1 Thessaloniciens

Henri Rossier

Chapitre 1er

Relations dans lesquelles le croyant est introduit

Le chapitre que nous venons de lire contient trois points importants: le moyen, le but, et les résultats pratiques de la conversion; mais, avant d’aborder ces sujets, je désire parler des relations dans lesquelles la conversion nous introduit. Elles sont exprimées en deux mots, dans le premier verset de notre chapitre: «À l’assemblée des Thessaloniciens, en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus Christ».

Ces chrétiens, jeunes encore dans la foi, s’étaient, lors de leur conversion, tournés des idoles et du paganisme vers Dieu; changement d’une immense portée dans leur vie. Jusqu’alors «sans Dieu dans le monde», ils avaient été subitement «amenés à Dieu», par la foi en un Sauveur mort pour leurs péchés. L’évangile du salut qu’ils avaient reçu, devenu pour eux «l’évangile de Dieu», les avait introduits dans cette relation nouvelle avec Lui (2:2, 8, 9); ils avaient reçu la Parole comme la parole de Dieu (2:13). Dès lors, ils connaissaient Dieu (4:3, 5), étaient enseignés de Dieu (4:9), cherchaient à plaire à Dieu et à servir Dieu (4:1; 1:9).

Aussi vous pouvez comprendre que ce soit le premier mot de Paul à ses chers enfants dans la foi: il s’adresse à eux comme étant «l’assemblée des Thessaloniciens en Dieu...», seulement il ajoute: «En Dieu le Père». Telle était, en effet, leur relation avec le Dieu qui s’était fait connaître à eux en Christ. Le nom de Père était le premier que leurs lèvres avaient balbutié, quand, amenés à Lui par l’œuvre du Sauveur, ils avaient trouvé dans «le Dieu vivant et vrai», Celui dont l’amour les avait engendrés pour être ses enfants.

Le premier mot du petit enfant est: papa, maman; d’instinct son cœur enfantin comprend la relation entre lui et ses parents, par l’amour dont ceux-ci l’entourent. C’est ainsi que les petits enfants dans la foi connaissent le Père; ils se sentent aimés d’un amour qui a fourni ses preuves et ne peut être égalé par aucun autre. C’est une chose délicieuse de connaître le Père, mais, toute élémentaire que soit cette relation, nulle autre n’est plus profonde, ni plus sublime. Le Seigneur Jésus, comme homme, n’en avait pas de plus élevée que celle-là, ni de plus intime, et c’est pour nous en révéler la valeur éternelle que Lui, le Fils unique dans le sein du Père, est venu dans ce monde. Eh bien! les petits enfants dans la foi ont un tel privilège, mais hâtons-nous de dire qu’ils ne sont pas seuls à en jouir. Si leur relation est exactement la même que celle de nous autres, vieux chrétiens qui touchons au bout de notre carrière, nous avons un avantage sur eux: Nous avons fait l’épreuve du cœur de notre Père pendant les mille circonstances, les nombreuses péripéties, les hauts et les bas d’une longue vie chrétienne, où sa sollicitude et sa discipline paternelles ne nous ont jamais fait défaut, et nous pouvons encourager ces jeunes chrétiens, en leur montrant qu’il en sera de même pour eux.

La conversion avait introduit les Thessaloniciens dans une seconde relation, infiniment précieuse. L’apôtre ajoute: «Et dans le Seigneur Jésus Christ». Remarquez bien ce mot. Paul ne dit pas: «dans le Sauveur», comme on aurait pu s’y attendre, quand il s’agissait de petits enfants nouveau-nés, ayant trouvé en Christ le pardon de leurs péchés et auxquels l’Évangile avait fait connaître que Jésus était descendu en grâce dans ce monde pour les sauver. Mais ce n’était pas tout le christianisme des Thessaloniciens: ils professaient être en relation avec Celui qui les avait sauvés à si grand prix, pour qu’ils pussent lui appartenir entièrement, l’esprit, l’âme et le corps; ils lui reconnaissaient un droit, une autorité absolue sur eux. Jésus Christ était devenu leur Seigneur.

J’insiste sur ce mot parce que beaucoup de jeunes chrétiens seraient disposés à l’oublier. Ils reçoivent avec joie l’œuvre de la grâce accomplie à leur égard par le Sauveur, et ne comprennent pas que cette œuvre les amène dans une nouvelle et bienheureuse servitude, et, si j’ose m’exprimer ainsi, dans le libre esclavage du Seigneur Jésus Christ. Il faut que nous comprenions que nous n’avons plus aucune liberté de faire notre volonté, comme avant notre conversion. Celui qui a accompli notre délivrance au prix de sa propre vie, n’aurait-il pas sur nous les droits les plus absolus? Jeunes ou vieux, nous sommes placés par la rédemption sous une autorité qui ne nous permet plus de vivre pour nous-mêmes; nous n’avons plus le droit de nous conduire selon nos propres pensées, mais la volonté de Christ doit être notre seule règle de conduite. Cela me rappelle les paroles du centurion au chapitre 8 de l’évangile de Matthieu. Cet homme avait confiance dans l’autorité absolue du Seigneur pour guérir par une parole son serviteur malade. Or lui-même savait ce qu’était l’autorité de l’homme: Quelle devait être celle de Christ, si lui, indigne et placé sous celle d’autrui, l’exerçait lui-même sans contrôle et imposait à d’autres une obéissance absolue? «Moi aussi, dit-il, je suis un homme placé sous l’autorité d’autrui, ayant sous moi des soldats, et je dis à l’un: Va, et il va; et à un autre: Viens, et il vient; et à mon esclave: Fais cela, et il le fait». Prenant comme exemple son autorité relative, à lui, il fait appel à l’autorité sans limite du Seigneur, certain que rien ne doit Lui résister. Celui qui a autorité absolue sur toutes choses, n’a-t-il pas avant tout des droits sur nous? Nous sommes sa propriété, et quand il nous dit: Va, oserions-nous ne pas obéir? Cette parole qu’il vous adressait, l’avez-vous peut-être entendue aujourd’hui sans y prendre garde? Il voulait vous envoyer vers telle de vos relations pour lui parler de l’Évangile, vers tel malade pour l’encourager, vers tel affligé pour le consoler; il voulait peut-être vous expédier dans telle ville pour y annoncer la bonne nouvelle du salut... Que sais-je? mais Lui le savait et vous avait dit: Va. Le simple soldat du centurion allait à la parole de son chef sans discuter son ordre; il ne se permettait ni objection, ni retard; il allait. Le centurion savait ce qu’il voulait accomplir et le soldat s’y conformait parce qu’il reconnaissait l’autorité de son chef; il ne pouvait pas répondre: Je préfère me rendre ici; j’ai choisi d’aller là, sans déranger tous les plans de son capitaine. Vous dites: Comment saurai-je qu’il m’envoie? Si vous ne le savez pas, c’est qu’il ne vous a pas parlé; attendez alors, prêt à obéir quand le commandement viendra. Il ne vous faut qu’une oreille attentive. Mais peut-être êtes-vous atteint de surdité? Triste, fâcheuse, humiliante infirmité! Combien je vous plains, car un esclave sourd ne peut répondre à l’appel de son maître. — Il pourrait arriver qu’ayant obéi vous soyez allé, mais que vous ne voyiez aucun résultat de votre obéissance. Au lieu de trouver un accueil empressé, vous avez rencontré telle âme indifférente qui exerce votre patience, telle âme hostile qui vous repousse. Ne vous découragez pas: Si le Seigneur vous a dit: Va, soyez certain qu’il a un but que vous ignorez. N’allez pas avec la pensée d’obtenir des résultats immédiats ou de faire de grandes choses. Allez, parce qu’il vous l’a dit. Il peut vous arriver, jour après jour, d’être envoyé pour porter le même message à la même personne, sans qu’elle vous ait jamais donné une réponse satisfaisante. Je visitais hier une dame chez laquelle le Seigneur m’envoie depuis des années. Bien des fois ma patience était à bout devant une indifférence que rien ne pouvait émouvoir. Je disais: À quoi bon? oubliant que mon affaire n’était pas d’obtenir des résultats, mais d’obéir. Hier, elle me dit tout à coup: Oh! Monsieur, que je suis malheureuse! Je voudrais faire le bien, et je ne fais que du mal! En un instant toute la question de l’affranchissement se posait pour la première fois devant cette âme. Le chap. 8 de l’épître aux Romains fournit la réponse. L’heure de la délivrance avait sonné. Ah! s’écria-t-elle, je comprends aujourd’hui ce que je n’ai jamais compris dans ma vie! Mais, quant à moi, j’ai compris que si, lorsqu’il me disait: Va, j’étais allé autre part, j’aurais entravé les desseins de grâce de mon Maître.

