2 Corinthiens

Chapitre 5:9-15

Selon une remarque faite par d’autres, ce chapitre est le seul, dans le Nouveau Testament, où le mot «nous» soit employé indistinctement pour tous les hommes, tandis qu’il s’applique, partout ailleurs, aux croyants seuls. Il faut donc distinguer dans ce chapitre quelle attitude ont croyants ou non-croyants, devant les grands faits qui concernent indistinctement tous les hommes: le péché, la mort, le jugement. Cette constatation est de la plus grande importance pour la prédication de l’Évangile.

Nous avons vu, au commencement de ce chapitre, que tous les hommes devront paraître devant Dieu. L’apôtre le désirait pour lui-même; non pas qu’il désire être dépouillé de son corps, tout en admettant que cela puisse avoir lieu, mais il désirait être revêtu de son corps glorieux. Que le Seigneur doive venir, alors que lui, l’apôtre, serait couché dans le sépulcre, ou alors qu’il serait encore vivant dans ce monde, ce qu’il attendait, c’était d’être revêtu d’un corps glorieux pour se présenter devant Dieu. Mais il montre en même temps qu’il faut que tous les hommes ressuscitent: «Si toutefois», dit-il, «même en étant vêtus, nous ne sommes pas trouvés nus» (v. 3). Tous devront se présenter corporellement devant Dieu, mais les uns seront revêtus d’un corps glorieux, les autres simplement vêtus d’un corps ressuscité; les premiers ont part à la première résurrection; la résurrection des seconds, qui aura lieu beaucoup plus tard, est appelée la seconde mort. On peut être vêtu d’un corps ressuscité et pourtant être trouvé nu devant Dieu, c’est-à-dire dans un état où le jugement de Dieu doit nécessairement atteindre les hommes. Quand Adam, après la chute, croyait s’être vêtu, il se trouve nu devant Dieu, et ce fut sa condamnation. Il en est toujours ainsi: l’homme trouvé nu devant Dieu doit subir sa peine; c’est pourquoi Dieu, voulant sauver Adam, le revêtit lui-même de peaux de bêtes sacrifiées. Les croyants, quand ils se présenteront devant Dieu, seront non seulement vêtus d’un corps ressuscité, car ce dernier ne pourrait les garantir, mais revêtus d’un corps glorieux, pareil à celui de leur Sauveur, revêtus de la gloire qui Lui appartient, revêtus de la justice de Dieu lui-même. Comment Dieu pourrait-il ne pas nous recevoir en sa présence, revêtus de toutes les qualités glorieuses qui sont la part de son Bien-aimé? Il faudrait pour cela qu’il rejette Christ lui-même!

Dans ce que nous avons lu aujourd’hui, nous trouvons une seconde vérité qui concerne à la fois les croyants et les non-croyants: «Il faut que nous soyons tous manifestés devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive les choses accomplies dans le corps, selon ce qu’il aura fait, soit bien, soit mal» (v. 10). Comme il y a deux résurrections, il y a aussi deux comparutions devant le tribunal du Christ. S’il s’agit de la résurrection des méchants, appelés les morts, nous apprenons qu’ils seront vêtus d’un corps ressuscité, afin de paraître devant le «grand trône blanc», érigé quand il n’est plus trouvé de lieu, ni pour la terre, ni pour le ciel (Apoc. 20:11-15). Ce trône est pour eux le tribunal de Christ. C’est là que le Seigneur Jésus est assis pour juger, car il est dit de Lui que Dieu l’a établi juge, non seulement des vivants, mais aussi des morts. Or, tout ressuscités qu’ils soient, ces hommes sont des morts. Devant ce tribunal les livres sont ouverts, le livre de vie d’un côté, le livre des responsabilités de l’autre. Pas un seul mot ne sort de la bouche de ceux qui se tiennent devant ce tribunal. Ils sont jugés d’après leurs œuvres, s’ils ne sont pas trouvés écrits dans le livre de vie.

Il y a une seconde face du tribunal qui a trait d’une manière exclusive aux enfants de Dieu. «Il nous faut tous être manifestés devant le tribunal du Christ». Il arrivera un moment, pour nous, chrétiens, où tout ce que nous avons été ou fait sera mis en pleine lumière devant le tribunal du Christ, en la présence de Dieu, et où rien, absolument, ne sera caché. Mon histoire tout entière, depuis le commencement, jusqu’au moment où il plaira à Dieu de me rappeler à Lui, sera mise au jour. Combien de fois nous entendons des chrétiens nous dire: Faudra-t-il donc que mes péchés passés, dont je me suis repenti, soient mis en lumière devant le tribunal? Oui, chers amis, nous devons tous être manifestés dans cette lumière parfaite! Pourquoi les chrétiens craignent-ils une telle comparution? Ils pensent au moment où tous les yeux verront se dérouler leur histoire du commencement à la fin, toutes leurs fautes cachées, toutes les choses blâmables ou odieuses de leur carrière ici-bas, dont peut-être même leurs intimes n’avaient jamais eu connaissance! Il est parfaitement vrai qu’il en sera ainsi. Tous les regards des saintes myriades seront arrêtés sur ma vie passée et la connaîtront dans ses moindres détails. Mais il est une chose beaucoup plus sérieuse encore que celle-là, à laquelle ces chrétiens pensent peu; c’est que, sous les yeux de Dieu, tout ce qu’ils ont fait sera mis en pleine lumière et qu’ils seront manifestés devant le tribunal du Christ!

