2 Rois

Chapitre 4

V. 1-7 — La veuve du prophète

À mesure que ces chapitres se déroulent devant nos yeux, nous pouvons y remarquer le contraste entre les jours d’Élie et ceux d’Élisée. Élie reconnaît encore Israël et son roi, bien que ce soit pour prononcer le jugement sur eux. Pour Élisée, le roi n’existe plus: «Je ne te regarderais pas, et je ne te verrais pas» (3:14); le peuple est rejeté, et Juda seul compte encore pour quelque chose aux yeux du prophète. Mais, tandis qu’aux jours d’Élie, le résidu fidèle était caché et que l’Éternel seul pouvait distinguer les 7 000 hommes qui n’avaient pas fléchi le genou devant Baal, aux jours d’Élisée ce résidu vient en pleine lumière. C’est à lui que le prophète s’adresse; les fils des prophètes sont l’objet particulier de sa mission. Ce ministère s’étend sans doute, comme nous le verrons, au delà d’eux, mais leur rôle est tout à fait prépondérant, et cela donne un cachet particulier au caractère typique de cet homme de Dieu.

Quel milieu que celui dans lequel il exerce son action! Les fils des prophètes sont sans ressources en Israël; ils ont faim, ils ont soif; leur dénuement est absolu. Les sept premiers versets de notre chapitre font ressortir cette condition d’une manière particulière. La femme du prophète est sans aucun soutien extérieur; le chef de famille lui a été enlevé par la mort; un créancier sans cœur veut s’emparer de ses fils pour en faire ses esclaves. La veuve n’a rien pour les racheter de sa main, rien qu’un peu d’huile à la maison et l’huile, emblème de la puissance spirituelle, est bien près de manquer. Cette faible ressource peut-elle suffire? Il en sera de même aux derniers jours avant la délivrance du résidu. Un peuple apostat l’entoure; l’antichrist lui fait sentir son joug cruel et prétend l’asservir, mais l’Éternel a pour lui des ressources divines; il apprend à crier à Lui: «Tu sais que ton serviteur craignait l’Éternel». N’entend-on pas ici le langage de l’intégrité si souvent exprimé dans les Psaumes? Le Christ est absent; Jéhovah ne demeure plus au milieu du peuple, mais son Esprit est présent dans une double mesure avec le prophète. Élisée dit à la veuve: «Que ferai-je pour toi?» Cette pauvre femme, dont le cri est arrivé à son adresse, devient l’objet d’une tendre sollicitude. Mais il faut d’abord qu’elle avoue au prophète les ressources dont elle dispose: «Ta servante n’a rien du tout dans la maison qu’un pot d’huile». Le mot signifie: Juste la quantité d’huile nécessaire pour s’oindre. Rien pour s’acquitter, rien pour se libérer, rien qu’une toute petite mesure de puissance spirituelle. «Va», dit le prophète, «demande pour toi, du dehors, des vases à tous tes voisins, des vases vides (n’en demande pas peu); et rentre, et ferme la porte sur toi et sur tes fils, et verse dans tous ces vases, et ôte ceux qui seront remplis». La plénitude des ressources spirituelles est en Élisée, mais il lui faut des vases vides; la pauvre veuve n’en peut trop rassembler. Elle doit en demander à tous ses voisins, en apporter du dehors dans la maison, puis, les ayant réunis, fermer la porte sur soi. C’est une scène intime, à laquelle la nation apostate n’est nullement appelée à participer. Trois fois dans ce chapitre (v. 4, 21, 33) la porte est fermée, indiquant clairement que ces scènes n’ont rien à faire avec un témoignage public, comme celui du grand prédécesseur d’Élisée. Il faut des vases vides; pour être rempli de l’huile de l’onction, il faut être vidé de soi-même. Les gens de Jéricho avaient besoin d’un vase neuf et de sel; il leur fallait une nouvelle nature, sanctifiée pour Dieu, afin que la malédiction pût être détournée de leur ville; la fille des prophètes et ses enfants, déjà en possession d’un peu d’huile, n’avaient pas à procurer des vases neufs pour obtenir une pleine mesure. Dieu se sert des ressources spirituelles qu’il trouve chez les siens, quelque petites qu’elles soient. Il en fut de même des disciples, lors de la multiplication des pains. Ils disent au Seigneur: «Nous n’avons que cinq pains et deux poissons». Jésus leur dit: «Apportez-les-moi»; puis, ayant béni et rompu les pains, il les donne aux disciples qui les distribuent aux foules, se servant ainsi de ce qu’ils avaient pour bénir les 5000 hommes par leur moyen.

