse a fait place, disent-ils, à des vues plus larges. Ce n’est plus le sang de la croix qui justifie et rachète le pécheur. Ils ont un autre Christ que celui-là, un Christ qui a renoué par sa vie les liens de l’humanité avec Dieu, sa croix n’étant plus que le couronnement d’une vie de dévouement. Le nouvel autel n’a aucun point de contact avec l’ancien. Sa forme et sa beauté le rendent infiniment plus désirable au monde que l’autel d’airain, aussi ce dernier est ôté de sa place, mis de côté (v. 14); il n’est plus le point de départ indispensable pour se présenter devant Dieu, dans son sanctuaire. En somme, on a un nouveau point de départ, on institue une nouvelle religion, et la première est reléguée dans un coin. Tout au plus l’autel d’airain peut-il servir à «consulter» (v. 15), non pas pour penser, comme on l’a dit, à ce qu’on doit en faire, mais afin de s’en servir pour des pratiques superstitieuses. C’est ainsi que, dans toute une partie de la chrétienté, l’usage de la croix est détourné et employé à des superstitions grossières. La religion d’Achaz, quand il s’agit du soi-disant culte de l’Éternel, aboutit à cela: d’un côté, à l’incrédulité quant au fondement même de la foi, la croix de Christ, de l’autre, à la superstition quand il s’agit de ce même fondement.

Le sacrilège d’Achaz s’étend aux cuves (v. 17), qui, comme nous l’avons vu dans les Méditations sur le premier livre des Rois (sur 7:27-40), servaient au lavage des victimes, représentant l’absence complète de souillure du Christ offert en expiation. Achaz ôte les cuves de leurs bases. Et ici encore, ne trouvons-nous pas une analogie avec ce qui se passe sous nos yeux, ou se dit autour de nous? On abandonne la pensée d’une pureté parfaite de Christ, Agneau de Dieu, en l’assujettissant aux mêmes tendances que les nôtres et en le montrant, tenté par des convoitises intérieures auxquelles il n’a pas cédé. Tout en conservant les cuves, on les ôte de leurs bases.

Il en fut de même pour la mer d’airain (v. 17), instrument de la purification journalière des sacrificateurs. Elle était établie sur les bœufs, symboles de la patience de Dieu envers son peuple, quant à sa purification pratique. Cette purification ne pouvait être agréée, qu’en vertu de la longue patience de Dieu dans toutes ses voies envers son peuple. Achaz enlève la cuve de ce qui constituait sa base et la met sur «un pavé de pierre». Ce pavé de pierre n’est-il pas une image frappante du cœur et de la nature de l’homme? Toutes les tendances religieuses actuelles sont établies sur la prétention que l’élément humain, et non le caractère de Dieu, est la base de notre consécration pratique à son service, et qu’un acte résolu de la volonté de l’homme le rend capable de marcher sans souillure et sans péché dans le chemin de Dieu ici-bas.

Enfin Achaz change l’entrée dans la maison de l’Éternel (v. 18), qui était interdite à d’autres qu’au roi. Il le fait «à cause du roi d’Assyrie». Il renie ses privilèges comme chef du peuple de Dieu, et le «portique du sabbat», le privilège du peuple lui-même, pour ne pas choquer le monde auquel il s’asservit. Maintenant le roi d’Assyrie peut se déclarer satisfait! Les fondements mêmes de la religion d’Israël, par lesquels le peuple était sanctifié pour Dieu, ont disparu. Pourquoi le monde n’entrerait-il pas dès lors en relation avec le Dieu d’Israël par l’autel de Damas? Cette religion modifiée et dépouillée de sa puissance et de ses privilèges, lui convient parfaitement!