2 Chroniques

Chapitre 30

La Pâque et les Pains sans levain

La piété rend toujours intelligent. L’âme qui va boire à la source et jouit de la communion avec le Seigneur, ne peut être embarrassée de savoir ce qui Lui convient et quelle est la conduite qui le glorifie. Tout cela paraît clairement dans le cas d’Ézéchias. Il semblait bien difficile, au milieu des circonstances d’alors, de connaître le chemin à suivre: Le royaume divisé; Éphraïm idolâtre et les deux tribus et demie au-delà du Jourdain descendues au même niveau; la transportation des dix tribus, fait accompli; quelque pauvre grappillage restant encore en Israël; Juda, purifié seulement d’hier de l’abominable idolâtrie d’Achaz.

Fallait-il s’accommoder de cet état de choses et accommoder sa conduite et celle du peuple à la misérable condition dans laquelle on se trouvait? Non; en vertu de la purification qui avait eu lieu, le peuple pouvait revenir aux choses qu’il avait connues et pratiquées au commencement. Quelle était la toute première de ces choses? La Pâque, prélude de la fête des pains sans levain. Commémorer le sacrifice rédempteur était le premier pas de ce retour aux choses anciennes. «Depuis les jours de Salomon, fils de David, roi d’Israël, rien de semblable n’avait eu lieu à Jérusalem» (v. 26). Nous avons ici la preuve que l’on peut jouir des plus complètes bénédictions en des jours de ruine et alors même que, depuis Salomon, quand il y avait encore une prospérité relative, ces bénédictions avaient manqué.

Ézéchias comprit cela, mais il comprit aussi qu’il appartenait au peuple tout entier de se trouver présent à la célébration de la Pâque, car ce peuple était un et c’était pour un seul peuple que la Pâque avait été offerte. L’unité du peuple de Dieu n’existait plus aux yeux des hommes et cette vérité était restée complètement ensevelie pendant près de 250 ans. Le premier depuis Salomon, Ézéchias comprit qu’en dépit de toutes les apparences contraires, cette unité existait et qu’il était possible de la réaliser. Posons-nous la même question: L’unité de l’Église est-elle sans importance parce qu’elle n’est plus visible, dans son ensemble, comme témoignage devant le monde? Au contraire, quand tout est définitivement ruiné, il est d’autant plus important de mettre en lumière les vérités qui étaient dès le commencement. L’unité du peuple de Dieu est une de ces vérités; elle fait même partie des conseils de Dieu, selon lesquels l’Assemblée forme un seul corps avec le Christ glorifié dans le ciel. On comprend donc l’importance que la Pâque avait aux yeux d’Ézéchias. Elle était non seulement le mémorial de l’œuvre qui avait mis le peuple à l’abri du jugement de Dieu et l’avait racheté d’Égypte, mais aussi le témoin que cette œuvre avait été faite pour le peuple tout entier. Elle était aussi, et notre chapitre y insiste particulièrement, le point de départ de la fête des pains sans levain, symbole de la vie de sainteté pratique qui se lie à la rédemption. Toutes ces bénédictions étaient retrouvées dans la célébration de la Pâque sous Ézéchias, par le fait qu’il revenait aux choses instituées dès le commencement.