Le centurion dit aussi: «À un autre, je dis: Viens, et il vient». Il est des moments dans la vie — ne les négligeons pas, car ils sont d’entre les plus délicieux et les meilleurs — où le Seigneur nous dit: Viens; j’ai quelque chose à te communiquer; écoute. Lui répondrez-vous: Adresse-toi à d’autres; je ne comprendrais pas ta parole; je préfère à la méditation l’activité de la vie pratique? Non! il pourvoira, par son Esprit, à ce que je la comprenne. Ne dirai-je pas plutôt, comme Samuel, jeune enfant ignorant: «Parle, Seigneur, ton serviteur écoute»? Ou ne viendrai-je pas m’asseoir à ses pieds, comme Marie, faible femme sans grande intelligence, non parce que j’ai la capacité de le comprendre, mais parce qu’il a dit: Viens, et que mon seul devoir est de lui obéir. Quand j’aurai reçu cette parole au-dedans de moi et en aurai joui, je n’aurai plus aucune difficulté à en parler, et, pour la porter à d’autres, j’irai joyeux où il m’envoie.

Cependant il ne faut pas remplacer ces appels l’un par l’autre. Quelque précieuse que soit la lecture de la Parole, elle peut dégénérer en une étude aride et stérile dont on ne tire aucun profit ni pour soi, ni pour personne. Dans ce cas, je suis venu quand il me disait: Va, au lieu de faire comme Jérémie qui mangeait les paroles de l’Éternel quand elles s’étaient trouvées (Jér. 15:16).

Le centurion ajoute: «Je dis à mon esclave: Fais cela, et il le fait». Il parle ici des œuvres; de même le Seigneur a préparé de bonnes œuvres, afin que nous marchions en elles. Avons-nous le droit de les choisir à notre convenance, de faire autre chose que ce que le Seigneur nous dit de faire? Ce serait pure désobéissance. Soyez certains que toutes les «œuvres mortes» des hommes, et les œuvres inutiles de tant de chrétiens, n’ont pas d’autre source que l’insoumission à l’autorité du Seigneur Jésus Christ.

Le bon état des saints de Thessalonique dépendait donc, non seulement de leur intimité filiale avec Dieu le Père, mais aussi de leur obéissance au Seigneur Jésus Christ. Dès qu’ils eurent réalisé les deux relations dont nous venons de parler, leur vie chrétienne prit un développement si admirable que l’apôtre rendait grâces à Dieu pour eux tous. La connaissance de Dieu le Père et du Seigneur Jésus Christ dirigeait, pour ainsi dire, toute leur existence et leur vie ne souffrait pas de mélange avec le monde, ni ne se contentait d’une profession extérieure. N’oublions pas que notre activité chrétienne peut souvent n’être qu’une habitude qui trompe les autres et nous-mêmes sur sa valeur morale. En écrivant à l’assemblée d’Éphèse dans l’Apocalypse, l’apôtre Jean fait mention de ses œuvres, de son travail et de sa patience. Toutes ces choses existaient, mais par habitude et sans liaison avec leur source. Je compare souvent cet état au cerceau que les enfants font mouvoir avec une baguette. Quand cette dernière cesse de frapper le cerceau, il continue à rouler un certain bout de chemin par l’habitude qui suit une impulsion donnée, mais, après quelque temps, il chancelle et tombe. Ainsi la foi, l’amour et l’espérance sont l’impulsion de l’activité chrétienne, mais cette impulsion elle-même a son origine dans notre relation avec Dieu le Père et avec le Seigneur Jésus Christ. La connaissance de ces personnes divines remplissait le cœur des Thessaloniciens de foi, d’espérance et d’amour, établissant une liaison constante entre leurs relations et leur témoignage.

Appliquons-nous à connaître ces bénédictions si simples, si faciles à réaliser. Il suffit pour cela que nos cœurs aient trouvé leur objet dans Celui auquel nous appartenons si entièrement que nous n’avons plus aucun droit quelconque de faire notre volonté dans ce monde.

