2 Chroniques

Chapitres 8 et 9

Rapports de Salomon avec les nations

Ces deux chapitres décrivent les relations du roi Salomon avec les gentils. Le second chapitre de notre livre avait déjà parlé des Cananéens et de Hiram, roi de Tyr, mais seulement en rapport avec la construction du temple, à l’ouvrage duquel tous étaient appelés à concourir. Le premier fait qui soit relaté est la conquête pacifique, la prise de possession et l’assujettissement de toutes les villes des nations environnantes. Ici nous rencontrons un détail très intéressant pour l’intelligence des Chroniques. Le premier livre des Rois (9:11-14) nous raconte que Salomon donna à Hiram, roi de Tyr, «vingt villes dans le pays de Galilée». Hiram méprisa ce don et appela ces villes «Pays de Cabul» (bon à rien) et nous avons fait remarquer à ce sujet que si, d’une part, le territoire du pays de la promesse n’a jamais eu de valeur pour le monde, d’autre part, Salomon commettait une infidélité positive en aliénant le pays de l’Éternel. Comme toujours dans ce livre, le péché de Salomon est passé sous silence. De telles omissions renouvelées invariablement devraient montrer aux rationalistes la futilité de leurs critiques en présence d’un plan dont ils ne semblent pas se douter. Au lieu de voir Salomon donner des villes à Hiram, nous voyons, au v. 2, ce dernier donnant des villes à Salomon. Un jour arrivera où le monde dont Tyr est le représentant dans la Parole, viendra, avec ses richesses, se reconnaître tributaire de Christ, et offrira ses meilleures villes comme demeure aux fils d’Israël. Salomon les fortifie, les entoure de murailles, les munit de portes et de barres, en un mot les met en état de défense. C’est là aussi qu’il concentre sa force armée, non pas pour l’employer à la guerre, mais, connaissant le cœur insoumis des nations, il prépare cette puissance pour faire régner la paix. Pendant son long règne de 40 ans nous ne voyons Salomon engagé dans aucune guerre de conquête, mais il faut que le poids de son sceptre soit senti pour que les nations se soumettent. La Parole nous dit de Christ: «Tu les briseras avec un sceptre de fer». Sous le règne de mille ans aucune nation n’osera lever la tête devant le Roi, et Lui aura encore bien d’autres moyens de leur faire sentir le poids de son bras (voyez Zach. 14:12-16).

Tout ce qui reste des Cananéens dans le pays d’Israël est aussi asservi à Salomon (v. 7-10), tandis que les fils d’Israël sont gens de guerre et libres, mais afin de servir le Roi.