Ici, la bénédiction ne s’arrête que lorsqu’il n’y a plus de vases à remplir. Un nombre déterminé de vases la reçoit, comme plus tard, à la fin des temps, 144 000 seront scellés en Israël, mais pour chacun la mesure est comble. Comme les premiers disciples, à la Pentecôte, «furent tous remplis de l’Esprit Saint» (Actes 2:4), ainsi en sera-t-il pour le résidu, lors de la pluie de la dernière saison, selon la prophétie de Joël.

Les vases remplis, il faut vendre l’huile; la bénédiction communiquée circule. Tel sera le témoignage du résidu aux derniers jours. Plusieurs participeront aux bienfaits spirituels et deviendront eux-mêmes possesseurs de ces bénédictions. Les sages du peuple, porteurs de la Parole, ces fils des prophètes, enseigneront la justice à la multitude (Dan. 11:33; 12:3). Ainsi la famille prophétique vit et s’entretient avec l’onction spirituelle qui lui est multipliée et qui remplit son cœur de joie, et la provision est abondante pour d’autres.

Ce miracle nous rappelle celui de la veuve de Sarepta; seulement, dans ce dernier cas, c’est la bénédiction apportée aux nations par le Messie; ici, au résidu d’Israël par l’effusion de l’Esprit du Christ.

Ne manquons pas de répéter ici que tous ces miracles d’Élisée font appel à la foi. La veuve du prophète devait réunir les vases, être convaincue des choses qu’elle ne voyait pas encore, tout comme dans le chapitre précédent, il fallait préparer les fosses, avant que l’eau rafraîchissante vînt les combler.

 

V. 8-37 — La Sunamite

Outre les fils des prophètes, il y avait encore, au milieu de la masse du peuple déjà jugée, et rejetée de fait, un témoignage de foi individuelle. La Sunamite en est un exemple. Cette femme était riche1, en contraste avec la veuve du fils des prophètes qui était dans un dénuement absolu; mais c’était une femme de foi et toute son histoire le prouve.

1 Chose digne de remarque, la Parole choisit généralement des riches comme exemples de ceux qui n’atteignent pas le salut. Sauf le cas du deuxième brigand sur la croix, il ne me revient pas en mémoire un pauvre donné comme exemple de ceux qui perdent le salut. Judas tenait la bourse; il était le seul parmi les disciples qui eût quelque chose. L’évangile était annoncé aux pauvres, et les riches, comme celui de Lazare, avaient leur part dans cette vie. Les greniers du riche, auquel son âme est redemandée, regorgeaient de blé. Les riches de l’épître de Jacques qui avaient amassé un trésor dans les derniers jours, et avaient condamné le juste, tombent sous la malédiction. C’étaient des riches qui, dans la parabole du grand souper, disaient: Tiens-moi pour excusé, et furent rejetés. Le jeune homme fort riche et si aimable, se prive lui-même du salut, quand il s’agit de tout abandonner pour suivre Jésus. Le fils prodigue était riche quand il quitta son père, dépouillé de tout quand il lui revint.

Mais il y a des exceptions à cette malédiction que les richesses portent avec elles, car si le salut d’un riche est impossible aux hommes, tout est possible à Dieu. La Sunamite nous en offre ici un exemple précieux. Zachée qui reçut Jésus dans sa maison, Joseph d’Arimathée qui prit soin du Seigneur dans sa mort, étaient des hommes riches (Matt. 27:57).