 

Le moyen de la conversion

Je désire vous entretenir aujourd’hui de la Parole comme étant le moyen de la conversion des Thessaloniciens. Ce chapitre 1 ne nous montre pas toute l’importance de la Parole, car son domaine s’étend bien au delà du champ de l’évangélisation et n’a, de fait, pas de limites, mais nous voyons ici son importance capitale pour la conversion des âmes. En effet, aucune conversion n’a lieu par un autre moyen; sans la Parole, la conscience n’est pas atteinte, la vie et le salut sont lettre morte pour le pécheur. Cette vérité ressort d’une manière remarquable dans notre chapitre, mais vous trouvez au chap. 2:13, pourquoi la Parole avait tant d’importance aux yeux des Thessaloniciens: Ils l’avaient reçue, de la manière la plus absolue, comme inspirée de Dieu. Elle n’était pas pour eux une parole d’homme, pas même la parole d’un apôtre excellent et digne de foi, dans lequel ils avaient la plus grande confiance. La théologie de nos jours répand partout cette fatale erreur au sujet de l’inspiration. Demandons-nous si l’apôtre Paul l’envisageait de même. Il dit: «Ayant reçu de nous la parole de la prédication qui est de Dieu, vous avez accepté, non la parole des hommes, mais (ainsi qu’elle l’est véritablement) la parole de Dieu». Voilà ce qu’était pour eux la parole sortie de la bouche de l’apôtre; elle était véritablement la parole de Dieu. Paul, son histoire le montre, n’était pas toujours inspiré, mais il l’était pour présenter la Parole aux Gentils. S’agissait-il, à Thessalonique, des Juifs, il discourait avec eux d’après les Écritures, et les Juifs de Bérée examinaient les Écritures pour contrôler par elles la parole de Paul. Il se servait de la parole inspirée de l’Ancien Testament pour les convaincre, mais il n’en était pas absolument de même de son ministère parmi les Gentils de Thessalonique. Ils pouvaient, sans doute, trouver dans les Écritures la preuve que Jésus était le Christ, mais la parole inspirée de l’apôtre réclamait aussi leur foi, car elle complétait les Écritures en leur donnant une espérance que l’Ancien Testament ne contenait pas. Aujourd’hui la Parole est complète; il n’est plus besoin de l’inspiration pour la communiquer, quoiqu’elle soit toujours transmise par le Saint Esprit et reçue par le Saint Esprit, mais, possédant aujourd’hui les Écritures dans toute leur plénitude divine, nous n’avons pas d’autre autorité à laquelle il nous faille nous soumettre, tandis que les Thessaloniciens avaient reçu directement la parole inspirée de l’apôtre comme étant véritablement la parole de Dieu.

L’évangélisation ne leur avait pas apporté des impressions ou des émotions comme cela se rencontre beaucoup de nos jours. Soyez certains que si vous recevez l’Évangile de cette manière, l’effet s’en effacera bientôt. La parabole du semeur nous instruit sur ce point. Il faut que la Parole pénètre dans le cœur et la conscience avec le caractère du Dieu vivant dont elle émane, qu’elle soit reçue comme une Parole qui apporte à l’âme la vie éternelle. Il suffit pour cela de la recevoir comme ce qu’elle est véritablement, la parole de Dieu. Les frères qui annoncent l’Évangile ont tous fait cette expérience. Une seule parole des Saintes Écritures, qui ne sont pas autre chose, notez-le bien, — car les rationalistes de nos jours vous affirment le contraire — que la parole de Dieu, apporte la vie à l’âme qui la reçoit. Nulle parole au monde, ne peut avoir une analogie quelconque avec elle; aucune parole humaine, quelque éloquente qu’elle soit, ne sera jamais une parole vivante, produisant la vie, une vie qui naît, qui est engendrée par elle dans l’âme.

Si nous demandons comment la Parole doit être présentée pour produire ce résultat, l’apôtre nous répond: «Notre évangile n’est pas venu à vous en paroles seulement, mais aussi en puissance, et dans l’Esprit Saint» (1:5). La Parole ne peut être appliquée aux besoins des âmes que par lui. L’Esprit est l’archer qui de sa flèche perce de part en part la conscience, seul organe par lequel un pécheur puisse être atteint. L’apôtre ne se servait pas d’un autre moyen. Il ne faisait appel ni aux émotions, ni à l’intelligence, ni à la raison, ni à la sagesse humaines, car elles n’avaient aucune valeur à ses yeux; il présentait la parole de Dieu par l’Esprit Saint, avec une plénitude d’assurance. Nous avons tous fait cette expérience au moment où nous avons reçu l’évangile. La parole de Dieu est venue à nous avec une autorité sans réplique. Quand le Seigneur, la Parole faite chair, enseignait les hommes, il ne le faisait pas comme les docteurs de la loi et les Pharisiens, mais avec autorité. L’apôtre parlait avec la même autorité, seulement elle n’était pas inhérente à sa personne, mais à celle du Saint Esprit qui, par la bouche de Paul, apportait la Parole aux âmes. De plus, Paul présentait, comme des réalités, les choses qu’il connaissait pour lui-même, et qui faisaient sa joie, sa force et son bonheur. Il les avait vues avec les yeux de la foi, aussi avait-il, pour en parler, une «grande plénitude d’assurance». Les Thessaloniciens avaient reçu la Parole de la même manière (v. 6). Par le Saint Esprit, elle avait développé sa puissance dans la prédication; eux l’avaient reçue par le Saint Esprit, et elle avait produit dans leurs âmes ce qu’elle produit chez tous ceux qui la reçoivent: la joie de l’Esprit Saint.

Connaissons-nous cette joie? Quand nous nous sommes trouvés, lors de notre conversion, en contact avec les Écritures, je pense que tous, sans exception, nous en avons éprouvé de la joie. Mais, cette première période passée, est-ce que notre cœur s’épanouit chaque fois qu’il se trouve en contact avec les Écritures, et découvre-t-il, par le Saint Esprit, quelque nouveau trésor dans ces richesses inépuisables?