Cet état a-t-il duré? Non, sans doute, et cela tenait à ce que le peuple, lié avec l’Éternel par l’alliance de la loi, se montra, comme toujours, incapable de garder les termes de son contrat. L’appel pressant, adressé au peuple par le roi, ne fut écouté qu’un instant. Il faudra une alliance nouvelle, basée sur la fidélité de Dieu seul pour que ces choses soient réalisées à toujours. Le récit que nous avons sous les yeux appartient encore à l’ancienne alliance, contrat bilatéral, mais dans lequel, comme nous l’avons vu tout le long des Chroniques, Dieu aime à déployer son caractère de grâce et de miséricorde, ne se détournant jamais de celui qui revient à Lui. L’exhortation des versets 6 à 9 est basée sur cette alliance légale, quoique non dépourvue de miséricorde. Ézéchias exerce proprement ici le ministère prophétique, que, depuis Salomon, nous avons vu à l’œuvre, ministère qui contient une révélation partielle de la grâce de Dieu, bien faite pour toucher le cœur et atteindre la conscience du peuple: «Fils d’Israël, retournez à l’Éternel, le Dieu d’Abraham, d’Isaac, et d’Israël, et il reviendra au reste d’entre vous qui est échappé à la main des rois d’Assyrie. Et ne soyez pas comme vos pères et comme vos frères, qui ont péché contre l’Éternel, le Dieu de leurs pères, et il les a livrés à la destruction, comme vous le voyez. Maintenant ne roidissez pas votre cou, comme vos pères; donnez la main à l’Éternel, et venez à son sanctuaire qu’il a sanctifié pour toujours, et servez l’Éternel, votre Dieu, afin que l’ardeur de sa colère se détourne de vous. Car si vous retournez à l’Éternel, vos frères et vos fils trouveront miséricorde devant ceux qui les ont emmenés captifs, et ils reviendront dans ce pays; car L’Éternel, votre Dieu, fait grâce et est miséricordieux, et il ne détournera pas sa face de vous, si vous revenez à lui» (v. 6-9).

Combien tous ces appels sont touchants, en des jours où déjà le feu du jugement avait entamé le peuple de tous côtés. Il restait encore une ressource qui lui était indiquée: Voudrait-il la saisir?

Remarquons en passant que, dans la chrétienté professante, l’Évangile prêché au monde ne va guère au-delà de l’appel que nous venons de citer, de ce que j’appellerais: l’évangile des prophètes. Un chrétien de cette catégorie disait devant moi à un mourant: «Le salut, c’est la main de l’homme qui saisit la main de Jésus Christ» (conf. v. 8). L’immense majorité des «Cantiques du réveil» ne dépasse pas cette limite.

Ce qui restait d’Éphraïm n’était plus qu’un résidu méprisable laissé dans le pays par le roi d’Assyrie, mais il y avait encore quelques grappillages à récolter dans la vigne d’Israël, et il suffisait de ces quelques-uns, unis aux restes de Juda, pour représenter l’unité du peuple avec les privilèges qui s’y rattachaient. Hélas! combien leur état était peu satisfaisant! Avaient-ils songé à se sanctifier pour célébrer la Pâque? Même un grand nombre de sacrificateurs avaient négligé cela et «une grande partie du peuple, beaucoup de ceux d’Éphraïm, et de Manassé, et d’Issacar, et de Zabulon, ne s’étaient pas purifiés» (v. 18). Le mémorial ne pouvait être offert dans ces conditions par les sacrificateurs; la fête des pains sans levain, figure d’une vie de sainteté pratique, ayant pour point de départ le sang de l’agneau pascal dont elle était inséparable, ne pouvait être célébrée par ceux qui gardaient de la souillure. Aussi cette cérémonie se ressentit de ces manquements; elle ne fut célébrée que le second mois, selon Nomb. 9:11. Dieu avait pourvu d’avance dans sa Parole à un état aussi misérable, donnant ainsi à la sacrificature le temps de se sanctifier. Quant à la souillure du peuple qui célébrait la fête, Ézéchias intercéda et Dieu fut attentif à sa prière. N’est-ce pas profondément touchant? Un commencement de plaie avait été la conséquence de cette désobéissance, quelque peu semblable à celle des Corinthiens qui «mangeaient et buvaient un jugement contre eux-mêmes» (1 Cor. 11:29-30), mais «Ézéchias pria pour le peuple, disant: Que l’Éternel, qui est bon, pardonne à tous ceux qui ont appliqué leur cœur à rechercher Dieu, l’Éternel, le Dieu de leurs pères, bien que ce ne soit pas conformément à la purification du sanctuaire. Et l’Éternel écouta Ézéchias et guérit le peuple» (v. 18-20).

