1 Samuel

Chapitre 25

Samuel meurt (v. 1), et sa mort est comme le prélude de la dernière période de l’histoire de Saül. Le fidèle serviteur qui avait jugé Israël en des temps difficiles et avait exercé en sa faveur l’office de la sacrificature au milieu de l’affaissement qui avait suivi la ruine de celle-ci; l’homme que Dieu avait choisi pour oindre la royauté selon la chair, puis la royauté selon la grâce; le prophète avant tout, le premier des prophètes, n’était plus. Au milieu de ces temps sombres, la grâce de Dieu maintenait une communication avec le peuple par la parole prophétique. Dans tous les actes importants de sa vie, Saül avait rencontré le prophète qui venait lui faire connaître les pensées, les ordres, les conseils et les jugements de Dieu. Sans doute il ne les avait pas écoutés, mais il avait pu les entendre. C’est un privilège immense, aussi bien qu’une immense responsabilité, d’avoir la parole divine à sa portée, et Saül avait joui de ce privilège. Samuel lui-même avait transmis de son vivant la Parole à des prophètes suscités de Dieu pour l’enseigner à d’autres. Maintenant ces prophètes eux-mêmes ne répondaient plus (28:6, 15). Toute cette dispensation avait pris fin pour Saül et pour son peuple. La sacrificature, détruite par lui, s’était réfugiée auprès du vrai roi. Gad, le prophète, accompagnait David au désert et dans les cavernes. Israël et son roi étaient laissés comme un vaisseau désemparé, sans pilote et sans boussole, poussé dans les ténèbres vers les abîmes, tandis qu’une aube nouvelle allait se lever pour les fidèles.

Quoi d’étonnant qu’Israël s’assemble et se lamente sur Samuel! Celui aussi qui intercédait pour eux et même pour le roi, ardemment, sans relâche, n’était plus. Que leur restait-il? Terrible jugement quand Dieu retire ses grâces, résolument méprisées! Il ne restera à Saül d’autre ressource que de retourner aux choses qu’il avait vomies (28:7). Ne trouvons-nous pas en lui une image de cette chrétienté apostate, retournant à l’idolâtrie quand Dieu lui retire l’Esprit de vérité et la laisse en proie à l’esprit de mensonge?

Mais avant de nous entretenir des derniers jours de Saül, Dieu déroule dans notre chapitre une scène nouvelle. Nabal, un homme violent et sans frein, méprise et outrage l’oint de l’Éternel. C’est un des caractères de l’homme de péché à la fin des temps.

Nabal, nous est-il dit (v. 3), «était de la race de Caleb». Il y avait entre ces deux hommes, comme trait de famille, l’énergie de la nature, mais qui, au service de la chair, produit un Nabal, au service de la foi, un Caleb, car on peut livrer ses membres au péché comme instruments d’iniquité, ou à Dieu comme instruments de justice (Rom. 6:13).

La grâce n’a pour effet sur un tel homme que de l’exciter au mal et à la révolte. Un Saül se laisse parfois attendrir (24:17), un Nabal, jamais.

David et ses compagnons continuent à habiter le désert de Juda, attendant de Dieu seul l’heure et le signal de leur délivrance, mais là David a l’occasion de se montrer le protecteur des faibles, exposés a mille dangers pendant les veilles de la nuit. Rien ne manque «du leur», tant qu’ils sont avec lui (v. 7).

À cela ne se borne pas l’activité de David en grâce. Si, comme le Seigneur ici-bas, il dépend de l’homme pour quelque rafraîchissement, lui, auquel de droit tout appartient, il apporte en échange au pécheur, à Nabal, la paix par ses messagers. «Paix te soit, et paix à ta maison, et paix à tout ce qui t’appartient» (v. 6). Nabal voudra-t-il de cette paix, après la protection si manifeste de ses gens et de ses troupeaux? Pour tant de grâce et de courtoisie, David n’était-il pas en droit de lui demander quelque preuve de reconnaissance? Que répond Nabal? «Qui est David? Et qui est le fils d’Isaï? Aujourd’hui ils sont nombreux les serviteurs qui se sauvent chacun de son maître. Et je prendrais mon pain et mon eau, et ma viande que j’ai tuée pour mes tondeurs, et je les donnerais à des hommes dont je ne sais d’où ils sont?» (v. 10, 11). Cette même parole sortit plus tard de la bouche des principaux en présence de l’œuvre du Seigneur. «Pour celui-ci, nous ne savons d’où il est» (Jean 9:29). C’est ainsi que l’homme a traité Jésus rejeté; il méprise sa grâce souveraine sans appréhender sa puissance en jugement et sans penser que ce jugement est à la porte. Nabal parle de son pain, de son eau, de ses viandes et de ses biens, comme s’ils étaient à lui, dans le moment où la calamité va l’atteindre lui-même, avec tout ce qui lui appartient. Quand il aurait dû se jeter à genoux devant celui qui volontairement s’était fait son serviteur, il le traite avec mépris de «serviteur échappé à son maître!» Sans scrupule, et sans penser que c’est le rejeter lui-même, il rejette ses messagers. «Celui qui vous rejette», dit le Seigneur à ses disciples, «me rejette; et celui qui me rejette, rejette Celui qui m’a envoyé» (Luc 10:16). Leur maître les envoyait pour bénir, et Nabal s’emporte contre eux (v. 14).