Une grande cause d’humiliation pour nous, chrétiens, est que, nous étant laissés entraîner, souvent d’une manière insensible, du côté du monde, la Parole a perdu de sa saveur pour nos âmes. On se réveille parfois, on se dit: Où suis-je? alors que, ne s’en doutant pas, l’on n’était plus dans le même milieu qu’auparavant. Nos cœurs, s’étant laissé gagner par le monde, la Parole avait été négligée. Nous ne pouvons assez répéter à ceux qui sont jeunes dans la foi: Nourrissez-vous de la parole de Dieu; qu’elle remplisse vos moments de loisir. À quoi occupez-vous ces moments-là? Est-ce à lire la Parole? Goûtez-vous, chers jeunes frères et sœurs, le sel de la parole de Dieu? Quant à moi, j’ai fait, hélas! de nombreuses expériences au cours d’une longue vie chrétienne et je puis dire ce que c’est d’être attiré par les «choses qui sont dans le monde»; car il n’est pas dit seulement: «N’aimez pas le monde»; — il pourrait nous arriver à tous de ne pas l’aimer — mais: «N’aimez pas les choses qui sont dans le monde». C’est là peut-être notre plus grand danger. À ne parler que des lectures, du moment qu’elles sont sans une relation directe ou indirecte avec la connaissance de la Parole, elles nous font perdre le sel de cette dernière; nous la trouvons insipide, et n’y découvrons plus rien; notre trésor ne s’accroît plus d’aucune des choses qui remplissaient notre cœur de joie. Alors, au cas où notre conscience ne serait pas déjà endurcie, elle se réveille; nous nous humilions devant Dieu, confessant nos péchés, puis nous revenons à la Parole en abandonnant les lectures qui nous avaient attirés. Tout à coup les Écritures ont retrouvé leur sel, car elles ne l’avaient perdu que pour nous. Même son amertume nous devient chère et a, dans notre bouche, le goût du miel.

Il faut donc, pour que les Écritures aient une saveur réelle, que nous soyons séparés des choses qui sont dans le monde; mais, en outre, il est nécessaire que nous vivions, par la prière, dans une humble dépendance de Celui qui seul peut nous enseigner. L’étude de la Parole est bonne, mais l’étude seule n’en découvrira jamais les trésors. Avec la prière, il faut, pour l’aborder, l’enseignement du Saint Esprit. Lui seul sonde toutes choses, même les choses profondes de Dieu. Par lui, la bénédiction abonde. Combien elle serait plus sensible, combien de richesses nouvelles viendraient s’ajouter aux anciennes, si tous nos cœurs abordaient la divine Parole de cette manière! Soyez persuadés que, si vous en étiez nourris, il serait impossible que de l’abondance de votre cœur, votre bouche ne parlât pas. Dieu veuille qu’il en soit ainsi! Ne nous contentons pas même de l’étude de la Parole; ayons faim d’elle, comme le prophète Jérémie. Apprenons à l’apprécier comme les Thessaloniciens. Elle leur avait apporté la connaissance de Dieu, celle de l’amour du Père, celle de Jésus Christ, l’espérance de sa venue et l’assurance d’une pleine délivrance pour l’avenir; aussi l’avaient-ils reçue avec la joie de l’Esprit Saint.

 

Le but de la conversion

Après avoir parlé, l’autre jour, du moyen de la conversion, nous trouvons encore, dans ce chapitre premier, son but et ses fruits. Il est très important que nous sachions pourquoi Dieu nous a convertis, quel était son but en agissant dans nos cœurs par sa Parole, et c’est ce dont je voudrais vous entretenir ce soir. Ce but était-il seulement de nous sauver? Les versets de notre chapitre, qui nous en parlent d’une manière si sérieuse et si intéressante, ne nous disent rien de semblable. En voyant combien ces premiers chrétiens avaient répondu au but de Dieu, nous sommes obligés de nous poser cette question: Y réponds-tu toi-même? Rien ne nous juge davantage. Dieu place les Thessaloniciens devant nous comme des modèles de personnes qui répondaient au but de leur conversion. Les apôtres, dépositaires de dons particuliers du Seigneur, n’étaient pas seuls des modèles; ces simples enfants de Dieu, plus ignorants que nous sur une quantité de points, mais qui avaient reçu avec joie la Parole présentée à leurs consciences par l’Esprit Saint, étaient devenus des témoins de Dieu et du Seigneur Jésus dans ce monde. L’apôtre leur dit: «Vous êtes devenus nos imitateurs et ceux du Seigneur... de sorte que vous êtes devenus des modèles pour tous ceux qui croient» (v. 6, 7). Les croyants pouvaient se diriger d’après le témoignage des Thessaloniciens, mais, de plus, le monde lui-même avait été le spectateur de ce témoignage: «En tous lieux, votre foi envers Dieu s’est répandue, de sorte que nous n’avons pas besoin d’en rien dire» (v. 8). Pourquoi ces simples chrétiens, qui venaient de naître à la foi, étaient-ils devenus des modèles? Parce qu’ils étaient les imitateurs de l’apôtre et ceux du Seigneur. Ils avaient eu devant les yeux le témoignage si remarquable de Paul, venu dans la plénitude de l’Esprit Saint, pour les mettre en rapport avec le Seigneur Jésus par la Parole; ils avaient appris par lui à Le connaître et étaient devenus, par son témoignage, des imitateurs, une copie de Jésus Christ. Quand la Parole nous a révélé cette personne et que nous l’avons reçue et vue par la foi, nous avons besoin de la suivre et de marcher dans ce monde de manière à la faire connaître. La conversion nous sort toujours du monde pour nous amener dans le chemin de Christ. Qu’est-ce donc qu’un chrétien qui ne rend pas témoignage à Christ et ne marche pas à sa suite? Les hommes peuvent-ils distinguer qu’il est un chrétien, s’il marche comme eux?

Mais, direz-vous, quel est donc le but de la conversion et en quoi consiste ce témoignage? En deux choses que vous trouvez aux versets 9 et 10. Les Thessaloniciens s’étaient tournés des idoles vers Dieu et c’est en cela que consiste la conversion. Ils avaient tourné le dos à ce qu’ils adoraient auparavant et porté leurs regards vers Dieu. Mais le premier but de leur conversion était de servir le Dieu vivant et vrai. C’est là ce qui, de prime abord, paraissait aux yeux des hommes et constituait le témoignage de ces chrétiens. Naturellement, les Thessaloniciens avaient trouvé pour eux-mêmes, par la conversion, un objet infiniment plus béni que leur service; ils avaient trouvé le Père. Telle était, comme nous l’avons vu l’autre jour, la relation dans laquelle la conversion les avait introduits, mais le monde n’en savait rien. Il savait seulement qu’ils avaient abandonné leurs dieux pour servir un Dieu que ces païens ne connaissaient pas, le Dieu vivant et vrai. Les idoles étaient devenues pour eux des dieux morts, des dieux de mensonge, et leurs compatriotes idolâtres pouvaient dire d’eux: Ils prétendent connaître un Dieu vivant, un Dieu qui, pour eux, est le vrai Dieu.

Mais qu’est-ce donc que ce Dieu de vérité? Placés devant Lui nous apprenons d’abord à connaître la vérité sur notre état. Le pécheur commence toujours par là; il apprend qu’il est un pauvre être souillé et perdu et qu’il a besoin d’un Sauveur; il comprend que le Dieu saint a en horreur le mal et ne peut le supporter. Mais ce Dieu qui lui révèle la vérité de sa condition désespérée, lui révèle aussi la vérité de Son propre caractère: Il est le Dieu d’amour qui, en donnant son Fils, a fait tout ce qui était nécessaire pour amener un pécheur à Lui.

