2 Rois

Chapitres 6:24-33 et 7

Le siège de Samarie

Jamais l’ennemi du peuple de Dieu ne se tient pour battu. Si les bandes syriennes, convaincues de la puissance du Dieu d’Israël, cessent de faire leurs incursions dans le pays, Ben-Hadad, en revanche, rassemble toute son armée pour assiéger Samarie, et ce siège amène à sa suite une grande famine. Telles sont les conséquences du péché d’Israël. L’ennemi, sans le savoir, était envoyé de Dieu en jugement contre ce peuple, mais il est en même temps l’image du prince de la mort, auquel l’homme pécheur ne peut échapper. La famine est la conséquence de la présence de l’ennemi qui, certes, ne songera jamais à nourrir ceux qu’il opprime. Elle est comme une autre forme de la mort qui pèse sur ce peuple coupable. Dans tout ce chapitre, c’est donc la mort qui domine, sort terrible et inévitable, mérité par l’homme pécheur. Mais Dieu a des ressources contre la mort même; il le fait proclamer par le prophète et, s’il annonce qu’il supprimera la famine, nous verrons que c’est en supprimant l’ennemi, instrument de son jugement. Cela nous introduit dans le domaine de la grâce et de l’Évangile.

Après ce court résumé, examinons en détail le contenu de cet intéressant chapitre.

Samarie était la capitale et le centre d’un monde religieux, qui gardait encore l’apparence de conserver le culte de l’Éternel, mais qui l’avait corrompu. Ce monde-là, nous le retrouvons de nos jours sous une autre forme, et c’est précisément à cause de sa prétention religieuse qu’il est l’objet du jugement de Dieu. Tous les sacrifices étaient tolérés à Samarie, et la famine, au lieu de faire rentrer en eux-mêmes le peuple et son roi, ne servait qu’à faire ressortir l’épouvantable égoïsme du cœur des hommes qui, pour éviter de mourir de faim, sacrifiaient même leurs enfants, au lieu de se sacrifier pour eux. Si de telles choses pouvaient se rencontrer dans ce milieu, ce n’est pas que les dehors religieux en fussent bannis. Le roi même, portait en signe de deuil et de mortification, probablement dans l’espoir d’écarter le danger, «un sac sur sa chair», mais sans que sa conscience fût atteinte ou son cœur changé. Nous voyons les mêmes faits se produire dans la chrétienté, quand les nations sont frappées de calamités publiques.

Le roi se mortifiait au moment même où, rempli de haine, il cherchait la vie du prophète de l’Éternel. «Et le roi dit: Ainsi Dieu me fasse, et ainsi il y ajoute, si la tête d’Élisée, fils de Shaphath, demeure sur lui aujourd’hui!» (v. 31). Lui qui était obligé de dire à la femme en détresse: «Si l’Éternel ne te sauve pas, comment te sauverais-je?» et qui déchirait ses vêtements devant l’horrible réalité, rejette avec violence le seul homme par lequel un moyen de salut lui est offert. Comment avait-il donc oublié que le prophète lui avait sauvé la vie «non pas une fois, ni deux fois», et que l’Éternel, avec une patience sans bornes, lui avait tendu une main secourable? Tout cela était non avenu pour lui, parce que la seule chose qu’il ne voulût pas admettre, et précisément la seule importante, était que ses péchés lui avaient mérité le jugement et la mort.