Elle exerce l’hospitalité envers l’étranger qui passait à Sunem, mais au bout de quelques visites, elle se rend compte du caractère de son hôte. La conversation peut-être, et sans doute toute la manière d’être du prophète, lui font reconnaître son caractère. Elle ne juge pas à première vue, mais attend des marques extérieures qui l’éclairent. Elle a le «sobre bon sens» de la foi. «Voici», dit-elle à son mari, «je connais que c’est un saint homme de Dieu qui passe chez nous continuellement». Elle a commencé par le retenir, et le prophète a trouvé un milieu sympathique qui répond à son caractère. Chaque fois qu’il passait, il se retirait là. Ces deux natures s’attirent et se conviennent. C’est «un saint homme de Dieu», dit-elle; il a, pour son cœur, non seulement le caractère officiel d’un porteur de la Parole, mais elle le reconnaît comme «saint», comme réellement séparé pour Dieu dans sa vie pratique, car ce n’est pas tout d’avoir un don de la part de Dieu; il faut encore, pour l’accréditer, un caractère moral qui y réponde. Le vieux prophète de Béthel avait le don sans ce caractère (1 Rois 13). Combien il est important pour tout ouvrier du Seigneur, d’y prendre garde. Le don reste sans fruit, quelque éminent qu’il puisse être, quand il n’est pas accompagné d’une autorité morale, atteignant bien plus la conscience des auditeurs que les paroles qui l’accompagnent. Et, du reste, le porteur du don lui-même, perd son énergie persuasive, quand sa conscience n’est pas droite devant Dieu et devant les hommes. «J’espère aussi», disait l’apôtre, «que nous avons été manifestés dans vos consciences». Il en était ainsi d’Élisée. «Je connais que c’est un saint homme de Dieu», disait de lui la Sunamite.

Et, voyez comme elle se rend compte de ce qui doit convenir à un homme de Dieu. Sa richesse aurait pu l’engager à lui préparer une retraite ornée de tout le confort possible. Non; elle fait abstraction de sa position à elle, pour ne penser qu’à ce qui convient à un homme pour lequel les richesses n’ont aucune valeur, ou qui les mépriserait, comme un piège tendu par l’ennemi. Ce qui lui importe quant à elle-même, c’est de ne pas avoir Élisée seulement en passage, mais de lui préparer un domicile dans sa maison. Plus nous faisons connaissance avec Christ, avec sa Parole qui le révèle (et dont Élisée était le porteur), plus nous désirons qu’ils fassent partie de notre vie, et que ces mots soient inscrits sur la porte de notre maison: «Ici, la parole de Dieu habite». Elle n’est plus pour nous une jouissance passagère, ou sa lecture un devoir accompli à l’occasion, mais elle fait partie de notre vie, de notre famille, de nous-mêmes. La foi, chez le chrétien le plus favorisé des biens de ce monde, se montrera toujours par cette simplicité extérieure. «Faisons, je te prie, une petite chambre haute en maçonnerie, et mettons-y pour lui un lit, et une table, et un siège, et un chandelier; et il arrivera que, quand il viendra chez nous, il se retirera là». Seules, l’inintelligence et l’absence de communion avec le Seigneur en agissent autrement. Ceux qui font partie de la famille de Dieu et possèdent les biens de ce monde, ne songent pas assez au danger d’offrir à leurs frères, engagés dans l’œuvre du Seigneur, plus que le nécessaire, plus que leur ordinaire. Si le frère est spirituel, un luxe même relatif le mettra mal à l’aise et sera une entrave à la libre expansion de son cœur, prêt à apporter à ses hôtes quelque chose de la part de Dieu; si sa vie chrétienne est affaiblie, cette prospérité sera pour lui un piège et, se laissant gagner par elle, il reviendra dans le lieu où elle lui est offerte, non plus pour le Seigneur seulement, mais pour satisfaire des besoins de bien-être qui ne sont que des besoins de la chair.