Or ce Dieu vrai est aussi un Dieu vivant, ayant la vie en Lui-même et voulant la communiquer: «Il nous donne la vie éternelle».

Si l’on a appris à le connaître ainsi, l’on comprend qu’il faut servir un tel Dieu et répondre au but qu’il s’est proposé en nous rachetant. Jusqu’alors les Thessaloniciens avaient servi les idoles, images de leurs propres mauvaises passions, l’une représentant l’argent, l’autre le vol, l’autre la corruption de la chair, etc. Ainsi, en adorant leurs idoles, ils rendaient culte à tout le mal qui était dans leur propre cœur et servaient, avec leurs passions, Satan qui les avait allumées. Du moment que, tournant le dos aux idoles, ils étaient sortis de cet esclavage, ils avaient trouvé un Dieu qui méritait d’être servi sans réserve.

Tout est pratique dans la vie chrétienne. Les dogmes sont une chose précieuse, mais seulement en tant qu’ils ont une valeur pratique; au cas contraire ils seraient sans valeur. À quoi bon connaître Dieu comme le Dieu vivant et vrai, si je ne le sers pas? Les démons le connaissent aussi comme tel, et l’homme peut savoir que Dieu est vivant et vrai tout en étant un réprouvé. En se révélant ainsi à ceux qu’il sauve, Dieu veut être servi par eux.

Il a encore un second but en nous convertissant, c’est que nous attendions «des cieux son Fils, qu’il a ressuscité d’entre les morts». Ce chapitre ne nous donne pas les détails de la vérité quant à la venue du Seigneur Jésus. Si les Thessaloniciens savaient bien des choses, comme on le voit dans cette épître, il y en avait un grand nombre aussi qu’ils ignoraient, et cette ignorance portait précisément sur les circonstances de la venue de Christ. Ils ne savaient pas comment il viendrait, quel rapport le sort de leurs frères endormis et leur résurrection auraient avec Sa venue, quels événements l’accompagneraient; toutes ces choses ne leur furent révélées que dans le cours de cette épître; mais un fait était certain pour eux: Le Seigneur allait venir; ils l’attendaient et répondaient ainsi au but de Dieu quand il les avait convertis. Cette attente avait produit dans leur vie des résultats tout à fait remarquables: elle les avait détachés de tous les liens qui auraient pu les retenir ici-bas. Ils attendaient à chaque instant le Seigneur. Comment il viendrait, ils n’en savaient rien encore, mais leur cœur était attaché au Sauveur qu’ils avaient appris à aimer et ils se réjouissaient de le voir. C’était là leur espérance et ils n’en avaient pas d’autre.

Je suis très occupé ces jours de cette pensée et j’espère que nous le sommes tous: Le Seigneur vient! On découvre aujourd’hui dans le monde des symptômes précurseurs de cette venue. C’est comme un vent frais qui souffle, non pas dans la chrétienté, mais parmi les croyants qu’il réveille, ranime et rafraîchit: Le Seigneur vient!

Les signes précurseurs des temps annoncés par la prophétie s’accentuent de plus en plus et nous font penser que cette venue, qui nous délivre de la colère à venir, ne peut tarder. Mais le signe le plus frappant peut-être des temps de la fin est que cette vérité, si combattue quand Dieu nous l’avait confiée comme faisant partie de Son témoignage, devient tout à coup, depuis le début de la bataille des peuples, comme un cri de ralliement parmi les chrétiens. On écrit, on publie des volumes au sujet de la venue actuelle du Seigneur. Elle est présentée sans altération, dans son exactitude scripturaire, sans les mille réticences par lesquelles Satan avait, depuis tant d’années, cherché à l’annuler. Cela donne beaucoup à réfléchir. Il faut, quand le Seigneur viendra du ciel, qu’il trouve sur la terre un peuple réuni pour l’attendre. Le désir de réunir les enfants de Dieu, sur la base de la grande vérité de l’Unité du corps de Christ, n’a été qu’une misérable défaite, et les brebis du Seigneur, faisant partie de l’Église, sont plus dispersées aujourd’hui que lorsqu’Il venait ici-bas rassembler les brebis errantes d’Israël. L’espoir de réunir de nouveau les enfants de Dieu sur ce terrain-là s’est trouvé illusoire, sans, du reste, que cette faillite ne change rien à la précieuse vérité qui fait partie du témoignage chrétien pour le temps actuel. Mais il reste encore une ressource et nous ne doutons pas qu’elle ne devienne efficace. Ce cri: Le Seigneur vient! peut réunir et réunira, ne fût-ce que pour une semaine, un jour, une heure même, les chers enfants de Dieu. Ils seront sortis du monde, sortis de leurs sectes coupables et stériles, de leurs mille partis misérables qui ont déshonoré le Seigneur et son Assemblée, pour répondre au cri de minuit; ils rallumeront leurs lampes pour escorter l’Époux. Oui, l’Époux vient, sortons à sa rencontre! N’oublions pas que le second but de Dieu en nous convertissant est que nous attendions des cieux son Fils, qu’il a ressuscité d’entre les morts!

L’apôtre ajoute: «Qui nous délivre de la colère qui vient». Il ne dit pas: «Qui nous délivrera». Jésus, que nous attendons, vient dans le caractère de Libérateur. Son attente, pour nos âmes, n’est que parfaite joie et éternelle délivrance. Dans ce moment même où nous l’attendons des cieux, nous savons, avec une certitude absolue, que la colère à venir ne pourra jamais nous atteindre.

Tel était le but de Dieu dans la conversion des Thessaloniciens. Nous verrons qu’ayant répondu à ce but, leur activité chrétienne s’était développée en fruits magnifiques et que rien ne manquait à leur vie pratique. Les fruits de la conversion seront donc le sujet de notre prochain entretien.

 

Les fruits de la conversion: l’œuvre de foi

Au début de ce chapitre premier, l’apôtre rend grâces pour les fruits que la conversion des Thessaloniciens avait produits. Il ne rend pas grâces, comme dans la seconde épître (2:13) de ce que Dieu les avait choisis «pour le salut, dans la sainteté de l’Esprit et la foi de la vérité»; une telle œuvre dépendait entièrement de la grâce de Dieu et la responsabilité chrétienne n’y entrait pour rien. Alors que, dans la seconde épître, un certain déclin commençait à se montrer au milieu d’eux, l’apôtre pouvait néanmoins toujours rendre grâces à Dieu pour l’œuvre merveilleuse qu’il avait accomplie à leur égard et dont la valeur ne pouvait être affaiblie par l’infidélité de l’homme.

