2 Chroniques

Chapitre 20

Nouvelle guerre

En considérant le règne de Josaphat tel qu’il nous est apparu jusqu’ici, nous le voyons au début caractérisé par des bénédictions spéciales, suite de l’obéissance du roi. Après avoir aboli les idoles et les hauts lieux, il avait éprouvé le besoin d’enseigner le peuple et sa fidélité avait été récompensée par la soumission de toutes les nations voisines. Mais, depuis son infidélité en s’alliant avec Achab pour faire la guerre au roi de Syrie, la colère de Dieu devait l’atteindre, et le prophète Jéhu la lui annonce. Josaphat courbe la tête sous le jugement et montre par ses actes non seulement qu’il en reconnaît la justice, mais qu’il désire substituer au désordre un ordre selon Dieu dans la vie du peuple. La conséquence de son retour à Dieu ne se fait pas attendre. Ce n’est pas la paix, mais la guerre. Nous pouvons être certains de nous y exposer quand nous revenons d’une mauvaise voie, car la repentance qui nous fait retrouver la communion avec Dieu ne peut convenir à Satan, dont le désir est de nous séparer de Lui. Alors que l’état spirituel de Josaphat était prospère, l’ennemi, réduit au silence, était obligé de courber la tête; mais il veillait patiemment, à l’affût du moment où une faute irrémédiable ayant été commise, le roi aurait encouru la colère de l’Éternel et serait perdu. Comme toujours, Satan ne tenait pas compte de la grâce de Dieu qui avait trouvé de bonnes choses en Josaphat et de l’œuvre que cette grâce avait produite dans la conscience du roi; il ne pouvait comprendre que Dieu se servît du jugement inévitable, déchaîné par la guerre, pour affermir son serviteur et briser les pièges de l’ennemi. Il en a été ainsi de tout temps. Aux premiers siècles de l’Église quand, ayant perdu son premier amour, elle était menacée d’un jugement qui ôterait sa lampe de son lieu, elle fut jetée dans la fournaise et subit une tribulation de dix jours. Dieu la permettait pour restaurer son assemblée; Smyrne devint, avec Philadelphie, la seule église où le Seigneur n’eût pas à prononcer de menaces nouvelles. Il en est de même ici: la guerre s’allume, le jugement est déchaîné, la colère a son cours, mais nous assistons à un tout autre spectacle, à ce que la grâce produit en faveur du peuple et de son roi.

Voyons quels éléments composaient l’armée ennemie. D’abord Moab. En nous reportant au chap. 3 du deuxième livre des Rois nous comprenons la cause de sa haine. Josaphat était monté avec Joram, le roi d’Israël, contre lui, et alors même que, de fait, Israël seul semblait avoir combattu, c’était particulièrement à Juda que Moab en voulait. Il en est souvent ainsi; l’alliance avec le monde professant tourne avant tout au désavantage des fidèles. Moab se venge de l’humiliation subie, en attaquant, non pas Israël, mais Juda, relativement si faible. Mais n’oublions pas la raison principale de cette hostilité: Juda représentait le vrai Dieu et c’est lui que visait l’orgueil de Moab exalté par Satan.

Les alliés de Moab sont les fils d’Ammon auxquels David avait fait subir jadis une si humiliante défaite et une portion d’Édom1, cet Édom, devenu pour un moment l’allié de Joram et de Josaphat contre Moab (2 Rois 3:9), et maintenant celui de Moab contre Josaphat.

1 Les Ménunim ou Maonites faisaient partie du territoire d’Édom, c’est-à-dire de la montagne de Séhir (v. 10). Il existe encore aujourd’hui une ville de Maan à l’est du Wady-el-Aarabath dans cette région. En ce temps-là, du reste, Édom n’était plus un royaume compact (1 Rois 22:48).

L’attaque de cette confédération était, comme nous l’avons dit, la conséquence de la faute du roi, reconnue depuis par ses actes, mais dont le jugement de Dieu était le résultat inévitable. Aussi nous est-il dit (v. 3): Josaphat craignit. Mais ce roi pieux ne peut en rester là, quoiqu’il ait mérité le jugement de Dieu. Il fait la seule chose possible: «Il craignit, et tourna sa face pour rechercher l’Éternel». En recherchant l’Éternel, rencontrera-t-il la colère? Aucunement; il rencontre la grâce, sujet capital de toute cette partie du livre. Cependant, tout en recherchant l’Éternel, «il proclama un jeûne par tout Juda» (v. 3); c’est l’humiliation et le brisement d’esprit, reconnaissant la justice du coup qui l’atteint, lui et son peuple, mais comptant sur un Dieu abondant en compassions. Juda s’assembla dans le même esprit, «pour chercher secours de la part de l’Éternel: et on vint aussi de toutes les villes de Juda pour rechercher l’Éternel» (v. 4). L’esprit qui anime le roi s’étend et son exemple est suivi par le peuple. Alors Josaphat peut se présenter pour tous devant Dieu, dans son temple.