Dans quelle qualité y serai-je manifesté? Nous avons déjà vu que les hommes, manifestés comme pécheurs devant ce tribunal, devront porter la conséquence de leurs œuvres. Nous, chrétiens, nous y serons manifestés dans le même caractère que le Juge, revêtus de toutes ses perfections dans un corps ressuscité en gloire. Nous ne craindrons pas la lumière portée sur toute notre vie passée, car nous savons déjà que la grâce de Dieu a trouvé moyen, à travers toutes nos misères, de se glorifier elle-même, de faire sortir sa gloire, même de nos péchés, tout en nous en faisant porter la discipline ou le châtiment dans ce monde, mais pour nous amener finalement là où il voulait nous avoir, dans la gloire de Christ. Voilà, chers amis, ce qui me rend heureux à la pensée du tribunal. Si ma vie n’y était pas montrée dans tous ses détails, la grâce de Dieu qui a réussi, malgré tout, à m’amener dans la gloire, cette grâce ne serait pas pleinement révélée. Cela soutient le cœur. Au lieu de craindre que mes misères ne soient mises en lumière, je pense que Christ a été glorifié en dépit de tous mes manquements, et comment ne m’en réjouirais-je pas? Si la grâce de Dieu n’avait pas été là, tout le long de ma course, comment serais-je arrivé au salut et à la victoire finale?

D’où vient qu’un chrétien a peur du tribunal de Christ? De ce que sa conscience n’est pas à l’aise. Dans une conférence à laquelle j’assistais, le frère qui en avait la direction dit à voix basse, à quelques-uns de ceux qui l’entouraient: Je n’ai jamais vu un chrétien en mauvais état spirituel, qui n’ait des questions à soulever au sujet du tribunal de Christ. Dans le moment même, tout au bout de la salle, un ouvrier du Seigneur, dont l’état moral donnait des inquiétudes, appréhensions qui furent confirmées dans la suite, se leva et dit: Je voudrais poser une question au sujet du tribunal. Pensez-vous que les péchés commis par les chrétiens dans le cours de leur vie, reviennent tous en mémoire? Il n’y eut pas de réponse; celui qui posait la question donnait lui-même la réponse.

Nous trouvons ici, comme ailleurs, que chaque chrétien recevra, devant le tribunal, «les choses accomplies dans le corps, selon ce qu’il aura fait, soit bien, soit mal». Chacun recevra une récompense, ou éprouvera une perte, selon la manière dont il aura servi le Seigneur ici-bas. À celui qui marche mal, je ne puis pas dire: Tu seras sauvé quand même! Je lui demande: Où sera ta couronne? Quelle place occuperas-tu dans la gloire? N’éprouveras-tu pas une perte! Et quelle perte! Il en sera ainsi de tout chrétien qui n’a pas marché à la hauteur de sa vocation. C’est pourquoi le Seigneur dit à Philadelphie: «Tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne». La couronne accordée à la fidélité peut nous être ôtée et donnée à d’autres. C’est ce que signifient ces mots: «Recevoir les choses accomplies dans le corps, selon ce qu’il aura fait, soit bien, soit mal».

Si j’ai perdu ma couronne, si j’ai déshonoré Christ, ce sera à ma honte et à ma confusion, au moment où je réaliserai que je dois paraître devant le tribunal, mais, arrivé là, je serai le tout premier à déclarer que cette sentence est juste, à la gloire du Dieu saint et de son Christ. Je me console en pensant qu’à ce moment-là, si Dieu m’ôte ce que ma fidélité aurait pu acquérir et le donne à un autre, dont peut-être je n’appréciais que peu la piété, ce sera une chose juste qui glorifiera parfaitement le Seigneur.