C’est donc pour l’état pratique des Thessaloniciens que l’apôtre rend ici grâces à Dieu. Il semblerait logique que l’apôtre eût changé l’ordre de ce chapitre et eût commencé par le moyen et le but de la conversion pour n’en décrire les fruits qu’en dernier lieu, mais cette interversion nous aurait privés d’un grand enseignement. Si l’homme, en général, ne se soucie pas de porter du fruit pour Dieu, si le chrétien se contente facilement de ne porter qu’un fruit incomplet, sans saveur et sans maturité, Dieu nous fait savoir que c’est précisément aux fruits que Lui regarde, et que sa conduite envers nous dépend de la manière dont notre vie pratique répond à la grâce qu’il nous a faite. Comme un bon jardinier, son premier but est d’obtenir, des sarments qu’il a greffés sur le cep, une récolte. Il les émonde si leur produit est insuffisant, mais il ôte et brûle tout sarment qui ne porte pas de fruit (Jean 15:1, 2, 6). De même le figuier stérile ne doit pas occuper inutilement la terre: si tous les soins du vigneron ne produisent aucun résultat, il sera coupé et détruit (Luc 13:6-9).

La place que ce passage occupe ici est donc d’une grande importance pour nous. Elle est en premier lieu une exhortation solennelle à n’être pas stériles pour Dieu et à ce que notre vie pratique corresponde aux grâces qu’il nous a départies.

Chez les Thessaloniciens, l’arbre, étant un arbre de vie, portait beaucoup de fruits et même diverses sortes de fruits (Apoc. 22:2). Nous allons les énumérer, mais auparavant, notons un caractère commun à tous ces fruits divers.

Le Seigneur Jésus était l’objet de toute l’activité spirituelle des Thessaloniciens1. Si la foi, l’amour et l’espérance étaient la source de toute leur vie pratique, cette source elle-même avait son origine, son centre et sa puissance en Jésus Christ. Ils réalisaient ce qui est dit au Psaume 87:7: «Toutes mes sources sont en Toi».

1 Les mots «de notre Seigneur Jésus Christ, devant notre Dieu et Père» se rapportent aussi bien à «l’œuvre de foi» et au «travail d’amour» qu’à la «patience d’espérance».

Mais leur vie entière se passait «devant notre Dieu et Père». Les relations de ces jeunes chrétiens avec leur Père étaient si intimes, si précieuses pour leur cœur, que tous leurs actes se faisaient en Sa présence, dans Sa communion et avec le but de Lui être agréables.

Hélas! bien vite ce bel ensemble de l’activité chrétienne, avec ses ressorts et ses motifs, s’est affaibli et il n’est en fin de compte resté dans l’Église (nous ne parlons pas du témoignage individuel) qu’une activité dénuée de toute puissance, représentée par l’état de l’Église d’Éphèse en Apoc. 2:2-6. Ce que l’on nomme les trois vertus théologales n’était plus la source du témoignage pratique de l’Assemblée. Il n’en était pas ainsi des Thessaloniciens. Il était impossible que leur foi, ayant trouvé un objet captivant et d’un intérêt suprême dans la personne du Sauveur, pût rester stérile; elle portait des fruits bénis et se manifestait aux yeux de tous dans chaque circonstance de leur vie. Leur cœur était rempli de l’amour de Christ pour eux, aussi déployaient-ils les plus grands efforts dans leur travail d’amour pour le Seigneur Jésus. C’est ce que la Parole appelle le premier amour: la connaissance de l’amour de Christ, produisant dans nos âmes l’amour pour Lui. Leur espérance ne pouvait s’adresser qu’à Christ. C’était même de ces trois vertus la seule qui ne pût s’occuper d’aucun autre objet. L’œuvre de foi, le travail d’amour s’adressent à un cercle très étendu de personnes; la patience d’espérance ne peut s’adresser qu’à Jésus seul, venant du ciel pour nous recueillir auprès de Lui.

Demandons-nous d’abord ce qu’est l’œuvre de foi. Ce n’est pas chaque œuvre de foi en particulier, mais toutes ces œuvres réunies en un faisceau: en un mot, l’ensemble de l’activité de la foi, dont les divers actes sont multiples. On n’en finirait pas si l’on voulait, d’après la Parole, les citer tous. Prenons l’exemple d’Abraham, le père des croyants, chez lequel la foi s’est montrée pratiquement d’une manière très complète, comme sa vie en est la preuve. Ouvrons le chap. 11 de l’épître aux Hébreux. Ce chapitre ne nous donne pas une définition de la foi — car la foi n’est autre chose que l’acceptation du témoignage que Dieu a rendu au sujet de son Fils — mais il nous montre l’activité de la foi. Cette activité a pour point de départ et pour première manifestation l’obéissance. Ah! puissions-nous savoir que le premier pas dans la carrière de la foi, c’est d’obéir quand Dieu a parlé — et il nous parle dans les Écritures. Chaque partie de ce Livre nous impose l’obligation d’y obéir. Si nous abordions la parole de Dieu avec cette pensée, des bénédictions sans nombre en seraient la conséquence; nous n’en lirions pas un chapitre sans nous demander: Comment y obéirai-je? Abraham obéit donc, sort de son pays et de sa parenté, et entre dans le pays de la promesse: ce sont les deux premières œuvres de sa foi. Puis il y demeure; c’est la troisième. Il y demeure comme dans une terre étrangère où il vit en pèlerin, sans un lieu qui lui appartienne. Le résultat est pour lui une bénédiction immense. Les yeux de sa foi n’ayant aucun objet sur lequel se reposer ici-bas, se lèvent vers le ciel et y voient une cité qui a des fondements, dont Dieu est l’architecte et le fondateur. Sa foi s’y attache. Nous connaissons mieux que lui ce qu’est la nouvelle Jérusalem; nous en savons toutes les splendeurs dont le détail ne lui était pas révélé, mais en jouissons-nous comme sa foi en jouissait? Pour qu’il en soit ainsi, il faut que, semblables à lui, nos cœurs ne soient pas partagés entre la terre et le ciel. Maintenant Dieu lui fait des promesses que sa foi saisit. Elles sont toutes concentrées sur une seule tête, sur un fils unique, son Isaac. Une postérité nombreuse comme les étoiles des cieux sortira de cet enfant. La joie d’Abraham est à son comble. Mais un jour, Dieu lui dit: Va à Morija; tu y offriras ton Isaac en holocauste. Que devait être un tel ordre pour son cœur de père! Abraham ne fait pas une objection, il ne supplie pas Dieu de l’épargner; on ne le voit ni pleurer, ni se lamenter, ni passer dans le deuil ses jours et ses nuits. Par la foi, il accepte sans hésiter ce sacrifice. Il dit seulement: «Il y sera pourvu», car sa foi ne doute pas de la promesse de Dieu et laisse à Dieu le soin de l’accomplir. Puisqu’il m’a dit: Je te donnerai en Isaac une postérité, il faut, pense-t-il, que je la reçoive en résurrection. Abraham ajoute une nouvelle œuvre à ses œuvres de foi, se rend à Morija et en rapporte la promesse de Dieu quant à Christ.