Il rappelle à l’Éternel qu’Il est le Dieu de leurs pères, le Dieu des cieux, à la puissance duquel rien ne peut résister, qui domine sur les nations et les avait dépossédées pour donner leurs royaumes à son peuple. Il revient au caractère de Dieu, tel qu’il était au commencement, et Dieu ne pouvait changer; c’était la sécurité d’Israël. Puis il avait reconnu leur père Abraham comme son ami. Eux-mêmes l’avaient reçu au début comme leur Dieu, en lui bâtissant un sanctuaire. Dieu y avait accepté la supplication de Salomon; ayant égard, non pas à Josaphat, mais à l’intercession du roi de ses conseils à laquelle il ne pouvait manquer d’être attentif. Jadis ils avaient épargné Édom, la montagne de Séhir, par obéissance à Dieu, mais Séhir, dans un temps de déclin, profitait de leur bas état pour se venger et leur rendre le mal pour le bien. Dieu le supporterait-il? ne les jugerait-il pas? Sans doute, s’il tenait compte de leur état actuel, c’était eux, Juda, qu’il devait juger; mais estimerait-il pour rien toute sa grâce passée? Jamais! Cependant il leur appartenait à eux, de prendre devant lui la place qui convenait à leur juste abaissement, aussi bien qu’à leur foi. Josaphat ne dit pas comme auparavant (19:11): «Fortifiez-vous et agissez», mais: «Il n’y a point de force en nous devant cette grande multitude qui vient contre nous, et nous ne savons ce que nous devons faire». Il raisonne comme Asa, son père, au temps de sa fidélité (14:11), mais il sait aussi, comme lui, qu’aucune force ne peut résister à l’Éternel. La seule, l’unique ressource est donc: «Nos yeux sont sur toi!» N’est-ce pas la pensée exprimée au Ps. 123? «Voici, comme les yeux des serviteurs regardent à la main de leurs maîtres, comme les yeux de la servante à la main de sa maîtresse, ainsi nos yeux regardent à l’Éternel, notre Dieu, jusqu’à ce qu’il use de grâce envers nous!»

Tout Juda, comme plus tard au temps de Néhémie, assiste à cette scène. «Avec leurs petits enfants, leurs femmes et leurs fils», ils s’associent tous à la supplication de Josaphat. Alors ils reçoivent par Jakhaziel, fils de Zacharie, la merveilleuse réponse de l’Esprit de Dieu: «Soyez attentifs, vous, tout Juda, et vous, habitants de Jérusalem, et toi, Josaphat. Ainsi vous dit l’Éternel: «Ne craignez point, et ne soyez point effrayés à cause de cette grande multitude; car cette guerre n’est pas la vôtre, mais, celle de Dieu. Demain, descendez contre eux: Voici, ils vont monter par la montée de Tsits, et vous les trouverez au bout de la vallée, devant le désert de Jeruel. Ce n’est point à vous de combattre en cette affaire; présentez-vous, et tenez-vous là, et voyez la délivrance de l’Éternel qui est avec vous. Juda et Jérusalem, ne craignez pas et ne soyez pas effrayés; demain, sortez à leur rencontre, et l’Éternel sera avec vous» (v. 15-17).

N’est-il pas remarquable que nous ne trouvions ici aucun reproche, aucune allusion même éloignée à l’infidélité du peuple et de son roi? Tout est grâce. Le péché a été comme englouti par la grâce. Ah! cette parole si rassurante, deux fois répétée: «Ne craignez pas et ne soyez point effrayés», c’est l’Esprit de Jésus. Combien de fois en présence de l’homme pécheur, il répète dans les évangiles: «Ne crains pas». Il veut qu’on ait confiance dans sa puissance et sa bonté. Sa bonté est sa gloire, comme il le dit à Moïse et comme on le voit au Ps. 63. Trois fois il les encourage par ces paroles: «Descendez, présentez-vous, sortez à leur rencontre», et deux fois il leur dit: «L’Éternel sera avec vous!»

