2 Chroniques

Chapitre 33

Manassé et Amon

L’histoire de Manassé, telle qu’elle est relatée ici, a une importance considérable comme exemple des relations futures de l’Éternel avec son peuple. Nous avons vu dans l’histoire d’Ézéchias que Dieu lui avait annoncé la captivité de Juda à Babylone comme conséquence du péché d’orgueil qu’il avait commis. Ézéchias et son peuple s’humilièrent devant cette sentence et Dieu remit à un temps futur l’exécution du jugement. Après la mort d’Ézéchias, l’infidélité arriva à un tel point, l’idolâtrie prit de telles proportions, qu’il ne restait plus qu’à exécuter le jugement annoncé. Manassé fut emmené captif à Babylone qui, dans ces jours-là, était au pouvoir de l’Assyrien. Le sort de ce roi était ainsi le prélude et l’image anticipée de la captivité future de Juda, mais, plus encore, l’image de l’état d’angoisse et d’humiliation qui précédera la restauration définitive de ce peuple sous le règne du Messie.

À proprement parler, l’histoire symbolique, telle que les Chroniques nous la présentent, est close avec la restauration de Manassé. Ammon lui succède, recommençant pour ainsi dire le récit de la ruine de Juda au point de vue historique. Le règne de Josias qui suit est comme le dernier effort de l’Esprit de Dieu pour ramener sur la scène le roi de ses conseils, effort sans résultat, par suite de l’imperfection du meilleur instrument humain que Dieu pût employer, et suivi du lamentable tableau de la royauté finissante en Juda.

Examinons de plus près le règne de Manassé, si différent dans les Chroniques de ce même règne dans le livre des Rois. Le commencement nous en est décrit (v. 1-9) comme le plus affreux qui se puisse imaginer au point de vue religieux, d’autant plus affreux qu’il suit les jours du fidèle Ézéchias, comblé de faveurs et de prospérité à cause de cette fidélité même. La perversité de Manassé creuse un abîme entre son règne et celui de son père: «Il fit outre mesure ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel» (v. 6). Il agit en toutes choses selon les abominations des Cananéens que le Seigneur avait dépossédés devant Israël, lorsque leur iniquité était arrivée à son comble. Il rebâtit les hauts lieux démolis par Ézéchias, élève des autels à Baal, rétablit le culte d’Astarté, le culte des astres, sacrifie ses fils à Moloch, pratique les sciences occultes, les enchantements et la magie, profane Jérusalem et la maison de Dieu en y bâtissant des autels aux faux dieux et place une idole abominable dans le temple, pareil en cela à l’Antichrist de la fin. Il défie Dieu lui-même qui avait dit: C’est dans Jérusalem et dans cette maison que «je mettrai mon nom à toujours». Et ce Dieu fidèle avait ajouté: «Je n’ôterai plus le pied d’Israël de dessus la terre que j’ai assignée à vos pères, si seulement ils prennent garde à faire tout ce que je leur ai commandé par Moïse, selon toute la loi et les statuts et les ordonnances» (v. 8). Il n’avait tenu qu’au peuple d’obéir; partout où il s’était montré obéissant à la loi et aux commandements, Dieu avait tenu sa promesse, et maintenant... que restait-il à faire? L’exemple de Manassé fut suivi par son peuple. Lui-même fut responsable de cette ruine, mais le peuple ne se repentit pas davantage que son roi. Quand Dieu parla à tous deux par ses serviteurs les prophètes, ils n’y firent pas attention (v. 10). Alors «l’Éternel fit venir contre eux les chefs de l’armée du roi d’Assyrie, et ils prirent Manassé dans des ceps, et le lièrent avec des chaînes d’airain et l’emmenèrent à Babylone» (v. 11). Ce que l’Éternel avait fait en figure à l’Assyrien: «Je mettrai mon anneau à ton nez et mon frein entre tes lèvres» (2 Rois 19:28), il le fait en réalité à Manassé1.

1 «Les ceps» semblent avoir à peu près la même signification que l’anneau de nez, un anneau ou un crochet de fer dont on perçait le nez ou les lèvres des captifs.

