2 Rois

Chapitre 13

V. 1-9 — Joakhaz, fils de Jéhu, roi d’Israël

L’Éternel accomplit la promesse faite à Jéhu: «Tes fils, jusqu’à la quatrième génération, seront assis sur le trône d’Israël» (10:30). Joakhaz succède à son père. Le deuxième livre des Chroniques qui nous donne l’histoire de la famille de David, ne fait aucune mention de Joakhaz, parce qu’il n’y eut pas de rapports entre ce roi et Juda. Quand ces rapports n’existent pas, le livre les passe sous silence. Joakhaz ne se détourne pas plus que son père des péchés de Jéroboam et même l’ashère, idole de la Vénus phénicienne, dont le culte impur avait été inauguré par Achab à Samarie (1 Rois 16:33), est maintenue dans la capitale d’Israël. Aussi la verge de Dieu, dans la personne de Hazaël et de Ben-Hadad, son fils, continue à s’abattre sur les dix tribus.

Cependant, quelle miséricorde dans le cœur de Dieu! Il suffit que Joakhaz, sans que son cœur soit aucunement changé, implore l’Éternel pour qu’il réponde, ému par la misère et l’oppression d’Israël. «Et Joakhaz implora l’Éternel, et l’Éternel l’écouta, car il vit l’oppression d’Israël, car le roi de Syrie les opprimait». Il prend en considération le moindre mouvement vers lui d’une âme malheureuse. Dieu est très facile à trouver. Qui pourra dire désormais qu’il l’a recherché en vain, quand l’homme le plus impie, s’il se tourne un instant vers lui, reçoit une réponse? «Et l’Éternel donna à Israël un sauveur, et ils sortirent de dessous la main de la Syrie; et les fils d’Israël habitèrent dans leurs tentes comme auparavant» (v. 5). Ce sauveur apparaît, comme nous allons le voir, dans la personne de Joas, fils et successeur de Joakhaz. Le peuple peut enfin jouir de quelque tranquillité. S’il en avait rapporté le bienfait à Dieu, cette bénédiction eût été durable, mais «ils ne se détournèrent point des péchés de la maison de Jéroboam... ils y marchèrent» (v. 6). C’est une remarque constante que le monde jouit volontiers des bienfaits de Dieu sans se soucier en aucune manière de le servir.

 

V. 10-25 — Joas, roi d’Israël, et Élisée

Joas, fils de Joakhaz et petit-fils de Jéhu, règne seize ans, les trois premières années en même temps que Joas de Juda, dont le règne dura quarante ans. Non seulement il ne se détourne d’aucun des péchés de Jéroboam, mais «il y marche» (v. 11), la Parole nous indiquant ici qu’il les prend comme règle de conduite. Ces rois d’Israël qui, l’un après l’autre, suivent le même chemin, ont des motifs bien puissants et faciles à distinguer pour agir ainsi. De fait, leur autorité et la possession du royaume étaient, humainement parlant, liées à un culte qui les séparait du culte de Juda avec le temple et Jérusalem pour centre. Retourner au culte de l’Éternel, c’était abandonner leur domination, se soumettre à la famille de David et renoncer à leurs prérogatives royales. Leurs pensées n’avaient naturellement aucun rapport avec celles de Dieu. Le jugement de l’Éternel avait séparé les dix tribus de la maison de David. Si elles étaient restées fidèles au Seigneur il leur aurait, sans doute, enseigné la manière d’allier son culte avec la privation du temple, mais, bien plutôt, en les séparant pratiquement de Juda, il pouvait les garder en rapport religieux avec le temple de Jérusalem. Cela est d’autant plus frappant dans le cas de Joas d’Israël, que, plus tard, Dieu livra entre ses mains le roi de Juda et Jérusalem. S’il avait eu quelque souci de l’Éternel, l’occasion lui était offerte ainsi de renouer le lien religieux avec le temple de Dieu, rompu par Jéroboam. Plus tard encore, Josias, ce roi fidèle de Juda, nous fournit un autre exemple. Sans prétendre reconquérir la prérogative royale sur Éphraïm, il devint, par son zèle, le restaurateur du culte de l’Éternel parmi ceux qui, des dix tribus, avaient échappé à la captivité (23:15-20).

Quant à la puissance de Joas d’Israël, elle fut grande; son règne eut de l’importance, et il accomplit beaucoup de choses, mais il vécut sans Dieu, et que reste-t-il de lui? Comme de tant d’autres dominateurs des hommes, il ne reste à son sujet que cette parole: «Celui-ci était né là» (Ps. 87:4).