Le dévouement et l’intelligence de cette femme gagnent le cœur du prophète, comme ils attirent le cœur de Christ; aussi reçoivent-ils leur récompense. Élisée appelle la Sunamite; il a quelque chose à lui donner. «Elle se tint devant lui», comme lui-même se tenait devant l’Éternel. Il y a une belle concordance entre les positions réciproques de cet homme de Dieu et de cette femme de foi. Il veut la récompenser de son empressement, mais auparavant il la met à l’épreuve pour voir si leurs deux cœurs battent à l’unisson: Faut-il parler pour elle au roi ou au chef de l’armée? Y a-t-il chez elle quelque désir d’augmenter ses ressources dans ce monde? Elle refuse, et nous verrons plus tard que ces choses lui furent accordées par-dessus, en un temps de besoin où elles n’étaient plus un piège pour elle. Pour le moment, elle répond: «J’habite au milieu de mon peuple». Belle réponse, digne de cette femme pieuse. Elle reconnaît comme son peuple cette nation, sur laquelle le jugement est déjà suspendu, et ne s’en sépare pas. Elle y voit ce que Dieu seul peut y distinguer, ce que la foi seule peut y réaliser. Tant que Dieu y reconnaît encore quelque chose pour lui, ce peuple est son peuple, et elle n’a pas d’autre désir que d’en faire partie. Au milieu de la ruine, elle s’attache au peuple de Dieu, comme Élie avec son autel de douze pierres, quand les douze tribus n’existaient plus comme un ensemble. Il ne lui faut pas autre chose; elle se contente du repos, de la communion et de la paix que cette habitation lui apporte au milieu du désordre existant.

De nos jours, une vraie foi ne diffère pas de celle de la Sunamite; elle ne cherche pas l’amélioration d’un état de choses complètement éloigné des pensées de Dieu, mais voit ce que Dieu a établi dans ses conseils. Tout en ayant conscience de la ruine de l’Église, comme maison et peuple de Dieu ici-bas, elle vit en paix, s’en tenant à ce que le Seigneur a établi au commencement, à cette Église, bâtie sur le nom de Christ ressuscité et qu’elle considère avec les pensées et les affections du Seigneur, telle qu’il se la présentera dans la gloire. La foi ne cherche pas à réédifier les ruines, et dit: «J’habite au milieu de mon peuple», comme si tout était en ordre, parce que les pensées de Dieu à l’égard de ce peuple sont sa réalité à elle.

Cependant, le cœur de la Sunamite nourrit un désir secret, un grand désir. Il lui faut un objet pour ses affections. D’un tel désir, si élevé, si inaccessible, elle ne s’est ouverte à personne; mais le serviteur du prophète peut distinguer qu’il lui manque une chose, sans laquelle le bonheur resterait toujours incomplet. «Elle n’a pas de fils, et son mari est vieux». Cette stérilité, modifiée selon les circonstances, nous la retrouvons continuellement chez les femmes pieuses en Israël, et nous en avons parlé plus d’une fois au cours de ces méditations. Elle était, pour ces cœurs fidèles, la plus grande épreuve possible. Leur sainte ambition était, non seulement d’avoir une postérité, mais d’être introduites de cette manière dans un rapport personnel, proche ou éloigné, quel qu’il fût, avec la personne et la lignée du Messie. Pour ces femmes, un fils était donc le bien suprême. La Sunamite n’exprimait pas ce besoin, acceptant les circonstances dans lesquelles la providence de Dieu l’avait placée, seulement le vide était là, profondément éprouvé dans son cœur.

Il en est de même pour nous, chrétiens. Toutes les bénédictions spirituelles ne peuvent nous suffire, si nous n’avons pas trouvé un objet dans la possession personnelle de Christ. L’avoir lui, le connaître lui, l’aimer, le voir, le serrer dans ses bras comme Siméon, se reposer sur son sein comme le disciple bien-aimé, se tenir à ses pieds comme Marie, contempler sa gloire comme les disciples sur la sainte montagne, s’intéresser au moindre détail de ses circonstances, parce qu’il s’est emparé de nos cœurs, voir sa beauté divine comme les parents de Moïse, tout cela et bien d’autres choses, constitue l’inappréciable bonheur de ceux qui lui appartiennent. L’Éternel, par Élisée, accorde un fils à cette femme, comme le Saint Esprit, par la Parole, nous apporte Jésus et le fait demeurer en nous, Christ, l’espérance de la gloire.

