2 Chroniques

Chapitre 16

Déclin d’Asa

Jusqu’ici, nous l’avons vu, le cœur d’Asa avait été «parfait» dans deux directions. En présence de l’ennemi il avait reconnu n’avoir aucune force et s’était appuyé sur l’Éternel, pour la chercher en Lui. En présence de l’idolâtrie il avait fait preuve d’une vraie énergie pour purifier le pays et rétablir partout le culte de l’Éternel. Sur un seul point, obéissant sans doute à quelque pensée politique, il avait un peu ménagé les villes conquises sur Israël et peut-être aussi les Israélites qui s’étaient joints à Juda: il n’avait pas «ôté d’Israël les hauts lieux». Ces ménagements n’ont jamais pour le chrétien les résultats qu’il en attendait.

Notre chapitre mentionne immédiatement les mesures prises par Baësha contre Juda, la 36ème année du règne d’Asa1. Baësha, privé de plusieurs de ses villes, bâtit Rama pour prévenir dorénavant tout contact, «afin de ne permettre à personne de sortir de chez Asa, roi de Juda, ou d’entrer vers lui» (v. 1). Ne pouvant attaquer Asa sans danger, il veut empêcher dorénavant que ses sujets ne le quittent pour se joindre au témoignage de Dieu, et qu’Asa ne fasse parmi son peuple ce qu’il considère comme une œuvre de propagande dirigée contre lui et son influence. Ce principe se renouvelle en tout temps: ceux qui, comme Baësha, ont encore une profession de vraie religion, quoique mélangée d’erreurs mortelles, ne peuvent supporter près d’eux un témoignage qui attire les âmes. Asa offrait, hélas! par une certaine tolérance du mal une occasion à cette hostilité. Baësha ne pouvait-il pas penser: Asa se dit plus près de Dieu que nous et fait cependant les mêmes choses quand elles favorisent ses vues ambitieuses! Asa a peur de Baësha; depuis qu’il s’est relâché en un point, il ne peut plus estimer le monde comme un système avec lequel il ne peut faire aucun compromis, auquel il ne peut demander aucune aide. Il se rend bien compte de son manque de force, comme lors de l’attaque de l’Éthiopien, mais il n’a plus la même assurance que toute sa force est en Dieu. Le grain de poussière dans les rouages avait fait son œuvre et, quelque insignifiant qu’il fût en apparence, il affaiblissait chez Asa la confiance en l’Éternel seul, comme source de sa force. Il se tourne vers le roi de Syrie; il appelle à son secours une puissance alliée d’Éphraïm et, par conséquent, son ennemie à lui. C’est de la diplomatie et, au point de vue humain sans doute, une bonne politique, comme le maintien des hauts lieux. Cela s’est fait de tout temps; on cherche à rompre une alliance et à mettre de son côté l’un des adversaires. Quand la foi s’est affaiblie, s’appuyer sur l’homme paraît plus facile que de se confier simplement en Celui qui est notre colonne de Boaz. Quelle folie! surtout pour celui qui avait fait une fois l’expérience de cette force miraculeuse!

1 Cette date pourrait être une simple faute de copiste.

L’infidélité d’Asa semble porter tout d’abord des fruits excellents. Ben Hadad accepte, comme tribut, l’argent et l’or tirés de la maison de l’Éternel, rompt son alliance avec Baësha et en profite pour saccager les villes d’Éphraïm et s’emparer des entrepôts de Nephthali. Baësha abandonne les travaux de Rama; Asa et son peuple en emportent les pierres pour en bâtir des forteresses contre Israël. Le roi semble avoir échappé à un grand malheur en suivant ce chemin, mais tout le bénéfice d’une marche de foi est perdu pour lui, et il va en faire la triste expérience. Ah! qu’il était plus heureux quand il se sentait sans force et résistait cependant à l’innombrable armée de Zérakh!

Alors Hanani, le prophète, est envoyé à Asa (v. 7-10). Plus tard Jéhu, fils de ce même Hanani, sera envoyé à Baësha, pour lui annoncer un jugement sans miséricorde (1 Rois 16:1-4). Ici Hanani annonce aussi le jugement mais, menant deuil et plein d’une pitié profonde, il est obligé de reconnaître que le cœur d’Asa n’est plus parfait devant Dieu. Il fallait que le jugement commençât par la maison de Dieu, et par son peuple, car c’est avant tout envers ceux qui le servent, qu’Il se montre un Dieu saint.