Le v. 11 nous parle des rapports de Salomon avec la fille du Pharaon: «Et Salomon fit monter la fille du Pharaon, de la ville de David, dans la maison qu’il avait bâtie pour elle; car il dit: Ma femme n’habitera pas dans la maison de David, roi d’Israël, car les lieux où est entrée l’arche de l’Éternel sont saints». Plusieurs ont pensé que l’union de Salomon avec la fille du roi d’Égypte était une infidélité aux prescriptions de la loi. L’oubli du sens typique de la Parole peut conduire à de telles méprises. Dira-t-on que Joseph était infidèle en épousant Asnath, fille de Poti-Phéra, sacrificateur d’On (Gen. 41:50); que Moïse était infidèle en épousant Séphora, fille du sacrificateur de Madian? (Ex. 2:21). De tout temps, dans leurs rapports avec les Cananéens, et bien avant l’entrée d’Israël dans la terre promise, les Pharaons avaient donné leurs filles aux divers rois de ces contrées. C’était, pour le roi d’Égypte, un moyen de se les asservir, car ils payaient un tribut au Pharaon, en échange de l’honneur d’être ses gendres. Mais jamais un roi d’Égypte ne donnait sa propre fille aux rois des nations voisines; il leur cédait les filles de ses concubines qui n’avaient aucun droit au trône d’Égypte et n’étaient pas de sang royal par leurs mères. «La fille du Pharaon» était fille de la reine, de l’épouse légitime, et avait selon la constitution de l’Égypte droit au trône en l’absence d’un fils héritier. Cette fille-là, la fille du Pharaon et non pas «une de ses filles» fut donnée à Salomon. Une union pareille était l’affirmation des droits éventuels de Salomon sur le pays d’Égypte. Elle assujettissait la royauté du Pharaon à celle du roi d’Israël qui pouvait devenir ainsi le dominateur auquel l’Égypte devrait se soumettre; preuve évidente que le plus ancien des royaumes de la terre consentait à subir le joug du grand roi d’Israël. Ce fait a une réelle importance comme un des traits de la domination millénaire de Christ. Un mot ajouté ici ne se trouve pas dans le livre des Rois: «Salomon dit: Ma femme n’habitera pas dans la maison de David, roi d’Israël, car les lieux où est entrée l’arche de l’Éternel sont saints». Une fille des nations, quelque antique et puissant que fût son peuple, ne pouvait habiter là où, même momentanément, l’arche avait demeuré. Malgré l’union du Roi de paix avec les nations, elles ne pouvaient jouir de la même intimité avec lui que le peuple élu. L’arche était le trône de l’Éternel en rapport avec Israël; jamais Dieu n’avait choisi l’Égypte, mais il avait choisi Israël comme héritage, Jérusalem pour être son siège, le temple comme lieu de sa demeure, David et Salomon pour être les Bergers de son peuple.

Ce peuple, aujourd’hui méprisé et rejeté à cause de sa désobéissance, retrouvera un jour, en vertu de l’élection de grâce, une bénédiction terrestre dans le royaume de Christ, et devant la face du Seigneur. Les grandes nations de jadis, l’Égypte et l’Assyrie, y auront largement leur part, mais non celle de la proximité absolue (És. 19:23-25); elles seront appelées le peuple et l’ouvrage des mains de l’Éternel, mais non pas son héritage comme Israël. Sans doute, les oppresseurs acharnés du peuple de Dieu, aux jours d’autrefois, auront une place privilégiée et bénie sous le règne du Christ, mais il conviendra pour la gloire du Roi, jadis bafoué et méprisé par les nations qui opprimèrent son peuple, que ce dernier soit au comble des honneurs, à la vue de ses ennemis de jadis. Et n’en sera-t-il pas de même de l’Église fidèle, quand ceux de la synagogue de Satan viendront se prosterner devant ses pieds et reconnaître que Jésus l’a aimée?

Les v. 12 à 16 mentionnent tout le service religieux et sacerdotal comme placé sous les yeux des nations soumises et ayant pour elles une grande importance. Tout y est réglé selon le commandement de Moïse et l’ordonnance de David. Les sacrifices sont offerts («chaque jour ce qu’il fallait»), mais les holocaustes seuls sont mentionnés selon le dessein de ce livre dont nous avons parlé plus d’une fois. Ce passage manque (v. 13-16) dans le premier livre des Rois.

Aux v. 17-18 nous retrouvons la coopération du roi de Tyr à l’éclat du règne de Salomon. Il ne s’agit plus seulement pour lui de collaborer à l’œuvre du temple, mais de contribuer à l’opulence extérieure de ce règne glorieux où l’or était comme les pierres dans Jérusalem.

Au chap. 9 l’histoire de la reine de Sheba, si pleine d’instruction, et déjà traitée dans le livre des Rois, clôt le récit des relations intimes de Salomon avec les nations. Bornons-nous à y ajouter quelques remarques.