Et maintenant, le jugement étant consommé, on voit apparaître l’inépuisable, merveilleuse, adorable grâce de Dieu. La détresse a produit son effet dans le cœur de Manassé; il devient un type frappant du résidu d’Israël aux derniers jours. «Quand il fut dans la détresse, il implora l’Éternel, son Dieu, et s’humilia beaucoup devant le Dieu de ses pères, et le pria; et il se laissa fléchir par lui, et écouta sa supplication, et le ramena à Jérusalem dans son royaume; et Manassé reconnut que c’est l’Éternel qui est Dieu» (v. 12-13).

Il cria du fond de l’abîme et s’humilia devant le Dieu de ses pères: c’est la repentance; il pria: c’est la dépendance et le renouvellement des relations avec l’Éternel; il fut réintégré dans son royaume et proclama la souveraineté de ce Dieu qu’il avait renié. La grâce lui fait reconnaître Dieu dans ses jugements et la grâce le restaure. Dès ce moment, Manassé est un nouvel homme.

Ce règne de 55 ans se divise en trois périodes: L’idolâtrie, la captivité, le retour, ou: l’apostasie, le jugement, la restauration. Cette dernière est complète, parce qu’elle est le fruit de la grâce.

Dès lors nous voyons Manassé à l’œuvre pour Jérusalem et pour Dieu. Il bâtit au nord toute la muraille extérieure qui offrait un point faible aux assauts de l’Assyrien; au sud-ouest il entoure Ophel de cette haute muraille qui fut plus tard entièrement détruite par Nebucadnetsar et ne fut pas même réédifiée du temps de Néhémie. Il place les forteresses de Juda sous la surveillance des chefs d’armée. Quant au culte il détruit entièrement celui des faux dieux qu’il avait institué partout; il enlève de la maison de Dieu l’idole abominable qu’il y avait placée et jette toutes les impuretés hors de la ville. Mais l’œuvre n’aurait été faite qu’à moitié si Manassé n’avait pas rétabli le culte de l’Éternel et commandé à Juda de le servir. Les hauts lieux ne furent, il est vrai, pas entièrement supprimés, mais du moins ne furent-ils destinés qu’au seul culte de l’Éternel.

Nous avons déjà fait remarquer que, jusque dans la mort, Dieu exprime son approbation ou son mécontentement sur la conduite des rois. Si un grand nombre d’entre eux, et pas toujours des meilleurs, fut enterré dans la ville de David et parmi les sépulcres des rois (même ces cas offrent, du reste, quelques nuances), d’autres furent privés de cette sépulture. Ainsi Joas fut enterré «dans la ville de David, mais on ne l’enterra pas dans les sépulcres des rois», juste conséquence du meurtre de Zacharie (24:22). Ozias le fut seulement «dans le champ de la sépulture des rois» (ce qui est différent de leurs sépultures), car il était lépreux, jugement de son acte profane (26:23); l’impie Achaz «fut enterré dans la ville de Jérusalem, mais on ne le mit pas dans les sépulcres des rois d’Israël» (28:27); Manassé fut enterré dans sa maison (v. 20) ou, comme il est dit au livre des Rois, «dans le jardin de sa maison, dans le jardin d’Uzza» (2 Rois 21:18). Seulement Manassé me semble, après sa repentance, avoir choisi lui-même le lieu de son sépulcre, se sentant indigne de la sépulture royale. S’il en est ainsi, cela ajoute un trait touchant à son humiliation.

Amon (v. 21-25) retourne aux traditions du règne de Manassé à son début. Il rétablit le culte idolâtre de son père, «et il ne s’humilia point devant l’Éternel, comme Manassé, son père, s’était humilié; car lui, Amon, multiplia son péché» (v. 23). Il fut mis à mort dans sa maison et les Chroniques ne nous renseignent pas sur le lieu de sa sépulture, mais 2 Rois 21:26 nous apprennent que ce fut, comme son père, «dans son sépulcre, dans le jardin d’Uzza». Manassé, par ce choix reconnaissait son crime; celui d’Amon est constaté par Dieu lui-même. Plus tard, Josias, très honoré pour sa piété est enterré «dans les sépulcres de ses pères» (35:24). Enfin, des quatre derniers rois, trois, Joakhaz, Jehoïakin et Sédécias, meurent en Égypte ou à Babylone, tandis que Jéhoïakim est atteint par le jugement prononcé en Jér. 36:30: «Son cadavre sera jeté dehors, de jour à la chaleur, et de nuit à la gelée».