Malgré cette purification incomplète, l’appel si pressant d’Ézéchias avait été entendu. «Des hommes d’Aser, et de Zabulon, et de Manassé s’humilièrent et vinrent à Jérusalem» (v. 11), toutefois, d’une manière générale, «quand les courriers passaient de ville en ville, dans le pays d’Éphraïm et de Manassé, et jusqu’à Zabulon, on se riait et on se raillait d’eux» (v. 10).

En est-il autrement dans les temps actuels où un jugement, bien plus terrible que celui d’Israël, est près de fondre sur la chrétienté? Écrivez comme Ézéchias, envoyez partout votre message, disant: Le peuple de Dieu est un peuple; qu’il se hâte de se rassembler pour rendre culte. Qu’il témoigne, autour de la table du Seigneur de cette unité formée par le Saint Esprit; qu’il se purifie de tout mélange avec un monde souillé, et, quel que soit son abaissement, il pourra retrouver les bénédictions premières! Pensez-vous que vous trouverez beaucoup d’âmes attentives, ou bien votre appel rencontrera-t-il plutôt l’indifférence, les railleries ou le mépris?

Ce ne fut pas un motif de découragement pour Ézéchias. Il eut le bonheur de voir plusieurs des lévites, pris de honte, se sanctifier et prendre la place qu’ils n’auraient jamais dû se laisser enlever, «selon la loi de Moïse, homme de Dieu» (v. 16). Ainsi la parole de Dieu, telle qu’elle était révélée alors, devint leur règle pour le service de l’Éternel.

Mais que pensait-on en Israël de ces rêveurs qui, dans leurs utopies, voulaient reconstituer l’unité du peuple? N’était-il pas plus raisonnable d’accepter les choses telles qu’elles étaient et de s’en contenter? Sans doute on n’allait pas jusqu’à vouloir présenter la ruine, la captivité, l’idolâtrie et le désordre, comme un développement de la religion des pères. Cette monstrueuse prétention était réservée à la chrétienté finissante qui appelle «bien» et «développement spirituel» tout le mal qu’elle a causé. Excellente raison fournie par Satan au monde religieux pour ne pas s’humilier. Que les réchappés d’Israël se groupent sous la bannière des veaux de Béthel, les restes de Juda sous celle d’Ézéchias, cela semble aujourd’hui bon et désirable. Si ces réchappés, si contents de leur état, étaient venus à la Pâque, certes ils auraient trouvé autre chose que cela. La nuit où elle fut offerte en Égypte le peuple n’eut qu’une bannière, la bannière de l’Éternel, pour sortir d’Égypte et passer la mer Rouge, conduit en Canaan à travers le désert. Ézéchias n’avait d’autre pensée que de réunir le peuple de Dieu sous la bannière de l’Éternel.

Le résultat béni de son obéissance et de sa fidélité ne se fit pas attendre: «Les fils d’Israël qui se trouvèrent à Jérusalem célébrèrent la fête des pains sans levain pendant sept jours, avec une grande joie». «Et toute la congrégation résolut de célébrer encore sept jours; et ils célébrèrent les sept jours avec joie» (v. 23). «Et il y eut une grande joie à Jérusalem» (v. 26). Le cœur de tous était rempli à déborder, car une vraie joie a besoin de se communiquer à d’autres. C’est ainsi que le Psalmiste disait dans le Cantique du bien-aimé: «Mon cœur bouillonne d’une bonne parole; je dis ce que j’ai composé au sujet du roi; ma langue est le style d’un écrivain habile» (Ps. 45:2).