Pendant que ces choses se passent, le prophète est assis dans sa maison, s’entretenant en paix avec les anciens; mais, comme «voyant», il n’a pas besoin que Dieu lui ouvre les yeux pour connaître les intentions de l’homme, ou réaliser la protection de Dieu. Fidèle à son serment, le roi envoie un messager avec l’ordre de décapiter Élisée et, altéré de vengeance, suit sur ses talons l’exécuteur de sa sentence. Avant qu’il arrive, le prophète l’a vu: «Voyez-vous que ce fils d’un meurtrier (Achab) envoie pour m’ôter la tête?» L’homme, trouvant la porte barricadée, ne peut accomplir sa mission et retourne auprès de son maître. Déjoué dans ses desseins, le roi dit: Je renonce à me confier en Dieu! «Voici, ce mal est de par l’Éternel; pourquoi m’attendrais-je encore à l’Éternel?» (v. 33). Combien de fois l’homme, dans son état de révolte contre Dieu, raisonne comme Joram! Puisque Dieu ne m’accorde pas ce que je désire, ne me donne pas la guérison d’un être cher, ne me sort pas de mes difficultés matérielles, je me débarrasse de mes obligations envers lui; il n’existe plus pour moi! Ah! c’est que, pas plus que Joram, le cœur des hommes ne veut remonter à la racine de notre mal qui est le péché et admettre ses conséquences. Il ne veut pas se repentir; son orgueil refuse de se mettre à la merci de son juge, en reconnaissant qu’il a raison de le condamner. Les appels même de Dieu lui fournissent une nouvelle occasion de s’endurcir.

Comment Dieu répondra-t-il à tant de méchanceté et de révolte?... Il fait annoncer sa grâce par l’homme même dont le roi cherche la vie! «Et Élisée dit: Écoutez la parole de l’Éternel...: Demain à cette heure-ci, la mesure de fleur de farine sera à un sicle, et les deux mesures d’orge à un sicle, à la porte de Samarie» (7:1). Oui, Dieu proclame pour le jour qui va suivre qu’il donnera l’abondance et rassasiera les pauvres affamés, alors même que leur péché fût la cause de la famine.

À la proclamation de cette bonne nouvelle, un des assistants se moque de Dieu. «Et le capitaine, sur la main duquel le roi s’appuyait, répondit à l’homme de Dieu, et dit: Voici, quand l’Éternel ferait des fenêtres aux cieux, cela arriverait-il?» (v. 2). Le roi était incrédule à ce message, cela se voit dans la suite (v. 12); il gardait intactes dans son cœur sa haine et sa révolte, et cependant son état était moins terrible que celui de ce moqueur, quand la bonne nouvelle de la grâce de Dieu est proclamée par son prophète. Ce dernier lui dit: «Voici, tu le verras de tes yeux, mais tu n’en mangeras pas». Dieu supporte tous les pécheurs avec une immense patience, mais ceux qui se moquent de lui et de sa Parole sont irrémédiablement perdus. Nous verrons à la fin du chapitre que cet homme est le seul qui, dans une scène de délivrance et d’abondance, soit retranché sans y avoir aucune part.

Le caractère des moqueurs n’est pas, de nos jours, aussi rare qu’on le pense; on peut dire, au contraire, qu’il caractérise les temps où nous vivons. Pierre dit: «Sachant tout d’abord ceci, qu’aux derniers jours des moqueurs viendront, marchant dans la moquerie selon leurs propres convoitises et disant: Où est la promesse de sa venue? car, depuis que les pères se sont endormis, toutes choses demeurent au même état dès le commencement de la création. Car ils ignorent volontairement ceci, que, par la parole de Dieu, des cieux subsistaient jadis, et une terre tirée des eaux et subsistant au milieu des eaux, par lesquelles le monde d’alors fut détruit, étant submergé par de l’eau. Mais les cieux et la terre de maintenant sont réservés par sa parole pour le feu, gardés pour le jour du jugement et de la destruction des hommes impies» (2 Pierre 3:3-7). Ne pensons pas que les moqueurs soient des gens qui rient de toute piété. L’incrédulité d’il y a un siècle et demi revêtait peut-être ce caractère, mais les temps sont changés. Les moqueurs d’aujourd’hui étalent très sérieusement leur incrédulité; ils raisonnent. La parole de Dieu est pour eux nulle et non avenue, comme pour le capitaine de Joram, et n’ayant pas confiance en elle, ils se confient en la stabilité des choses visibles, et affirment qu’elle ne prendra jamais fin. Ils ignorent volontairement — et c’est le caractère de leur moquerie — ce que Dieu leur a révélé par sa Parole. Leur jugement est à la porte.