Hiram s’est mis à la disposition de Salomon par affection pour David, le roi de grâce qu’il a connu personnellement; la reine de Sheba est attirée par la sagesse et la renommée du Roi, dont le règne glorieux et pacifique est l’objet de l’admiration universelle. La parole des autres la décide à venir voir de ses propres yeux: Elle «entendit parler de la renommée de Salomon». 1 Rois 10:1 ajoute: «en relation avec le nom de l’Éternel»; mais ici Salomon, «assis sur le trône de l’Éternel» (1 Chron. 29:23), concentre pour ainsi dire en sa personne le caractère divin. Nous trouvons de même au v. 8: «Béni soit l’Éternel, ton Dieu, qui a pris plaisir en toi, pour te placer sur son trône comme roi pour l’Éternel, ton Dieu», tandis qu’en 1 Rois 10:9, le passage correspondant dit simplement: «pour te placer sur le trône d’Israël». C’est donc l’Éternel que Salomon représente dans les Chroniques. On pourrait multiplier ces détails pour montrer que tous concourent à harmoniser dans ses moindres nuances le tableau qui nous est fait ici du règne millénaire de Christ.

La reine de Sheba n’avait pas besoin d’autre chose que de ce qu’elle avait entendu pour accourir à Jérusalem, et cependant elle n’avait pas «cru leurs paroles» jusqu’à ce qu’elle fût venue et que ses yeux eussent vu (v. 6). Ce sera en effet le caractère des croyants, dans ces temps futurs; leur foi naîtra de la vue, tandis qu’aujourd’hui, «bienheureux sont ceux qui n’ont point vu et qui ont cru» (Jean 20:29).

Si la joie de la reine fut profonde devant les splendeurs de ce grand règne, peut-elle être comparée à la nôtre, dans le jour actuel? N’est-il pas dit de nous: «Lequel, quoique vous ne l’ayez pas vu, vous aimez; et, croyant en Lui, quoique maintenant vous ne le voyiez pas, vous vous réjouissez d’une joie ineffable et glorieuse (1 Pierre 1:8).

Tous les détails de ce règne incomparable intéressent la reine de Sheba; elle jouit de tout, voit tout, énumère tout, depuis les vêtements des serviteurs, jusqu’à la rampe merveilleuse construite par Salomon pour relier son palais avec le temple. Tous les trésors affluaient à Jérusalem, centre où le roi attirait les richesses du monde entier, «tous les rois d’Arabie» et les gouverneurs des diverses contrées lui apportaient l’or, les aromates qui jouaient un rôle si considérable dans les cours orientales, les pierres précieuses, le bois rare d’algunim. L’or surtout, cet emblème de la justice divine, arrivait de toutes parts; «le marchepied du trône» (v. 18) en était formé. Les pieds du roi reposaient sur l’or pur quand il siégeait dans son royaume. «La justice et le jugement sont les bases de ton trône», est-il dit au Ps. 89:15 (cf. Ps. 97:2); mais il est aussi ajouté: «la bonté et la vérité marchent devant ta face». C’était sa face que recherchaient tous les rois de la terre, pour entendre la sagesse que Dieu avait mise dans son cœur (v. 23). «Voir la face du roi» était le privilège suprême; quiconque y était admis pouvait se déclarer bienheureux. «Heureux... tes serviteurs, dit la reine, qui se tiennent continuellement devant toi». «Bienheureux», est-il dit encore, «le peuple qui connaît le cri de joie! Ils marchent, ô Éternel, à la lumière de ta face» (Ps. 89:16). Voir la face du roi, c’est être admis dans son intimité. Suprême honneur pour les nations futures, mais, à bien plus forte raison, notre privilège actuel! Ah! combien une telle faveur nous rabaisse! nous sentons notre néant devant cette face glorieuse; nous nous prosternons dans la poussière, devant tant de justice, et de sagesse et de bonté. Mais le voici qui s’adresse à nous: «Bienheureux», dit la reine, «ceux qui entendent ta sagesse». Ce n’est pas la voix des grandes eaux et des forts tonnerres, mais une voix plus douce que la brise parfumée de myrrhe; une voix qui nous pénètre; la voix du Bien-aimé, de Jedidia, la voix de l’amour! Ces sentiments divers se fondent en un seul quand nous recherchons sa face et sommes admis en Sa présence. Et comme cela arriva à la reine de Sheba «il n’y a plus d’esprit en nous». C’est l’émerveillement, l’adoration, devant tant de sagesse, de sainteté, de justice, et de gloire; un amour très humble parce qu’il sent aussitôt qu’il ne peut se mesurer avec cet amour; c’est le cœur tout entier saisi d’extase, qui ne respire que pour s’anéantir dans la contemplation de l’objet aimé. Telles étaient les pensées de la Sulamithe quand elle contemplait le plus parfait parmi les fils des hommes. «Ses yeux voyaient le Roi dans sa beauté» (És. 33:17).