Il y eut cependant dans la vie de Joas d’Israël (v. 14-21), un point lumineux, comme dans celle de Joakhaz. Ce dernier, en un temps d’oppression et de misère, implora l’Éternel qui lui répondit. Joas alla visiter Élisée mourant et pleura sur son visage. À ce moment, les circonstances étaient encore aussi difficiles pour lui que pour son père. Hazaël, et après lui son fils Ben-Hadad, faisaient peser lourdement leur joug sur Israël. Le «sauveur d’Israël» n’était pas encore manifesté dans la personne de Joas. La grâce seule de Dieu pouvait le consacrer à cette œuvre; mais, en attendant, le prophète, dispensateur de cette grâce, allait mourir. Avec lui disparaissait le dernier moyen de délivrance pour le peuple. Qu’allait devenir Israël sans lui? Le roi gémit, pleure sur le visage d’Élisée, et s’écrie: «Mon père, mon père, char d’Israël, et sa cavalerie!» Se souvenant de la parole du prophète lors de l’enlèvement d’Élie, il exprime ainsi la douleur de le perdre. N’était-il pas digne de monter au ciel comme Élie, lui, Élisée, le prophète de la grâce, qui allait mourir? Le roi témoigne en même temps par ces paroles qu’Élisée a pour lui la valeur qu’Élie avait pour Élisée. Si le seul agent de bénédiction entre Dieu et Israël devait mourir, toute bénédiction était donc perdue pour ce peuple opprimé. Le cœur de Joas se déchire. Sentiment superficiel peut-être, en tout cas bien peu durable, mais qui attire sur ce sectateur idolâtre la sympathie du cœur de Dieu. Il avait promis un sauveur à Israël; Joas serait ce sauveur. S’il n’était pas descendu vers Élisée, toute délivrance eût été empêchée, toute victoire impossible.

Remarquons un fait intéressant: nous avons ici deux histoires de Joas, se terminant chacune par un résumé qui reproduit les mêmes paroles (v. 12-13 et 14:15-16). La première histoire contient le caractère général du roi, la seconde sa victoire sur la Syrie et sur Juda. Entre ces deux divisions, nous trouvons la fin de la carrière d’Élisée, et ce qui a pu faire de ce mauvais roi un instrument de délivrance pour son peuple. C’était la grâce. Dieu la montre partout et aussi longtemps qu’il la peut montrer. La grâce fait ses délices d’une âme où brille un éclair de repentance, ou le simple soupir d’un cœur oppressé; et les moments comptés du prophète sont encore employés à ranimer, fût-ce un instant, par son dernier souffle, la petite étincelle de vie qui reste encore au cœur du roi, ce tison noirci.

Remarquons encore que la parole dite à Élie: «Celui qui échappera à l’épée de Jéhu, Élisée le fera mourir», ne s’accomplit, et cela prophétiquement, qu’aux derniers moments de la vie du prophète. Il est si peu prophète de jugement qu’il ne l’exerce qu’en figure, et ce jugement même n’est autre chose que le salut d’Israël et sa délivrance du joug de la Syrie. Ainsi, comme nous l’avons vu tout le long de son histoire, Élisée ne perd jamais son caractère de grâce, mais pour communiquer la grâce à son peuple il faut qu’il meure, et c’est ce que nous allons trouver dans le passage qui nous occupe.

Si Joas devient un sauveur pour Israël, ce n’est nullement que, par lui-même ou en lui-même, il mérite ce titre. Son cœur n’est pas changé, son impiété demeure, mais Dieu veut bien l’employer comme instrument d’un salut dont la mort de l’homme de Dieu est le point de départ. «Élisée lui dit: Prends un arc et des flèches. Et il prit un arc et des flèches. Et il dit au roi d’Israël: Mets ta main sur l’arc. Et il y mit sa main. Et Élisée mit ses mains sur les mains du roi et dit: Ouvre la fenêtre vers l’orient. Et il l’ouvrit» (v. 15-17). Le roi n’a qu’à suivre la parole d’Élisée et ne doit avoir aucune initiative; mais, plus encore, ce sont les mains d’Élisée qui dirigent les mains du roi, qui s’identifient avec le jugement de Ben-Hadad, mais en même temps avec le salut que ce jugement opérera pour Israël. Les mains d’Élisée sont celles du sauveur du peuple, sans elles il n’y aurait pas de délivrance. Le prophète est ici le représentant de l’Éternel; il faut qu’il soit prouvé que tout vient de Lui.

«Et Élisée dit: Tire! Et il tira. Et il dit: Une flèche de salut de par l’Éternel, une flèche de salut contre les Syriens; et tu battras les Syriens à Aphek, jusqu’à les détruire» (v. 17). Le roi tire sa flèche vers l’orient; rien ne se fait sans la parole de Dieu. Joas ne peut rien y comprendre, il faut que le prophète lui explique ce dont il s’agit. Il est nécessaire que Joas sache qu’il est un instrument dénué d’action, sans valeur en lui-même, quand Dieu condescend à l’employer.