Élisée appelle une seconde fois la Sunamite. La première question du prophète était une épreuve de sa foi, et cette épreuve avait démontré que cette femme ne tenait pas plus que son hôte aux avantages que le monde pouvait lui procurer. Elle avait appris, à l’école du saint homme de Dieu, quels étaient les vrais intérêts d’un témoin au milieu de la ruine d’Israël. Il lui dit les mêmes paroles que l’ange de l’Éternel avait autrefois apportées à Sara: «À cette même époque, quand ton terme sera là, tu embrasseras un fils» (comp. Gen. 18:10). Ah! c’est que cet enfant est aussi un fils de promesse, de la même lignée qu’Isaac qui, lui, était le type de la vraie semence, du Christ. Comme son cœur palpite à cette parole! Non, mon seigneur, homme de Dieu, ne mens pas à ta servante!» C’est donc une vérité! Sa joie est entière; elle a trouvé dans ce don la satisfaction de tous ses désirs.

Hélas! cette joie, il suffit de quelques heures pour la perdre; au temps de la moisson, toutes les espérances de la Sunamite s’écroulent. L’enfant meurt sur le midi. Il en fut de même des espérances des disciples au temps de Jésus. «Nous espérions», disent les deux disciples d’Emmaüs, «qu’il était celui qui doit délivrer Israël».

L’homme de Dieu est l’unique ressource de cette femme. Elle couche l’enfant là où le porteur de la Parole s’est reposé. Elle le tenait de lui; mort, elle le lui confie. C’est un acte de foi. Si les disciples dont nous venons de parler avaient eu confiance dans les Écritures, ils n’auraient pas eu besoin que le Seigneur les leur ouvrît pour savoir qu’elles annonçaient les événements mêmes qui venaient de se passer sous leurs yeux.

La Sunamite appelle son mari, lui demande une ânesse et un serviteur. Quelle angoisse étreint son pauvre cœur! Mais elle fait preuve de la même foi qui l’avait caractérisée en recevant le prophète, puis en saisissant l’espérance qu’il plaçait devant elle. La mort intervient, semble tout renverser, mais la foi et l’espérance de la Sunamite restent les mêmes au milieu de ce qui semble les détruire. «Tout va bien», dit-elle, quand elle a la mort dans l’âme. Quelle parole! Son fils est mort, mais tout va bien! Pourquoi? C’est qu’elle est soutenue par l’espérance, cette digne fille d’Abraham, de celui dont la foi estimait que Dieu était puissant pour ressusciter Isaac d’entre les morts. Dieu qui lui avait donné cet enfant et qui l’a repris par la mort, peut le lui rendre en résurrection. Elle n’attend pas moins que cela de l’homme de Dieu, mais comme elle se hâte! «Marche; ne m’arrête pas dans la course», dit-elle à son serviteur. Ayant perdu l’objet de son cœur, elle n’aura pas de repos qu’elle ne l’ait retrouvé. Marie de Magdala nous offre un exemple semblable. Ignorante et peu éclairée, sans doute, elle veut avoir Jésus coûte que coûte: «Dis-moi où tu l’as mis, et moi je l’ôterai»; et, au même moment, elle le trouve ressuscité.

Toute halte est fâcheuse; un moment perdu peut tout compromettre; cette femme ne trouvera le repos que lorsqu’elle «saisira les pieds» de l’homme de Dieu. La maladie de l’enfant n’avait pas été déclarée par l’Éternel au prophète, et pour plus d’une raison. S’il avait connu le danger, il y eût couru, et l’enfant ne fût pas mort. Sa dépendance de Dieu n’aurait, de cette manière, pas été mise à l’épreuve. Le Seigneur, lui, connaissait la mort de Lazare, car Dieu connaît tout, mais, pour le même motif, comme homme dépendant, il n’est pas accouru à Béthanie, car, pour le faire, il n’avait pas une parole de son Père. Puis, si Élisée avait connu le danger, la Sunamite n’eût pas «vu la gloire de Dieu» qui ressuscite les morts. Mais une troisième raison pour cacher la chose au prophète, c’est que la foi de la Sunamite devait être mise à l’épreuve jusqu’au bout. Elle n’aurait pas eu l’occasion de se manifester pleinement, même si l’envoyé de Dieu s’était présenté chez elle au moment où son fils venait d’expirer: ainsi, sa foi eut une œuvre parfaite. Elle dit: «Ai-je demandé un fils à mon seigneur? N’ai-je pas dit: Ne me trompe pas?» Elle compte sur Celui dont les promesses sont sans repentance et dépendent uniquement de sa grâce qui les donne sans qu’on les demande, en sorte qu’elle-même n’y était pour rien. Elle croit que, si les hommes sont trompeurs, Dieu ne trompe pas. Si Élisée avait été un homme comme les autres, il aurait pu se tromper, promettre sans tenir, mais il représente Dieu, et un homme de Dieu ne pourrait agir ainsi. Elle n’a donc qu’une ressource, la fidélité de son seigneur, et ne fait pas autre chose, ne connaît aucun autre chemin, que de s’adresser à lui. Elle est réellement une femme «d’une seule chose». Sans doute, «son âme est dans l’amertume», mais elle a confiance en la seule ressource possible et trouve aussi une pleine sympathie dans le cœur de celui auquel elle s’adresse.