David est en danger de laisser libre cours à son indignation et «de se faire justice» par sa main (v. 26, 34). C’est ici que se place, me semble-t-il, l’expérience du Ps. 35: «Ils m’ont rendu le mal pour le bien» (v. 12; conf. 25:21). «Ils ne parlent pas de paix» (v. 20; conf. 25:6). «J’ai marché comme si c’eût été mon compagnon, mon frère» (v. 14). «Ceux qui sont à tort mes ennemis» (v. 19; conf. 25:26). Mais David a appris ce que Dieu voulait lui enseigner. Au lieu de se faire droit lui-même, il a remis sa cause à l’Éternel: «Éveille-toi, réveille-toi, pour me faire droit, mon Dieu et Seigneur, pour soutenir ma cause» (v. 23). «Que ceux qui s’élèvent orgueilleusement contre moi soient couverts de honte et de confusion» (v. 26), et il Lui remet le jugement: «Qu’une ruine qu’il n’a pas connue vienne sur lui!» (v. 8).

Avant d’avoir reçu cet enseignement par la bouche de la pieuse Abigaïl, David avait ceint son épée et ordonné à ses compagnons de faire de même. Il devançait le moment; l’heure du jugement n’avait pas sonné; elle arrivera par le moyen d’un plus grand que David. Il est dit de lui: «Ceins ton épée sur ton côté, homme vaillant, dans ta majesté et ta magnificence» (Ps. 45:4); mais le temps de la grâce durait encore, tant que David était un étranger dans son héritage.

La foi d’Abigaïl a compris cela. Cette faible femme, connaissant ce qui convient à la grâce, devient un instrument de Dieu pour garder du mal le plus grand de ses serviteurs, l’oint de l’Éternel lui-même. Un seul homme, la Grâce en personne, la grâce de Dieu qui est apparue à tous les hommes, n’étant pas faillible, n’a jamais eu besoin d’être rappelé au sentiment de ce qui convenait à la position qu’il avait prise ici-bas.

Nous pouvons tous apprendre à l’école d’Abigaïl. On rencontre rarement, une affection plus désintéressée, basée sur les perfections que sa foi discernait en David.

Lorsqu’elle apprend que «le mal est décidé» contre Nabal et contre toute sa maison, elle se hâte de préparer tout ce que cet homme avait refusé à David, et bien au-delà encore, sans compter, et d’aller à sa rencontre. Ah! puissent les âmes qui ont entendu dire que le mal est décidé contre elles, faire de même. Il s’agit de ne pas perdre de temps, de se hâter; le vengeur est déjà en marche. Quand l’annonce du jugement est reçue comme un témoignage divin, on se hâte pour y échapper. C’est la foi. Il n’y a pas d’autre ressource que d’aller au-devant de Celui qui va juger. Abigaïl n’avait qu’une crainte, c’était de ne pas rencontrer David avant que son épée fût tirée. Elle savait qu’alors il serait trop tard. Mais elle était sans crainte quant au résultat de la rencontre, car elle connaissait le caractère de celui auquel elle allait s’adresser.

«Et Abigaïl vit David, et elle se hâta et descendit de dessus son âne; et elle tomba sur sa face devant David et se prosterna contre terre. Et elle tomba à ses pieds, et dit: À moi l’iniquité, mon seigneur!» (v. 23, 24). Ici encore Abigaïl se hâte; elle se hâte de reconnaître la seigneurie de David, ses droits sur elle et sa propre indignité. Elle s’adresse à lui en suppliante et reconnaît ainsi qu’elle dépend de son bon plaisir. Bien plus, en prenant cette attitude, elle, la femme de foi, se reconnaît coupable, prend sur elle toutes les conséquences de son association avec Nabal. Elle ne vient pas plaider son innocence, quoiqu’elle n’ait point eu connaissance de ce qui était arrivé (v. 25). Devant David elle ne veut se trouver que coupable et se hâte de le proclamer, car elle connaît la grâce de David.

Une fois encore elle se hâte, vers la fin du chapitre (v. 42). C’est quand elle est appelée par David à devenir la compagne de ses souffrances (conf. 27:3), et plus tard à partager son règne. «Et David envoya parler à Abigaïl, afin de la prendre pour femme... Et Abigaïl se leva en hâte... et elle s’en alla après les messagers de David, et fut sa femme» (v. 39-42). Point de temporisation; elle se hâte d’aller au-devant de celui qui l’aime, du roi de grâce; elle ne remet pas son départ à des temps meilleurs où le trône de David serait consolidé. Elle quitte tout, sans penser un instant à ce qu’elle laisse en arrière. Et même elle se déclare indigne d’un tel honneur; car la plus humble condition lui appartient. Une telle destinée ne peut, d’autre part, l’enorgueillir, car elle comprend que, si la faveur du roi l’appelle à partager ses souffrances pour l’élever ensuite à la première place, le service du roi doit l’abaisser à la dernière. «Voici, ta servante sera une esclave pour laver les pieds des serviteurs de mon seigneur». Quelle humilité chez cette épouse du roi! Seule, la communion avec la grâce, avec Jésus, nous rend capables de nous abaisser ainsi dans la poussière, mais par là même qu’Abigaïl s’abaisse, le roi grandit en dignité et en majesté, et c’est ce que le cœur de l’épouse désire.