Dieu ne demande à son peuple qu’une chose, la foi en Sa parole. Il faut qu’elle se montre avant qu’ils aient reçu ce que cette parole leur promet. Il faut que la foi anticipe la victoire, car elle est la confirmation des choses qu’on ne voit point encore; il faut qu’elle compte entièrement sur Dieu, sans aucune confiance en l’homme; il faut enfin qu’elle comprenne que cette guerre n’est pas la leur, mais celle de l’Éternel, contre Satan qui voudrait anéantir les conseils de Dieu à l’égard de son peuple. Ils n’avaient rien à faire qu’à se tenir là pour voir la délivrance de l’Éternel, exactement la même parole que Moïse avait dite au peuple à sa sortie d’Égypte (Exode 14:13).

Aussitôt que la promesse de la délivrance est donnée, elle est assurée pour la foi sans être encore obtenue. «Il engloutira la mort en victoire», dit le prophète, et l’apôtre ajoute: «Grâces à Dieu qui nous donne la victoire». Alors le roi et le peuple tombent sur leurs faces devant l’Éternel pour l’adorer et les lévites se lèvent pour le louer (v. 18-19).

Après ces actions de grâces anticipées, le peuple sort vers le désert de Thekoa. Josaphat se tient devant le peuple et dit: «Croyez à l’Éternel, votre Dieu, et vous serez affermis; croyez ses prophètes, et vous prospérerez». La seule chose nécessaire, c’est la foi; la foi en Dieu, la foi en sa Parole, représentée par les prophètes. Comme jadis, comme aujourd’hui, comme toujours en un temps de ruine, la Parole est la ressource suprême; c’est à elle que le peuple est toujours renvoyé.

Devant les troupes équipées, la louange retentit pour la seconde fois: «Célébrez l’Éternel, car sa bonté demeure à toujours! «Aucun cantique ne revient plus souvent que celui-là dans l’Ancien Testament. Il est d’habitude la proclamation de la grâce qui seule a pu introduire le règne de gloire, mais ici le chant de triomphe avant que la victoire soit remportée, parce que cette victoire est assurée à la foi.

Ce triomphe est de source entièrement divine: «L’Éternel mit des embûches contre les fils d’Ammon et de Moab et ceux de la montagne de Séhir». L’homme n’est ici pour rien, tandis qu’en d’autres occasions il est appelé à agir et à combattre. C’est que Dieu veut donner à son peuple aujourd’hui, comme au commencement de son histoire, le sentiment de son impuissance et de la puissance qui combat pour lui.

Les ennemis se détruisent les uns les autres et Juda voit d’en haut leur défaite, comme nous, quand nous entrons au Sanctuaire du Dieu fort; seulement, dans notre chapitre, nous assistons à la victoire définitive, tandis que la foi seule la réalise aujourd’hui en attendant que le Dieu de paix brise Satan sous nos pieds.

Le «chant de triomphe» anticipait la victoire (v. 22); elle est arrivée maintenant, et Juda la célèbre dans la vallée de Beraca, qui signifie «bénédiction», image du lieu où Dieu sera loué à toujours pour la victoire remportée en notre faveur. Tout ce tableau est, en figure, l’accomplissement des conseils de Dieu envers son peuple par le jugement de leurs ennemis, après quoi le peuple revient à Jérusalem avec joie, Josaphat à sa tête; tous les instruments de louanges, comme au Ps. 150, célébrant le triomphe de l’Éternel (v. 28). C’est le prélude du repos qui reste pour le peuple de Dieu: «Et le royaume de Josaphat fut tranquille, et son Dieu lui donna du repos tout à l’entour» (v. 30). «Et la frayeur de Dieu fut sur tous les royaumes des pays, quand ils entendirent que l’Éternel combattait contre les ennemis d’Israël» (v. 29).

Dans tous ces détails il est impossible de ne pas reconnaître la peinture anticipée du règne millénaire de Christ et des événements par lesquels il sera introduit. L’abaissement d’Israël, réduit à un faible résidu, son retour à Dieu, l’intervention directe de l’Éternel en sa faveur, la victoire définitive remportée par le Seigneur lui-même sur l’ennemi de la fin, le règne de paix introduit par elle, le roi d’Israël conduisant lui-même son peuple à Jérusalem, les accords incessants de joyeuse louange devant Dieu, le repos définitif du royaume. Le règne de Salomon nous plaçait d’emblée au milieu de la pleine bénédiction millénaire; la fin du règne de Josaphat décrit la manière dont il sera établi.

Remarquons encore que nous trouvons les mêmes expressions au commencement et à la fin du règne de Josaphat: «Et la frayeur de Dieu fut sur tous les royaumes des pays» (17:10; 20:29). Au commencement cette frayeur était le fruit de la fidélité du roi, fruit qui ne put durer; à la fin elle est le fruit de la fidélité de Dieu, quand tout a manqué du côté de l’homme, et ce fruit dure à toujours. Toute cette scène, type de l’accomplissement des conseils de Dieu, ne trouve, pour cette raison même, aucune place dans le livre des Rois.