Et maintenant Dieu nous montre que si l’homme ne veut pas de lui, non seulement il prépare, comme dans le chapitre précédent, un grand festin à ses ennemis, mais qu’il prépare aussi des âmes en vue de la jouissance de ce festin.

«Et il y avait à l’entrée de la porte quatre hommes lépreux, et ils se dirent l’un à l’autre: Pourquoi sommes-nous assis ici jusqu’à ce que nous mourions?» Ces quatre hommes étaient souillés, car la lèpre est l’emblème du péché qui souille l’homme. Comme tels, ils ne pouvaient demeurer avec le peuple; leur souillure les plaçait hors de la porte de Samarie. Ils étaient, du même coup, comme tout lépreux, exclus de la présence de Dieu. De plus, leur condition était telle, qu’ils ne pouvaient l’ignorer; leur maladie offrait cette particularité qu’elle était dûment constatée en Israël, qu’on ne pouvait la cacher à Dieu, ni aux autres, ni à soi-même. Enfin, sinon par une intervention directe de Dieu, hors de toute ressource humaine, elle conduisait fatalement à la mort.

Tel était donc l’état personnel de ces quatre hommes, à l’entrée de la porte de Samarie. Ce qui le rendait plus terrible, c’est que la mort les environnait de toute part. «Si nous disons: Entrons dans la ville, la famine est dans la ville, et nous y mourrons; et si nous restons assis ici, nous mourrons. Et maintenant, venez, et passons dans le camp des Syriens: s’ils nous laissent vivre, nous vivrons; et s’ils nous font mourir, nous mourrons» (v. 4). S’ils avaient pu rentrer en ville, ils y auraient trouvé la famine et la mort. Rester où ils étaient, était sans contredit la mort. Se rendre à l’ennemi, représentant du jugement de Dieu et qui en tenait l’épée, n’était-ce pas encore la mort? Mais, de ce côté-là, du moins, il y avait une lueur d’espoir. «S’ils nous laissent vivre, nous vivrons». Leur vie dépendait de la bonne volonté de l’ennemi. Peut-être ne prononcerait-il pas la sentence?...

Ne traversons-nous pas aujourd’hui les mêmes circonstances? Le pécheur, convaincu de péché, ne peut trouver de secours et de délivrance auprès du monde, même sous son aspect religieux. Il n’y rencontre que la famine et la mort. Il ne peut rester dans son état actuel; c’est encore la mort. Il a devant lui la menace du jugement de Dieu, et c’est la mort, la mort terrible et fatale... mais peut-être le juge aura-t-il pitié de lui... Qu’il aille donc se jeter aux pieds du juge! Qu’il aille; il apprendra que ce Dieu juge est le Dieu d’amour, le Dieu Sauveur!

Mais notre récit ne va pas aussi loin. Ces lépreux ne se lèvent pas pour rencontrer Dieu. Ils s’avancent, incertains et craintifs, arrivent «au bout du camp des Syriens, et voici, il n’y avait personne». Qu’était-il arrivé? «Le Seigneur avait fait entendre dans le camp des Syriens un bruit de chars et un bruit de chevaux, le bruit d’une grande armée» et, croyant à une attaque des alliés d’Israël, ils s’étaient enfuis, abandonnant tentes, ânes et chevaux, et le camp tel quel, pour sauver leur vie.

L’ennemi lui-même, instrument du jugement de Dieu, avait disparu. Le jugement était tombé sur lui. Il n’y avait plus de jugement. Comment cela avait-il pu se faire? Un bruit de grande armée s’était fait entendre, mais ce n’était qu’un bruit, chose en réalité faible et insignifiante, nullement comparable aux chevaux et aux chars de feu de Dothan, mais, chose des plus puissantes, parce qu’elle provenait du Seigneur lui-même. Lui était dans ce bruit, et cela suffit pour anéantir toute la puissance de Ben-Hadad.