Ici, sa foi est mise à une nouvelle épreuve. Élisée dit à Guéhazi: «Ceins tes reins, et prends mon bâton en ta main, et va-t’en: si tu trouves quelqu’un, ne le salue pas, et si quelqu’un te salue, ne lui réponds pas, et tu mettras mon bâton sur le visage du jeune garçon». La Sunamite acceptera-t-elle, comme remède à sa détresse, l’emblème de la marche du prophète, porté par un autre que lui? Non, sa foi n’accepte aucun intermédiaire, car ce n’est pas Guéhazi qui sauve ou peut sauver. Elle a appris, à l’école du prophète, que le moyen d’obtenir la bénédiction est de se tenir en rapport constant avec celui qui en est la source. «L’Éternel», dit-elle, «est vivant, et ton âme est vivante, que je ne te laisserai point!» Ce sont les paroles mêmes d’Élisée à Élie. Comment l’homme de Dieu pourrait-il résister à cette foi qui le prend lui-même pour modèle? Comment n’irait-il pas? Pouvait-il désirer qu’elle agît autrement que lui-même? Non; «il se leva et s’en alla après elle». Guéhazi les devance, mais le bâton du prophète ne suffit pas pour ramener l’enfant à la vie. Ce n’est pas tout que d’avoir la puissance entre les mains; les disciples qui entouraient le Seigneur avaient reçu de lui «puissance et autorité sur tous les démons, et le pouvoir de guérir les maladies» (Luc 9:1), et quand il fallait guérir un démoniaque (v. 40), «ils ne le purent pas». Cela dépendait de leur communion personnelle. S’ils avaient eu de la foi comme un grain de moutarde, ils auraient déplacé des montagnes; mais ces esprits ne sortaient que par la prière et par le jeûne. Il fallait un état personnel de dépendance et de séparation du mal pour pouvoir user de la puissance. Cet état du cœur, nous le verrons plus tard, manquait à Guéhazi.

Pendant que ces choses se passaient, l’enfant était couché sur le lit du prophète, la porte fermée sur lui. Élisée entre et ferme la porte sur eux deux. Il veut s’identifier absolument avec l’enfant dans la mort. Et quelle peine, quelles angoisses, quel travail d’âme! il n’a pas de repos qu’il n’ait accompli son œuvre, prenant la place du mort pour lui communiquer la vie. L’enfant ouvre ses yeux à la lumière.

Outre tant d’instructions précieuses que cette scène nous présente, je ne doute pas qu’on n’y trouve en type la mort et la résurrection d’Israël. À la fin des temps, ce qui est pieux et fidèle parmi le peuple, ceux qui, comme la Sunamite, considèrent leur peuple comme l’enfant de la promesse immanquable de Dieu, ne perdent pas l’espérance quand il est moralement mort; leur foi est active à l’égard d’Israël; elle réalise que seul l’Esprit de Dieu peut le ressusciter, et identifie son état avec la croix et le sépulcre où le Messie, le Sauveur du peuple, a souffert et a été couché pour lui. Leur foi va chercher le Seigneur sur la montagne de Carmel, où il se trouve, jouissant de la sphère céleste de son royaume avant qu’il en introduise la partie terrestre. Ils apprennent ensuite et réalisent par l’Esprit que le travail d’âme de Christ avait en vue la résurrection de son peuple et reçoivent de sa main, comme au chapitre 37 d’Ézéchiel, un peuple nouveau, fruit de ce travail et né du Saint Esprit. La mort avait été réalisée par eux au moment des travaux de la moisson; ceux-ci ne sont pas interrompus, et Israël recouvre la vie avant que le grain ne soit récolté dans le grenier. Le résidu obtient enfin tout ce que son cœur a désiré. C’est ainsi, qu’à travers ces scènes pleines d’instruction pratique pour nos âmes, se déroule le cycle des pensées de Dieu à l’égard de son ancien peuple.