Consultons maintenant la Genèse: nous y apprendrons encore beaucoup de choses sur l’œuvre de foi d’Abraham. Prenons le chapitre 13. Il nous arrive souvent de ne pas choisir le chemin de Dieu et nous avons alors à traverser de pénibles expériences. Ainsi Abraham choisit l’Égypte, mais il apprend bientôt que ce choix n’est pas une œuvre de foi, aussi, au retour, il ne descend pas dans la plaine du Jourdain. Il dit à Lot: Choisis, toi; je m’en remets à Dieu, et cette œuvre de foi trouve une abondante rémunération spirituelle. Au chapitre 14, un ennemi puissant emmène prisonnier le neveu d’Abraham. Ce dernier n’a que quelques hommes à opposer à cette armée nombreuse. Il n’hésite pas, car il agit par la foi. Après avoir renoncé par la foi à s’établir dans le monde, il combat par la foi, remporte la victoire et délivre son frère.

Arrivé à Sodome, Melchisédec vient au devant de lui, car Dieu voulait le fortifier, après sa victoire, afin de le rendre capable de résister par la foi aux ruses de l’ennemi. Le roi de Sodome lui offre de grands biens; il répond: Je ne recevrai rien de toi. Il complète ainsi son œuvre de foi, et l’achève sans aucune hésitation. Il avait refusé de choisir et refuse maintenant de rien recevoir du monde.

Je ne vais pas plus loin, car on pourrait continuer longtemps encore. J’ajouterai cependant que l’œuvre de foi d’Abraham se montre aussi quand il s’agit de sa famille et je trouve cela très important. Toutes ses expériences dans le chemin de la foi lui font désirer que son Isaac suive le même chemin de séparation en s’unissant étroitement à la famille de la foi. Cela nous humilie quand nous pensons à nos familles. Avons-nous eu assez d’énergie de foi pour que tous les nôtres s’engagent dans la même direction? Si nous la suivons nous-mêmes fidèlement et sans broncher, soyons certains que nous trouverons chez nos enfants des cœurs disposés, comme celui d’Isaac, à y marcher.

«Me souvenant sans cesse de votre œuvre de foi». Nous venons de voir celle d’Abraham, mais nous pourrions, à bon droit, considérer celle de beaucoup d’autres serviteurs de Dieu. Dès sa conversion, l’apôtre Paul nous en fournit l’exemple admirable. Nous trouvons, bien mieux encore, l’exemple du Seigneur Jésus lui-même. Lui, a accompli du commencement à la fin, sans faiblesse et sans lassitude, l’œuvre de foi, une œuvre absolument complète, un ensemble parfait auquel il ne reste rien à ajouter, aussi est-il appelé le Chef et le Consommateur de la foi: Celui qui est arrivé, sans une défaillance, jusqu’à l’extrême limite de l’activité de la foi. Dans l’histoire d’Abraham, même dans l’histoire de l’apôtre Paul, nous rencontrons plus d’une lacune; mais combien plus dans la nôtre! Pour trouver le moyen d’accomplir, sans broncher, l’œuvre de foi, regardons à Jésus. Son œuvre découlait d’une parfaite confiance en Dieu. Disons à Dieu comme lui: «Je me suis confié en toi!»

 