Au v. 31-37 nous trouvons, en revanche, un court tableau et comme un résumé du règne de Josaphat au point de vue de sa responsabilité, tableau qui sort du cadre habituel des Chroniques. Ce point de vue semble avoir pour but de nous introduire dans les règnes affreux de Joram et d’Achazia, où leur responsabilité seule est en question, sans que la grâce puisse intervenir, sinon pour leur ménager un rejeton. Et ce n’est pas à cause d’eux, mais à cause des promesses faites à David, et en vue du règne futur du Christ. Ce passage revient en arrière pour décrire en quelques mots les faits qui eurent lieu sous le règne d’Achazia, roi d’Israël, et précédèrent la victoire sur Moab, décrite dans notre chapitre. Il correspond à 1 Rois 22:42, 44, 49. Sous le régime de la responsabilité, Josaphat n’abolit pas les hauts lieux (v. 33), tandis qu’au chap. 17:6, où il nous est présenté sous le régime de la grâce qui agit dans son cœur, les hauts lieux sont ôtés. Nous nous sommes déjà expliqués sur cette prétendue contradiction. Un détail est encore ajouté ici; l’état de Juda lui-même ne correspondait pas aux pensées de Dieu: «le peuple n’avait pas encore disposé son cœur à rechercher le Dieu de ses pères» (v. 33).

Enfin notre passage rapporte une alliance commerciale entre Josaphat et Achazia, mais sans le correctif qu’y apporte le premier livre des Rois (22:50). Dans ce dernier passage, nous voyons en effet, qu’après la destruction de sa flotte à Etsion-Guéber, Josaphat, comprenant l’avertissement que Dieu lui donnait, refusa de renouveler l’entreprise avec Achazia. Ici rien de semblable. Seul le jugement de Dieu sur Josaphat lors de la première occasion nous est rapporté. S’il s’agissait, ici, des résultats de la grâce dans le cœur du roi, caractère spécial des Chroniques, le refus de Josaphat d’entrer dans une nouvelle association n’aurait pu être omis. L’intervention du prophète Éliézer, fils de Dodava, omise dans les Rois, confirme ce que nous essayons de faire ressortir, c’est-à-dire que ce court passage parle de la responsabilité seule et sort du caractère habituel du livre. En effet, Éliézer annonce le jugement sans l’atténuation que nous avons observée lors de la prophétie de Jéhu (19:3). Il dit: «Parce que tu t’es lié avec Achazia, l’Éternel a détruit tes œuvres», et les navires furent brisés, et ne purent aller à Tarsis.

En tout cela, Josaphat était, en effet, très coupable. Qu’avait-il besoin de richesses acquises au prix de l’alliance avec le chef d’un peuple dont le jugement était déjà décrété, et à l’égard duquel il connaissait, par sa propre expérience, la pensée de Dieu? L’Éternel ne lui avait-il pas donné abondance de richesses au début si fidèle de sa carrière? (17:5; 18:1). Pourquoi vouloir en puiser à une autre source? Pauvre Josaphat! pauvre aux yeux de Dieu, puisqu’il n’appréciait, ni n’estimait les richesses que Dieu donne et se trouvait assez pauvre lui-même pour vouloir les richesses que Dieu ne donne pas!

Tout cela est profondément instructif pour nous. Si nous avons senti qu’il ne nous est pas possible de nous associer au monde pour combattre l’Ennemi de Dieu„ sommes-nous autorisés davantage à rechercher cette association en vue d’améliorer notre situation temporelle? Nous n’y trouverons certainement pas ce que nous y cherchions. Nous ne pouvons aimer à la fois Dieu et «l’injuste Mammon», car ce serait servir deux maîtres. On ne peut aimer l’un sans haïr l’autre; il nous faut donc choisir et refuser résolument, comme le fit à cette occasion Josaphat dans le livre des Rois, toute offre du monde dans ce but. Nous devons comprendre que, poursuivre le gain avec lui, n’est pas meilleur qu’essayer de combattre le mal à ses côtés. Cet esprit n’est que trop fréquent parmi les enfants de Dieu. S’ils ont quelque intelligence ils ne peuvent penser à faire triompher l’Évangile en combattant contre Satan avec ses propres esclaves, mais peut-être ne considèrent-ils pas du même œil l’association avec le monde en vue de satisfaire leur besoin de richesses. Que Dieu nous garde de ces deux écueils! Et s’il juge bon de donner des richesses à ses serviteurs, qu’elles leur viennent de Lui seul, afin d’être non employées pour eux-mêmes mais administrées au service de leur Maître auquel elles appartiennent!