N’oublions donc pas, chers lecteurs chrétiens, que l’un des caractères de la foi est de se hâter. Abraham se hâtait quand il était question du service de l’Éternel (Gen. 18:6-8); Zachée, quand le Sauveur l’invitait à le recevoir dans sa maison (Luc 19:6); Marie, quand le Seigneur l’appelait à Lui (Jean 11:29). S’il s’agit de Lui et de sa personne, pouvons-nous jamais nous hâter assez! Mais d’autre part, n’avons-nous pas à nous garder de la hâte qui si souvent caractérise la chair et le vieil homme! «Leurs pieds courent au mal, et ils se hâtent pour verser le sang» (Prov. 1:16; 6:18), «pour contester» (25:8), «pour s’enrichir» (28:20, 22). Dès qu’il s’agit de nous-mêmes, ne faisons pas comme le monde dont il est parlé ici, car il est dit d’autre part: «Celui qui croit en Lui ne se hâtera pas» (És. 28:16; Rom. 9:33).

Elle est admirable, cette Abigaïl, par son appréciation de David. On trouve tout chez elle, depuis le sentiment de la dignité de son seigneur, qui la fait se prosterner devant lui, jusqu’au ravissement que produit la beauté de son caractère. «Mon seigneur combat les combats de l’Éternel, et la méchanceté n’a jamais été trouvée en toi» (v. 28). Comment son cœur ne serait-il pas attiré par la vue de la perfection dans un homme? Et cependant David, type de Christ, n’est en lui-même qu’un homme imparfait. Jamais Jésus n’aurait été en danger de se faire justice à lui-même. La grâce de Dieu seule en préserve David, quand déjà sa résolution était prise de ne laisser de reste aucun de ses ennemis. Abigaïl est l’instrument employé de Dieu pour le faire revenir de sa décision et l’aider à ne pas perdre le caractère de grâce qui convient à l’oint de l’Éternel.

Tout ce que dit Abigaïl est le fruit de sa communion avec les pensées de Dieu. Ce n’est pas de la prophétie, mais elle sait ce qui arrivera à David, parce qu’elle sait ce que Dieu pense de lui. «La vie de mon seigneur est liée dans le faisceau des vivants par devers l’Éternel, ton Dieu; et l’âme de tes ennemis, il la lancera du creux de la fronde» (v. 29), et Dieu t’établira «prince sur Israël» (v. 30). Saül, le roi d’Israël, n’est pour Abigaïl qu’«un homme qui s’est levé pour te poursuivre et pour chercher ta vie». Dans son antagonisme au fils d’Isaï, il ne mérite pas même la mention de son nom.

On voit bien que le discours d’Abigaïl n’est pas inspiré par la crainte de ce qui pourrait arriver à sa maison, mais elle est indignée du mal qu’on osait souhaiter à un tel homme; elle désire que son caractère ne soit pas déshonoré; elle admire sans réserve le futur roi d’Israël.

Aussi David la bénit. Il se souviendra d’elle selon sa demande. Le «souviens-toi de ta servante» trouve une oreille aussi attentive que, plus tard, le «souviens-toi de moi» du brigand converti. Il la renvoie dans sa maison avec cette paix dont Nabal n’avait pas voulu, et avec l’assurance de sa faveur (v. 6, 35). C’est là qu’elle attendra patiemment le message du bien-aimé l’appelant à lui.

Mais pendant ce temps le jugement atteint Nabal. «Il faisait dans sa maison un festin comme un festin de roi». Voilà l’homme! Nabal se substitue à David et ne pense qu’à se faire du bien. Il s’enivre et ne peut rien connaître de ce qui l’attend. Son sort est fixé. Quand il l’apprit, «son cœur mourut au dedans de lui, et il devint comme une pierre». Il est mort d’avance, avant d’être frappé dix jours plus tard.

Le sort des hommes dépend de cette alternative: qu’ils méprisent Christ aujourd’hui pendant sa réjection, ou qu’ils l’estiment comme Dieu l’estime et s’adressent à sa grâce qui seule peut les «accueillir avec faveur».

Heureux David! Il a trouvé une femme selon son cœur, une femme qu’il bénit et dont il bénit la sagesse (v. 33), une aide véritable dans les difficultés de sa carrière. Il la bénit de ce qu’elle l’a empêché de faire le mal qui aurait déshonoré son Dieu, tandis que Saül avait béni les Ziphiens qui s’offraient pour accomplir ses mauvais desseins contre David, et avait salué comme libérateurs au nom de l’Éternel, ceux qui l’aidaient à faire la guerre à son oint!