Les fruits de la conversion: le travail d’amour et la patience d’espérance

Le deuxième fruit de la conversion est appelé le «travail d’amour». Le travail est l’activité dans le service. À peine convertis, les Thessaloniciens étaient entrés au service de Dieu et s’y étaient donné beaucoup de peine. Comme leur œuvre avait la foi pour point de départ, le ressort de leur travail était l’amour. L’amour se montrait de bien des manières diverses. En effet, l’amour des chrétiens n’est pas seulement l’amour qui les unit les uns aux autres, lien délicieux, car celui qui a fait l’expérience du service d’amour envers ses frères peut en parler comme de la partie la plus précieuse de son activité. Mais notre travail d’amour s’adresse aussi au monde, aux pécheurs, à tous les hommes, car le cercle d’activité, dans lequel nous sommes introduits, est immense. L’apôtre Paul, allant porter l’Évangile au monde, pouvait dire: «L’amour du Christ nous étreint»; amour qui n’était pas seulement son amour pour Christ, mais celui de Christ lui-même. Nous avons appris à connaître l’amour, non pas en le contemplant dans nos cœurs, comme les mystiques — pauvre contemplation que celle-là — mais nous avons vu, dans la personne et l’œuvre du Sauveur, l’amour divin dans sa perfection. Si l’amour du Christ, versé dans mon cœur par le Saint Esprit, est descendu vers moi, il remonte de mon cœur vers Lui, comme vers son objet; j’aime Celui qui m’aime; des relations d’amour mutuel existent entre nous et c’est ce que la parole de Dieu appelle «le premier amour». Mon âme, ayant appris à connaître le Seigneur, se tourne vers Lui, réponse naturelle à ce que son cœur contient pour moi. Jésus est satisfait de voir, chez ses bien-aimés, des sentiments qui répondent aux siens. Cela est exprimé dans le prophète Jérémie, au sujet d’Israël: «Je me souviens de toi, de la grâce de ta jeunesse, de l’amour de tes fiançailles, quand tu marchais après moi dans le désert, dans un pays non semé. Israël était saint à l’Éternel, les prémices de ses fruits» (Jér. 2:2). N’oublions pas que l’Église occupe une place bien plus intime encore dans le cœur de Christ. Le Seigneur trouvait ses délices dans ceux qu’il avait sauvés d’Égypte, rachetés, sanctifiés pour Lui; il voyait Israël paré de grâce, comme sa jeune épouse, et pouvait dire: «Que tes tentes sont belles, ô Jacob, et tes demeures, ô Israël!» (Nomb. 24:5). Il versait son amour sur son peuple comme la rosée de l’Hermon; mais ce n’était pas tout: «Il se souvenait de l’amour de ses fiançailles». Dans la fraîcheur délicieuse de cette relation, nouvellement établie, l’Éternel avait trouvé, chez son Épouse, un amour qui répondait au sien. Alors, aucun dévouement ne semblait impossible à sa bien-aimée; les difficultés, l’aridité du chemin, n’étaient rien pour elle; le premier amour l’attirait irrésistiblement après Lui: «Tire-moi: nous courrons après toi» (Cant. 1:4). Il en fut de même aux premiers jours de l’Église: L’ardeur de l’amour n’a pas quitté le cœur de l’Époux; ce cœur n’a pas changé, car il est éternellement le même, mais notre premier amour s’est bientôt perdu; notre affection s’est, hélas! refroidie; le cœur de l’Épouse a changé! Quel sujet d’humiliation pour nous! Penser, qu’en présence de l’amour de Christ, il n’y ait plus dans nos cœurs comme chez les Thessaloniciens, ce travail du premier amour, ayant pour objet le Seigneur Jésus, le service de ses bien-aimés et le désir de porter au monde la bonne nouvelle de Sa grâce, quelle triste constatation! Le travail du premier amour n’existe plus dans l’Église; cependant ne soyons pas découragés, il existe. Ne le cherchons pas dans l’Assemblée, ou chez nos frères, quelque dévoués qu’ils soient; ce serait nous exposer à des déceptions. Cherchons-le dans la personne du Seigneur Jésus. Il dit lui-même: «Mon Père travaille jusqu’à maintenant, et moi je travaille» (Jean 5:17). Son travail d’amour a duré pendant toute sa vie ici-bas et son activité, en parole ou en œuvre, n’a pas eu d’autre caractère. Tous ses miracles (sauf un seul, et pour cause) étaient des miracles d’amour; mais quand il dit: «Moi je travaille», il ne parle pas seulement de ses miracles, mais de ce qu’il opère dans le cœur et la conscience des hommes. Quand la femme pécheresse vient à lui, il ne fait pas de miracle, mais travaille dans son cœur pour lui faire connaître le pardon de ses péchés et le salut, et pour que ce cœur lui réponde par un grand amour. Quand la femme adultère lui est amenée, il accomplit son travail d’amour en la soustrayant à la condamnation de Dieu et des hommes. Quand Pierre dit: «Retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur», c’est le fruit du travail d’amour dans sa conscience, afin qu’il puisse recevoir la réponse: «Ne crains pas, dorénavant tu prendras des hommes». Ce travail du Seigneur est une des grandes beautés des Évangiles. Dès ses premiers pas dans ce monde, jusqu’à la fin, nous le trouvons, endurant tout, la soif, la faim, la fatigue, les insomnies, les soupçons, le mépris, la haine, pour accomplir son travail d’amour. Les souffrances physiques des hommes le remplissent de compassion, et il en a le remède, mais combien plus encore leurs souffrances morales sous l’esclavage de Satan, sous le poids du péché et de la mort! Sa vie est pleine de ce travail d’amour, mais comment en parler sans arriver à la croix, au couronnement de son travail d’amour ici-bas? C’est le «travail de son âme», dont il verra le fruit quand il aura les siens éternellement avec lui dans la gloire qu’il leur a acquise par son œuvre. Alors son travail cessera: «Il se reposera dans son amour» (Soph. 3:17). Regardons à Lui, pour connaître le travail d’un amour qui surpasse toute intelligence, travail que sa vie, et sa mort, et sa sacrificature devant Dieu nous révèlent!

Considérons maintenant le troisième fruit de la conversion, «la patience d’espérance de notre Seigneur Jésus Christ».

Le mot patience implique toujours la souffrance. Être patient, c’est souffrir, sans chercher à y mettre fin, en vue d’un but que l’on désire atteindre. Comme nous l’avons dit plus haut, l’amour, tout en s’alimentant à la source qui est le cœur de Christ, se multiplie à l’infini et s’étend, par sa nature même, à toute sorte d’objets. Quand il s’agit de l’espérance, nous trouvons exactement le contraire; elle se concentre sur un seul objet, Jésus Christ, parce que Lui seul est digne de la fixer. Des milliers de chrétiens ignorent cette espérance; ils ont l’espoir, souvent peu certain à leurs yeux, d’être avec Jésus dans le ciel, quand ils mourront, mais toute autre est «l’espérance de notre Seigneur Jésus Christ», l’attente de Sa venue, la certitude qu’Il vient lui-même en personne, lui, le Fils de Dieu, pour nous ravir auprès de lui. L’apôtre et les Thessaloniciens considéraient tout obstacle à leur espérance comme méprisable. Il est dit, dans l’épître aux Hébreux: «Nous qui nous sommes enfuis pour saisir l’espérance proposée». Comme les Thessaloniciens, ayant échappé au jugement, n’avaient qu’une pensée: attendre le Seigneur Jésus, les Hébreux n’avaient qu’un but: l’atteindre dans le sanctuaire où il les avait devancés.

Les temps néfastes que nous traversons nous ouvrent un vaste champ pour le travail d’amour, mais aussi pour la patience d’espérance. Le sentiment des jugements de Dieu sur le monde nous pousse à ne désirer qu’une chose: Que le Seigneur complète, par ces calamités, le nombre de ses élus, afin que puisse arriver le moment de Sa venue. Nous n’attendons point le rétablissement de la paix sur la terre, ni même, à la fin de tant de deuils et de douleurs, un temps de repos durable dans ce monde. Non, le Seigneur nous dit: «Je viens bientôt». S’il le faut, supportons patiemment d’autres épreuves dans l’espérance de son prochain retour.

Mais n’oublions pas que, si nous voulons connaître la «patience d’espérance», nous la trouvons parfaite dans notre Seigneur glorifié, à la droite de Dieu. Il attend patiemment. Il dit à Philadelphie: «Tu as gardé la parole de ma patience»; il attend que le Père donne un signe, connu de Lui seul, qui permette à Jésus de se lever de son trône et de venir au devant des siens sur les nuées. Il n’a qu’un désir: avoir son Épouse auprès de Lui. Voici dix-neuf siècles qu’Il attend le moment où il pourra «s’égayer en elle avec chant de triomphe». Il loue Philadelphie (et Dieu veuille qu’il nous loue aussi) de ce qu’elle a la même espérance, la même patience que Lui, patience qu’elle a puisée dans sa Parole. Bien-aimés, désirons-nous sa venue, de la même manière que Lui désire nous avoir avec Lui pour toujours?