L’accusation principale, portée par Hanani, est qu’Asa ne s’est pas appuyé sur l’Éternel: «Parce que tu t’es appuyé sur le roi de Syrie, et que tu ne t’es pas appuyé sur l’Éternel, ton Dieu, à cause de cela, l’armée du roi de Syrie est échappée de ta main. Les Éthiopiens et les Libyens n’étaient-ils pas une armée nombreuse, avec des chars et des cavaliers en très grand nombre? Et quand tu t’appuyais sur l’Éternel, il les livra entre tes mains. Car les yeux de l’Éternel parcourent toute la terre, afin qu’il se montre fort, en faveur de ceux qui sont d’un cœur parfait envers lui» (v. 7-9).

Asa avait agi follement en cela; «désormais», ajoute le prophète, «tu auras des guerres». Il avait perdu sa force; maintenant il perd son repos, les deux grandes bénédictions du début de son règne. Mais au lieu de s’humilier devant la parole de Dieu envoyée par le prophète, Asa s’irrite et emprisonne Hanani. Hélas! Avec lui, il emprisonne sa conscience. Le cœur du roi n’était plus parfait; il l’avait été quant aux idoles, mais pas quant au monde. On ne peut espérer la bénédiction quand, même en maintenant l’un des grands principes de la sainteté chrétienne, on abandonne l’autre. La joie, la paix, la force sont perdues. Et bien plus encore; en cherchant le secours et l’amitié du monde, Asa devient ennemi de la parole de Dieu, dans la personne de celui qui en est le porteur. Il descend plus bas encore: «Asa opprima quelques-uns du peuple», ceux sans doute qui restaient attachés au prophète et déploraient les voies de ce roi, jusqu’alors si fidèle à l’Éternel. Ah! qu’il est vrai que la pente est rapidement descendue, quand le cœur n’est plus parfait devant Dieu!

Mais Dieu n’a pas encore tout dit. Asa, précisément parce qu’il lui est cher, devient personnellement l’objet de sa discipline. La trente-neuvième année de son règne il fut, pendant deux ans, «malade des pieds, jusqu’à ce que son mal fût extrêmement grand». Chose triste à dire, la discipline ne porta pas ses fruits! Ayant perdu la communion avec Dieu, ayant rejeté sa parole, irrité contre le prophète et ceux qui lui sont fidèles, il tombe dans l’endurcissement moral: «Dans sa maladie aussi, il ne rechercha pas l’Éternel, mais les médecins». Ce qui lui était infligé pour rapprocher son cœur de Dieu, lui sert de prétexte pour s’en éloigner encore davantage. Quand il s’agit de son propre salut il donne sa confiance à des instruments terrestres et faillibles. La grâce de Dieu ne parle plus à son cœur; la repentance, ni l’humiliation, ces fruits de la grâce, n’y trouvent plus place. Quelle triste fin, plus commune qu’on ne le pense, pour un croyant, jadis si fidèle!

«On l’enterra dans son sépulcre, qu’il s’était creusé dans la ville de David; et on le coucha dans un lit qu’on remplit d’aromates et d’un mélange d’épices composé selon l’art du parfumeur; et on en brûla pour lui en très grande abondance» (v. 14). Dans sa mort, quoiqu’on y prodigue l’encens, il n’y a rien qui soit en bonne odeur à Dieu. Les aromates servent à couvrir ou à retarder la putréfaction d’un cadavre et l’encens du monde ne peut remplacer la faveur de Dieu. N’en est-il pas souvent ainsi des chrétiens qui ont recherché les faveurs des hommes? Ceux-ci les louent après leur mort en proportion de la confiance qu’ils ont mise en eux et refusée à Dieu. Les panégyriques qui ne se seraient jamais élevés autour du cercueil d’un fidèle, abondent en raison de l’infidélité mêlée de sa carrière. Un pareil encens n’est que le témoignage rendu aux faiblesses du croyant; et si le monde les apprécie, parce qu’elles le disculpent à ses propres yeux, Dieu rejette tout son encens comme une mauvaise odeur devant Lui!