Qu’ai-je donc à faire en vue du tribunal? J’ai à réaliser d’un côté ce que dit l’apôtre: «Connaissant donc combien le Seigneur doit être craint»; de l’autre: «Être manifesté à Dieu» (v. 11). Il nous faut nous tenir dès ici-bas dans la lumière de ce tribunal, et ne pas attendre d’être dans le ciel pour nous y présenter. C’est ce que nous trouvons ici. Paul passait sa vie dans la pleine lumière du tribunal du Christ. Sans se faire aucune illusion, il voyait et connaissait qu’il n’y avait point de bien en lui, c’est-à-dire en sa chair; il se jugeait à fond et continuellement. N’ayant aucune confiance en lui-même, il ne s’appuyait sur quoi que ce soit qui soit en lui, mais il voulait une chose: «Être manifesté à Dieu»; comme il est dit au Ps. 139: «Connais-moi, sonde-moi». Il réalisait le tribunal ici-bas, et désirait savoir, avant de s’y présenter dans le ciel, s’il y avait au fond de son cœur quelque «voie de chagrin», afin d’être conduit «dans la voie éternelle». Son âme se trouvait continuellement en la présence de Dieu et voulait être connue de Lui, ne désirant qu’une chose, c’est que Dieu continue à la tenir, à chaque instant, sous la pleine lumière de sa face, afin de lui faire découvrir tout ce qui aurait pu être un piège et l’éloigner de Dieu, tout ce qui aurait pu lui faire perdre la récompense du témoignage chrétien. Et remarquez ceci: l’apôtre pouvait se rendre ce témoignage: «Nous avons été manifestés à Dieu, et j’espère aussi que nous avons été manifestés dans vos consciences». Nous ne désirons rien vous cacher, pas plus que nous n’avons rien de caché pour Dieu.

Est-ce le cas pour nous? Vivons-nous devant Dieu et devant les hommes de manière à ne rien cacher, ni à l’Un, ni aux autres? L’apôtre faisait cela; il sentait tout le sérieux du tribunal du Christ, mais cette pensée le laissait parfaitement heureux et tranquille, et au moment d’achever sa course, il pouvait dire en toute assurance: «Désormais m’est réservée la couronne de justice» (2 Tim. 4:6-8).

Il revient maintenant au sujet de son ministère. Qu’est-ce que la pensée du tribunal a produit sur Paul comme ministre de Christ? S’il est sans crainte pour lui-même, il sait que c’est une chose terrible pour les pécheurs d’avoir à paraître devant le trône du jugement. Cette pensée le pousse à employer toute la puissance de persuasion que Dieu lui a donnée, pour montrer aux hommes combien le Seigneur doit être craint, et les engager à ne pas remettre à plus tard la comparution devant Dieu. Mais ce n’est pas tout que la crainte; il ajoute au v. 14: «Car l’amour du Christ nous étreint». La crainte du Seigneur, l’amour du Christ, tels sont les deux grands motifs pour celui qui présente l’Évangile. Nous pouvons parler de cet amour puisque nous en sommes les objets, et de cette crainte puisque nous la connaissons nous-mêmes. Seulement pour nous, la crainte n’est pas la peur de rencontrer le Dieu juste, mais la crainte de lui déplaire ou de le déshonorer.

Si le résultat du tribunal était produit actuellement dans nos âmes, combien nous serions poussés à nous adresser aux hommes pour leur dire: «Fuyez la colère à venir!» Dieu nous a appris à nous-mêmes à la fuir et nous en a délivrés. Faites comme nous, apprenez, pendant qu’il en est temps encore, à vous juger vous-mêmes, afin que vous ne soyez pas livrés au jugement. L’apôtre parlait ainsi; il persuadait les hommes. L’amour de Christ le pressait, sans repos ni trêve. Toute sa vie s’est passée à s’adresser aux pécheurs dans ce monde, afin de les amener à recevoir le salut gratuit que Dieu leur offrait par Christ.

«L’amour du Christ nous étreint», dit-il «en ce que nous avons jugé ceci, que si un est mort pour tous, tous donc sont morts, et qu’il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui, pour eux, est mort et a été ressuscité» (v. 15). Nous trouvons ici de nouveau les croyants et les non-croyants compris dans la même catégorie. Si Christ est mort pour tous, convertis et inconvertis, c’est la preuve que tous sont morts. Si un seul homme avait pu être excepté de cette mort morale de tous les hommes, Christ n’aurait pas dû mourir pour tous. En est-il qui soient sortis de cette mort morale? Oui: ceux qui ont accepté, par la foi, le sacrifice de Christ, ceux-là vivent, Mais si le Seigneur est mort pour tous, pourquoi tous ne vivent-ils pas? Quel est donc l’obstacle qui s’oppose au salut de tous les hommes? Le seul et unique obstacle est la volonté de l’homme!

La vie chrétienne consiste, chers amis, à ne plus vivre pour soi-même. Si elle est bien comprise, l’égoïsme du cœur naturel de l’homme pécheur n’y a plus de place. Le but de Dieu, en nous donnant la vie éternelle par la foi en Christ, c’est que nous ne vivions plus pour nous-mêmes. Dieu nous a donné, dans la personne de Christ, un objet pour nos cœurs: «Celui qui pour nous est mort et a été ressuscité». Ne vaut-il pas la peine de vivre pour cet homme-là?