«Une flèche de salut!» Tel est le plan général. Nous trouvons ensuite le détail de la défaite des Syriens. «Et il dit: Prends les flèches. Et il les prit. Et il dit au roi d’Israël: Frappe contre terre. Et il frappa trois fois et s’arrêta» (v. 18). La destruction de la Syrie dépend du degré de foi, de zèle, de confiance en Dieu que Joas va montrer. Il va être démontré si cet instrument peut devenir par lui-même un moyen de complète délivrance pour Israël. Hélas! quand il s’agit de tirer contre terre, sans que les mains d’Élisée couvrent ses mains, quand en un mot il est laissé à ses propres ressources, le roi frappe trois fois la terre de ses flèches et s’arrête. Devant tant de grâce et de condescendance de la part de Dieu, l’homme se montre non seulement insuffisant, mais incrédule. Auparavant, quand il tirait sa flèche vers l’orient, il ignorait la signification de cet acte et n’était pas responsable de le savoir. Dieu la lui explique. Maintenant qu’il peut la comprendre en tirant ses flèches contre terre, il s’arrête. La colère de l’homme de Dieu, la colère de Dieu, s’embrase contre lui: Je voulais délivrer entièrement ce peuple; cela dépendait de toi, et tu ne l’as pas voulu! Tu ne battras l’ennemi que trois fois.

Comme la fin d’Élie, celle d’Élisée nous parle de Christ. C’est auprès d’un Christ mourant que nous trouvons la grâce et la délivrance. Il suffit d’un soupir vers lui, pour être libéré de l’ennemi qui nous oppresse. Ce salut est offert au plus misérable, au plus indigne, qui peut devenir ainsi un instrument de délivrance pour d’autres. Quel honneur et quel privilège! Mais l’incrédulité naturelle du cœur paralyse l’action de l’Esprit et réduit à néant tout le bon vouloir de Dieu envers l’homme. Tant que nous nous laissons diriger par la Parole pour chaque mouvement que nous avons à faire (ce récit en est la confirmation évidente), le succès nous est assuré; dès que la moindre chose est laissée à notre responsabilité, nous nous arrêtons en chemin et contrecarrons ainsi les desseins de grâce du Seigneur.

La scène qui suit (v. 20-21), est tout aussi frappante que celle que nous venons de considérer. L’histoire d’Élisée ne se clôt pas sur la colère du prophète, mais se termine dans la mort pour lui-même et en résurrection pour d’autres. Pendant sa vie, Élisée, comme Élie son maître, avait rendu la vie à un mort, et ce fait qui, à lui seul, prouvait la présence de Dieu dans un homme au milieu d’Israël, ce fait qui plus tard caractérisa le Fils de Dieu au tombeau de Lazare, était parvenu même aux oreilles du roi. Mais une scène autrement merveilleuse que la résurrection du fils de la Sunamite, se présente à nous maintenant. C’est dans sa mort qu’Élisée devient le moyen de vie pour un mort. Il était réservé à un autre, et à Lui seul, de sortir du tombeau par la puissance de vie qui était en Lui et d’être déclaré Fils de Dieu en puissance, Fils du Dieu vivant, par sa propre résurrection. Ici, c’est dans la mort du prophète, en touchant les os d’Élisée, qu’un mort trouve la vie. La chose fut encore bien plus réelle, même matériellement, lors de la mort de notre bien-aimé Sauveur. Ce fut à sa mort, quand il eut rendu l’esprit, que les corps des saints endormis ressuscitèrent pour entrer ensuite dans la sainte ville. Au point de vue moral et spirituel, c’est en entrant, par la foi, en contact avec un Christ mort que nous avons la vie éternelle et la résurrection au dernier jour (Jean 6:54). Dans sa mort, le pouvoir de la mort est vaincu pour nous, et la puissance de Celui qui détenait ce pouvoir, brisée. Celui qui ne pouvait pas ne pas vouloir mourir, meurt pour donner la vie.

N’oublions pas toutefois le caractère prophétique de cette scène. La fin du dernier grand prophète d’Israël, du héraut de la grâce, n’est pas avec les chars et la cavalerie qui le transportent dans le ciel; elle est dans le sépulcre. «Élisée mourut et on l’enterra». Après sa mort, l’oppression de l’ennemi se montre par les incursions de Moab sur le territoire d’Israël. Ce pauvre peuple n’a pas même le loisir d’enterrer ses morts, mais le sépulcre d’Élisée se trouve là, à point nommé, pour y déposer le cadavre, et du moment que ce dernier type d’Israël, couché parmi les morts, entre en contact réel avec le prophète mort, du moment qu’il «va toucher les os d’Élisée, il reprend vie et se lève sur ses pieds» (v. 21). Il en sera de même d’Israël aux derniers jours; il retrouvera sa vie nationale et sortira de parmi les morts, du moment qu’il entrera en rapport avec Celui qu’il a percé et qu’il croira en Lui. Ce sera un dernier miracle de grâce opéré pour ce peuple, alors qu’il sera prouvé que l’état de la nation est sans ressource et désespéré. L’histoire d’Élisée se termine ici.

Aux v. 22-25, la parole du prophète à Joas s’accomplit. Hazaël avait enlevé à Joakhaz les villes d’Israël; Joas les reconquiert sur Ben-Hadad, fils d’Hazaël, et «Joas le battit trois fois».