Pour nous, cher lecteur chrétien, ce bruit s’est fait entendre à la croix, où le Fils de Dieu eut à faire à toute la puissance du prince de la mort et de son armée. Il l’a vaincu par ses propres armes, mais sans aucun déploiement de forces. Dans la mort d’un seul homme, crucifié en faiblesse, se trouvait la puissance de Dieu pour vaincre, anéantir, annuler cet ennemi terrible. Telle a été la mort de Christ. Satan tenait l’homme captif sous la crainte de la mort, et il a été vaincu par ses propres armes, comme la tête de Goliath fut tranchée jadis par le faible David avec l’épée même du géant.

La mort était vaincue, le jugement annulé pour ces quatre lépreux. Ils allaient, tremblants, au-devant de ces choses; ils trouvent à leur place la vie, une abondance de biens et de richesses, et de quoi assouvir leur faim, toutes les dépouilles de l’ennemi, sans qu’il leur en coûte rien. Ils récoltent le fruit de la victoire qui pour nous est celle du Seigneur. La paix est dans le camp; personne ne s’oppose à eux; ils sont rassasiés, découvrent des trésors qu’ils s’approprient. Mais peuvent-ils se taire et les garder pour eux? Non, la joie du salut est communicative; ces hommes deviennent pour d’autres des messagers de bonnes nouvelles. «Ce jour est un jour de bonnes nouvelles, et nous nous taisons».

Ce qui caractérise ce chapitre, ce n’est pas un Dieu qui ôte la souillure du péché, sinon ces lépreux, comme Naaman, ne seraient pas restés ce qu’ils étaient; mais un Dieu qui ôte le jugement dans la personne de l’ennemi et détruit en même temps la puissance de la mort, afin que de pauvres êtres souillés puissent vivre et jouir des bénédictions dont ils étaient privés.

Remarquons encore un des caractères de l’Évangile, dans ce récit. Quand Élisée annonce pour «demain» que la famine aura cessé, il dit: «Écoutez» (v. 1). Cette parole s’adresse indistinctement à tous: peuple, roi, capitaine moqueur, comme la semence du semeur tombe indifféremment sur chaque terrain. Il en est de même de la victoire remportée. Tous y sont invités; ses résultats sont offerts indistinctement à tous. Le peuple, la ville tout entière, le roi et ses serviteurs, sont conviés au festin. Ce fameux «demain», annoncé par le prophète, s’est changé en un «aujourd’hui». Tous viennent, se repaissent et s’enrichissent, mais sont loin de partager la joie des lépreux. Ceux-ci, en présence des merveilles de leur salut, ne peuvent rester muets; il faut qu’ils parlent: «Nous nous taisons». On voit comment le roi et ses serviteurs reçoivent l’annonce de la délivrance (v. 12-15). Pour eux, ce salut qui ne leur coûte rien, cache un piège. Faisons au moins, disent-ils, quelque chose de notre côté, et ils se mettent à poursuivre l’ennemi avec deux chars et cinq chevaux fourbus! Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est de retarder l’heure de la délivrance, en cherchant à constater ce que la foi des lépreux avait saisi avant leur enquête. Leur pensée, en présence de la bonne nouvelle, est pure incrédulité. Le roi dit: «Je veux vous dire ce que les Syriens nous ont fait: ils savent que nous avons faim, et ils sont sortis du camp pour se cacher dans les champs, disant: Ils sortiront hors de la ville, et nous les prendrons vivants, et nous entrerons dans la ville» (v. 12). Puis, sur la proposition d’un de ses serviteurs, il ajoute: «Allez et voyez». La vue, pour eux, remplace la foi, et, s’ils ont part comme les autres aux résultats de la délivrance, la vue ne les sauve pas; elle n’a jamais sauvé personne. Le capitaine en est un exemple effrayant. Le prophète lui avait dit: «Voici, tu le verras de tes yeux, mais tu n’en mangeras pas» (v. 19). «Et il lui en arriva ainsi: le peuple le foula aux pieds dans la porte, et il mourut». La vue fut pour lui le prélude immédiat de la mort!