1 Samuel

Chapitre 24

Saül, revenu de sa campagne contre les Philistins, rassemble 3 000 hommes d’élite pour s’emparer de David. Il embrasse ainsi, dans une même poursuite, les ennemis d’Israël et le sauveur d’Israël. Un zèle extérieur pour la sauvegarde du peuple de Dieu, peut fort bien s’allier avec une véritable haine pour Christ.

Saül entre dans la caverne située auprès des parcs des brebis, pour s’y reposer en se déchaussant. Au fond de la caverne, avec sa petite troupe, se tient celui que Saül estime à tort son ennemi. C’est le moment où la providence de Dieu livre Saül sans défense entre les mains de David. Les compagnons de celui-ci concluent, dans leur ignorance, que Dieu lui-même fournit à leur maître l’occasion de se venger, mais l’intelligence spirituelle de David ne s’y trompe pas. Son caractère, comme roi rejeté, c’est la grâce et non le jugement (il en est de même de Christ), et la providence divine offre ici à la grâce une admirable occasion de se manifester.

Il y a encore pour David une autre raison de ne pas tirer l’épée. Tant que Dieu lui-même n’a pas exécuté la sentence prononcée contre Saül, celui-ci porte encore le nom «d’oint de l’Éternel». Quel que soit le mal, nous n’avons pas le droit d’anéantir ce que Dieu laisse subsister. Sans doute, il doit y avoir séparation complète entre nous et le mal, mais nous ne sommes pas appelés à mettre un terme à la longue patience de Dieu. Un chrétien spirituel reconnaît, même ennemie et apostate, l’autorité que Dieu a établie et laisse à Dieu le soin et le moment d’exécuter la sentence contre elle. Les circonstances providentielles ne sont pas ordonnées pour régler notre conduite on la diriger, mais pour mettre notre foi à l’épreuve. Il en fut ainsi de Moïse à la cour du Pharaon où la providence de Dieu l’avait placé. Le moment venu, il refusa d’en faire partie et quitta l’Égypte, ne craignant pas la colère du roi (Héb. 11). C’était la foi qui le dirigeait et non les voies providentielles de Dieu.

Cependant David coupe le pan de la robe de Saül. C’est un gage destiné à mettre en évidence devant l’ennemi la grâce qui l’a épargné. Le cœur (non pas la conscience) de David le reprend même de cet acte, car extérieurement il avait manqué au respect et à la déférence dus à l’oint de l’Éternel, tout en étant au fond plein de grâce envers son persécuteur.

«Et David retint ses hommes par ses paroles, et ne leur permit pas de s’élever contre Saül» (v. 8) Ses compagnons sont formés par lui et par son exemple, et c’est ainsi que le caractère de David se reflète sur tous ceux qui l’entourent et qui l’ont reconnu pour chef.

Ce pan de manteau coupé sert à revendiquer aux yeux de Saül, le caractère du serviteur qu’il a méconnu et à lui ouvrir les yeux sur son propre état: «Car en ce que j’ai coupé le pan de ta robe et ne t’ai point tué, sache et vois qu’il n’y a pas de mal en ma main, ni de transgression, et que je n’ai pas péché contre toi; et toi, tu fais la chasse à mon âme pour la prendre» (v. 12). C’est ainsi que Dieu appelle souvent les pécheurs par des circonstances où sa grâce les a préservés, en faisant ressortir à leurs yeux que leur état méritait le jugement. Cependant, si le cœur s’endurcit après cela, il faut qu’il sache que le jugement ne se fera pas attendre. «L’Éternel jugera entre moi et toi, et l’Éternel me vengera de toi» (v. 13).

Un beau caractère de l’homme de Dieu ressort ici. À ses yeux il est moins que Saül, moins que rien: «Après qui est sorti le roi d’Israël? Qui poursuis-tu? Un chien mort, une puce!» C’est ainsi que Paul disait de ses chers Corinthiens: «Les choses viles du monde, et celles qui sont méprisées, et celles qui ne sont pas» (1 Cor. 1:28), et de lui-même: «Celui qui plante n’est rien» (1 Cor. 3:7). Mais ces êtres qui ne sont rien à leurs yeux, sont quelque chose aux yeux de Dieu, et cela l’exalte, Lui, et le glorifie: «Il jugera entre moi et toi; et il verra et plaidera ma cause, et me fera droit en me délivrant de ta main» (v. 16). «Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?» L’amour de Dieu pour nous, voilà ce qui le glorifie!

«Saül éleva sa voix et pleura» (v. 17). En se voyant si miraculeusement préservé, il reconnaît (pour combien de temps?) la grâce et la justice qui sont en David: «Tu es plus juste que moi, car toi tu m’as rendu le bien, et moi je t’ai rendu le mal» (v. 18). Il reconnaît même que le royaume revient à David: «Et maintenant, voici, je sais que certainement tu régneras, et que le royaume d’Israël sera établi en ta main» (v. 21). Un cœur réprouvé, chose très sérieuse à constater, peut être attendri devant la grâce, sans être changé. Dieu ne nous demande pas des sentiments, quelque justes qu’ils soient; c’est de foi qu’il s’agit, car elle seule est capable de régénérer et de sauver un pécheur.

«Tu as fait connaître aujourd’hui que tu agissais en bien envers moi!» (v. 19). Combien cet «aujourd’hui» est différent des paroles d’une Abigaïl qui dit par la foi, avant même que David le lui ait prouvé: «La méchanceté n’a jamais été trouvée en toi!» (25:28).

Saül va jusqu’à compter sur David pour maintenir sa semence. David, bel exemple de la grâce, «le jura à Saül» (v. 23), car la grâce ne souffre pas d’être limitée. Saül saura-t-il s’en prévaloir? Non: «Il s’en alla dans sa maison». Hélas! le pieux Jonathan, son fils, avait fait de même (23:18). Quelque pas qu’elle ait fait, quelque vérité qu’elle ait reconnue, il y a toujours un point où la chair s’arrête, le point où la foi seule pourrait agir. Devant le: «Viens, suis-moi», la chair la plus aimable tourne le dos, peut-être avec tristesse, mais elle préfère les «grands biens» de sa maison à l’opprobre de Celui qui n’a pas un lieu dans ce monde où reposer sa tête! (Matt. 19:22).

Qu’il est doux d’assister, au Ps. 57, aux sentiments de David, «quand il fuyait devant Saül, dans la caverne». Il sait que «Dieu mène tout à bonne fin» pour lui (v. 2). Sa foi saisit d’avance la délivrance imminente: «Il a envoyé des cieux, et m’a sauvé; il a couvert de honte celui qui veut m’engloutir» (v. 3). «Ils ont creusé devant moi une fosse, ils sont tombés dedans» (v. 6). Cela affermit son cœur (v. 7) et le fait se remettre entièrement aux mains de Celui qui «a envoyé sa bonté et sa vérité» pour le sauver. Préparé ainsi, il ne cherche pas à se venger lui-même, mais s’en remet à Celui qui a dit: «À moi appartient la vengeance, dit le Seigneur». C’est ainsi qu’en toute occasion David est préparé par l’Esprit de Dieu à remettre sa cause entre Ses mains, libre ainsi de ne s’occuper que du Seigneur et de sa louange. «Mon cœur est affermi; je chanterai et je psalmodierai». «Car ta bonté est grande jusqu’aux cieux, et ta vérité jusqu’aux nues!» (v. 7, 10).