«Et Élisée appela Guéhazi, et lui dît: Appelle cette Sunamite. Et il l’appela, et elle vint vers lui. Et il dit: Prends ton fils. Et elle vint et tomba à ses pieds, et se prosterna en terre; et elle prit son fils et sortit» (v. 36-37).

Appelle-la... Comme la Sunamite devait être émue à ce nouvel appel! Une première fois (verset 12), le prophète l’avait appelée pour mettre à l’épreuve la foi précieuse qu’elle possédait; une seconde fois (v. 15), pour lui donner l’enfant de la promesse, un objet pour son cœur. Une troisième fois... qu’allait-il lui donner quand le deuil remplissait son âme? Ah! elle n’en doute pas; il va lui donner son fils, revêtu d’un tout nouveau caractère, son fils ressuscité. Joie qu’aucune parole ne peut exprimer; son cœur est trop plein pour s’épancher; elle se prosterne silencieusement; elle adore!

Chers lecteurs chrétiens, avez-vous fait ces expériences? Vous avez d’abord appris à connaître Christ comme ayant traversé la mort pour vous, comme en ayant porté toutes les angoisses. Certes, la joie que vous avez éprouvée de cette délivrance était grande, mais en êtes-vous restés là? Vous êtes-vous trouvés devant un Christ ressuscité? S’il n’en est pas ainsi, vous n’avez encore qu’un demi-christianisme, une demi-joie, un demi-objet pour votre foi. Si, en revanche, vous avez appris à le connaître sous ce caractère, vous pouvez, comme la Sunamite, vous prosterner, prendre votre fils et sortir. Votre part est complète. Il ne vous manque plus que d’entrer en possession de votre héritage avec Lui, et c’est ce que nous trouverons plus tard en figure dans la scène finale de l’histoire de cette femme.

 

V. 38-41 — La mort dans la marmite

Une nouvelle scène appelle notre attention. Au lieu de retourner au Carmel, Élisée se rend à Guilgal. L’Esprit de Christ représenté par le prophète réunit là les fils des prophètes. Il s’agit pour eux d’une bénédiction collective. Le résidu ne peut être béni qu’en se réunissant au lieu de la circoncision, de la repentance, du jugement de soi-même.

«Il y avait une famine dans le pays». Tandis que la terre d’Israël est sous le poids de cette calamité, image de la tribulation future, le faible résidu trouve à cette place, en se tenant devant Élisée, ce qui est nécessaire à sa subsistance. Hors de ce lieu, loin de cette personne, ils seraient sans ressource comme les autres. La repentance et Christ en Esprit avec eux, suffiront alors aux fidèles, quels que soient leur propre dénuement et la ruine qui les environne. Ils trouveront une nourriture suffisante dans la «grande marmite» du prophète, qui ne leur mesurera pas leur existence avec parcimonie. Mais l’un d’entre eux, pour augmenter les ressources de la communauté, rassemble, plein sa robe, de fruits qu’il croit utiles à tous. Ces fruits, récoltés par l’homme dans son ignorance, apportent «la mort dans la marmite». Toute leur nourriture est empoisonnée, et ils se trouvent ainsi réduits à la même extrémité que le peuple. Il faut que ce pauvre résidu ait senti la puissance de la mort qui le menace et qui est le résultat de son travail et de son manque de discernement. Que pouvaient-ils ajouter à la nourriture d’Élisée? Si les champs d’Israël ne produisaient point de blé, ils produisaient en revanche du poison en abondance. Ce sera tout le fruit que pourra leur procurer le domaine du roi apostat, de l’homme de péché aux derniers jours, tout le fruit, d’autre part, que leur chair pourra récolter.