Il y a mille sujets de joie pour le racheté; voyez, par exemple, Jean 15:11; 16:24, 22; 17:13, mais on trouve le plus grand de tous dans la contemplation de Christ et de son œuvre, et dans la communion avec lui (1 Jean 1:4; Jean 16:22). Que nous le voyions petit enfant dans une crèche (Luc 2:10); que nous le contemplions comme l’Agneau de Dieu, la Parole faite chair, ou comme l’Époux, associant son Épouse avec lui-même (Jean 3:29); ou ressuscité et prenant place au milieu des saints rassemblés (Jean 20:20); ou montant au ciel (Luc 244, 52); ou, symbole d’une scène future, entrant comme roi à Jérusalem (Luc 19:37); ou près d’être révélé aux siens (1 Pierre 1:8) — toujours la joie déborde dans les cœurs qui sont occupés de Lui. Il est clair que cette joie est rarement sans mélange (je ne veux pas dire qu’elle ne soit pas «accomplie») tant que nous sommes dans ce corps d’infirmité et dans un milieu qui détourne si facilement nos yeux de Lui comme de notre seul objet, et cependant combien elle est grande! Mais, combien aussi sa joie à Lui diffère de la nôtre! Elle se manifeste dans le salut d’êtres perdus, tandis que la nôtre découle de la possession d’un Objet parfait. Sa joie est celle du bon Berger qui a trouvé sa brebis perdue, la joie du Saint Esprit, la même joie que celle du Père se jetant au cou du fils prodigue. Quand Dieu nous présente la joie de cette œuvre d’amour, il ne fait pas mention de notre propre joie; elle est certes trop incomplète et misérable pour être mise en regard de la joie divine! Celle du fils prodigue disparaît devant la joie du Père qui le tient dans ses bras. Il se réjouit d’ouvrir sa maison à son enfant, de le revêtir de la robe du fils premier-né, de le nourrir des mets de sa table, mais pouvons-nous nous représenter la joie future du Père, et du Fils quand il aura tous les siens autour de Lui comme fruit du travail de son âme et qu’il en sera pleinement satisfait? «L’Éternel... se réjouira avec joie à ton sujet: il se reposera dans son amour, il s’égayera en toi avec chant de triomphe!» (Soph. 3:17).

La paix est peut-être plus profonde encore que la joie. C’est la calme jouissance de la présence de Dieu, entre lequel et nous il n’y a plus ni barrière, ni obstacle, ni voile, ni une question quelconque à régler. La paix n’a pas beaucoup de paroles, ni beaucoup de discours. Elle est le «repos dans l’amour», comme dit notre passage de Sophonie, tandis que la joie a besoin de s’épancher, de se communiquer. Cependant la joie, dans sa plus haute expression, n’est pas la manifestation exubérante d’un bonheur qui éclate comme un feu d’artifice bien vite éteint. Quand un nouveau converti a trouvé le salut, on assiste souvent à une joie délicieuse à contempler, mais qui ne dure pas, parce que l’âme, jeune encore, a besoin de faire connaissance d’elle-même. Pour que la joie soit durable, il faut une chose plus grande que d’avoir trouvé le salut; il faut avoir trouvé le Sauveur, une personne qui satisfasse à tous nos besoins, réponde à tous les désirs de notre âme. Telle était la joie que l’apôtre recommandait aux Philippiens, certain qu’elle ne pourrait jamais être ébranlée: «Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur

La joie de Juda et d’Israël leur fit prolonger la fête des pains sans levain, qu’ils célébrèrent, comme nous avons vu, pendant deux fois sept jours. Il n’y a pas de ressort plus puissant pour prolonger une vie de sainteté pratique, que la joie de la présence du Seigneur, et, d’autre part, rien n’entretient cette joie comme une vie sainte, séparée de tout ce que le monde aime et recherche.

Nous trouvons à la fin du chapitre une réponse bénie de l’Éternel à l’intercession sacerdotale. «Les sacrificateurs, les lévites, se levèrent et bénirent le peuple; et leur voix fut écoutée, et leur prière parvint à sa demeure sainte dans les cieux» (v. 27). Au milieu de la ruine, le peuple, en petit nombre sans doute, avait retrouvé l’ordre de la maison de Dieu, mais aussi la jouissance de la présence du Seigneur dans une mesure inconnue jusque-là. Et qui nous dit, mes frères en Christ, que notre obéissance à la Parole et la joie que les bénédictions, promises à la fidélité, nous ont apportée, ne gagneront pas d’autres âmes et ne leur feront pas désirer de se joindre au témoignage du Seigneur?