Les v. 27-28, répétition de ce qui nous est dit au chap. 1:15, 17 (cf. 1 Rois 10:27-29), sont la description du règne tel qu’il fut établi dès son début et tel que, dans les Chroniques, il reste jusqu’à la fin. Il a répondu selon le caractère de ce livre à tout ce que Dieu en attendait. On peut voir, d’après le v. 26, que les chars et les chevaux de Salomon n’étaient point une infraction à la loi de Moïse (Deut. 17:16), mais un moyen de maintenir le règne de paix sur toutes les nations: «Il dominait sur tous les rois, depuis le fleuve jusqu’au pays des Philistins et jusqu’à la frontière d’Égypte» (v. 26). Ces limites du royaume de Salomon en Israël correspondent à celles que les conseils de Dieu assignent à son peuple en Josué 1:4; elles n’avaient jamais été atteintes jusqu’alors et ne le furent jamais depuis. Elles ne seront réalisées et bien au-delà, que dans le règne futur de Christ.

Nous avons donc vu dans ces chapitres les Cananéens, Tyr, les rois d’Arabie, tous les rois depuis le fleuve à la frontière d’Égypte, la reine de Sheba, enfin tous les rois de la terre, affluer à la cour du grand Roi. Ainsi se termine l’histoire de Salomon, sans qu’un alliage quelconque ternisse le pur métal de son caractère tel que les Chroniques nous le présentent. Si nous avons fait allusion à son amour, souvenons-nous toutefois qu’il est moins ici la marque de son règne que la sagesse et la paix, mais l’Éternel y est célébré pour sa bonté qui demeure à toujours. Même sa justice n’est présentée dans les Chroniques que dans le gouvernement des nations; le trône y est décrit (9:17-19) puisqu’il s’agit du royaume, mais la maison de la forêt du Liban où le trône se trouve avec son caractère judiciaire, manque ici complètement (cf. 1 Rois 7:2-7). Dans ce qui nous est présenté, tout est parfait, et l’on a lieu d’être étonné que des écrits émanant de personnes pieuses puissent affirmer exactement le contraire. Cela vient sans doute de la confusion que ces personnes établissent entre le livre des Rois et les Chroniques. Comme type, la Parole ne peut aller plus loin, mais souvenons-nous qu’elle ne peut faire un tableau de la perfection en prenant pour exemple le premier Adam sans passer absolument sous silence ses imperfections et ses graves péchés.

C’est à ce point de notre récit qu’il faut remarquer l’omission absolue dans les Chroniques de 1 Rois 9:1-40: le péché sans rémission de Salomon, son amour pour beaucoup de femmes étrangères, l’idolâtrie de sa vieillesse, la colère de Dieu réveillée contre lui, les adversaires qui lui sont suscités, Hadad, l’Édomite et Rizon, fils d’Éliada (1 Rois 11:14-25); le jugement prononcé sur son royaume (1 Rois 11:11), enfin la révolte de Jéroboam. Or de telles omissions font éclater à nos yeux le but et la pensée générale de notre livre.