«Élisée dit: Apportez de la farine. Et il la jeta dans la marmite». La farine, l’humanité parfaite de Christ, voilà ce qui assainit le potage. Toute l’œuvre de la chair ne peut en faire qu’une nourriture mortelle. À peine se sont-ils adressés au prophète que le remède est trouvé. Un seul homme peut les sauver et remédier à leur condition. Ils le sentent et leur première pensée, quand ils sont sous la puissance de la mort, est l’homme de Dieu. Ils crient à lui «des lieux profonds». Qui subsistera s’il «prend garde à leur iniquité?» Ils s’attendent à lui: «auprès de lui est la bonté». Rassemblés près de lui, la perfection de son humanité est leur seule sauvegarde et devient elle-même leur nourriture. Il a annulé, dans sa personne sainte, tous les résultats délétères de l’immixtion de l’homme dans le travail de Dieu. Élisée, Christ en Esprit avec eux, leur ouvrira une source de délivrance par la connaissance de ce que Lui, comme homme ici-bas, est pour ceux qui le saisissent par la foi. «Il n’y avait rien de mauvais dans la marmite». «Verses-en à ce peuple, et qu’ils mangent».

 

V. 42-44 — L’homme de Baal-Shalisha

«Et il vint, de Baal-Shalisha, un homme qui apporta à l’homme de Dieu du pain des premiers fruits, vingt pains d’orge et du grain en épi dans son sac».

Un nouveau moyen de subsistance, plus complet que le précédent, est apporté aux fils des prophètes qui entourent Élisée à Guilgal. Ce sont d’abord vingt pains d’orge, nourriture pauvre, représentant, comme dans le songe du Madianite (Juges 7), un Christ humilié, puis du grain en épi, premiers fruits récoltés dans le pays de Canaan, image d’un Christ ressuscité, le grain qu’Israël avait goûté jadis au même lieu après le passage du Jourdain. Ainsi, le résidu prophétique apprendra graduellement à connaître, avec le jugement de lui-même, toutes les ressources qu’il possède en Christ. Ces ressources lui seront dispensées par le Seigneur, se tenant en Esprit avec lui. Il nourrira de pain ses pauvres, comme il l’avait fait pendant son passage ici-bas. Il fera fructifier la faible connaissance qu’ils possèdent. «Donne cela au peuple, et qu’ils mangent». Ce sont les mêmes paroles qu’Élisée avait prononcées devant la marmite assainie. Il ne leur vient plus à la pensée d’ajouter leur travail à cette nourriture, car elle est complète. Ils en eurent de reste, selon la parole de l’Éternel, comme les 5000 hommes au temps de Jésus. Que leur manquait-il désormais?

Tout ce chapitre nous montre le chemin par lequel les fidèles du résidu sont conduits, sous la direction du Saint Esprit, depuis la connaissance du travail de l’âme de Christ pour les ramener à la vie (à travers le jugement d’eux-mêmes et l’expérience de l’incapacité pour le bien dont toute leur activité est frappée), jusqu’à la satisfaction de tous leurs besoins, par la connaissance d’un Christ homme, apportant la vie sainte au milieu de la mort, et par l’appréciation d’un Christ humilié puis ressuscité, qui devient leur abondante nourriture. «Ils en eurent de reste, selon la parole de l’Éternel». D’autres qu’eux peuvent s’en nourrir, ce repas est, en grâce, offert à tous.

Nous avons donc assisté, dans ce chapitre, aux miracles du siècle à venir, non sans y trouver une source de bénédictions pour nous-mêmes. Au chapitre 2, nous avons trouvé, dans la personne d’Élisée, l’Esprit de Christ envoyé en grâce au résidu; au chapitre 3, l’Esprit de Christ rejetant Israël pour ne plus tenir compte que de Juda, et cependant agissant encore en grâce envers tous; enfin, au chapitre 4, les ressources que l’Esprit de Christ déploie pour ce qui est fidèle parmi le peuple, puis pour les fils des prophètes qui traversent toutes les phases d’une tribulation dans laquelle leur foi est profondément exercée.

Quel monde que celui-là! Quel monde que le nôtre! Quel monde que celui de la fin! Mais le Seigneur a dans tous les temps un résidu qu’il aime, qu’il soutient, réjouit et nourrit; à ses yeux le vrai sel de la terre!