1 Samuel

Chapitre 14

Ce chapitre forme un contraste absolu avec le précédent. Nous avons vu chez Saül la folie et la faiblesse de la chair: nous trouvons chez Jonathan la sagesse et la puissance de la foi.

La carrière de Jonathan (13:2, 3) avait commencé par une victoire, alors qu’il était encore associé au système militaire de Saül; mille hommes étaient avec lui et deux mille avec son père. Jonathan avait été vainqueur, mais, au lieu d’être pour la gloire de l’Éternel, sa victoire avait profité à Saül. Il en est toujours ainsi de notre association avec le monde religieux; il s’en sert pour s’attribuer les résultats de notre lutte; ainsi la victoire de la foi est annulée et le combat est à recommencer.

Il recommence, en effet, au chap. 14, mais la première expérience n’a pas été perdue pour Jonathan. Il dit au jeune homme qui portait ses armes: «Viens, et passons jusqu’au poste des Philistins qui est là, de l’autre côté; mais il n’en dit rien à son père», car la foi n’attend aucun secours du monde. Il se sépare, par son action individuelle, du monde politique et religieux; religieux, car le sacrificateur, l’arche. l’éphod, l’autel, étaient avec Saül. Mais la foi a le secret de Dieu, que n’ont ni Saül, ni sacrificateur, ni peuple. Jonathan garde son secret pour lui, ne pouvant dépendre de l’homme, quel qu’il soit. D’autre part, il s’associe en pensée et dans toute son action, avec Israël. Saül faisait appel aux «Hébreux» (13:3); Jonathan dit: «L’Éternel les a livrés en la main d’Israël» (v. 12). Jonathan est en grand progrès dans ce chapitre. Sa confiance est en Dieu seul, nullement en lui-même. C’est une grande foi, mais il faut chercher le secret de sa force dans sa séparation individuelle.

Les rochers de Botsets et de Séné, dressant leurs sommets infranchissables vis-à-vis de Micmash et de Guéba, ne sont rien pour la foi. Elle a, en outre, une vue claire et nette du caractère de ce monde: «Viens, et passons jusqu’au poste de ces incirconcis» (v. 6); elle a une vue tout aussi claire de ce qu’est Dieu, c’est-à-dire un Sauveur: «Rien n’empêche l’Éternel de sauver, avec beaucoup ou avec peu de gens».

Jonathan agit contrairement à toute la sagesse du monde; il attend la direction du Seigneur; il n’est nullement incertain; il sait que, dans le chemin de la foi, nous pouvons être appelés à nous porter en avant ou à nous tenir tranquilles: «S’ils nous disent ainsi: Tenez-vous là, jusqu’à ce que nous vous joignions, alors nous nous tiendrons à notre place, et nous ne monterons pas vers eux; et s’ils disent ainsi: Montez vers nous, alors nous monterons, car l’Éternel les aura livrés en notre main; et ce sera pour nous le signe» (v. 9, 10).

Jonathan combat sans les armes humaines, obligé qu’il est, pour monter au-devant des Philistins, de se servir des mains et des pieds (v. 13), et c’est ainsi qu’il remporte la victoire de Dieu.

Quant à Saül, rien ne lui manquait en apparence, mais tout lui faisait défaut en réalité. Dieu n’était pas avec lui. La sacrificature qui semblait le soutenir était jugée d’avance (2:31; 3:13); lui-même rejeté comme roi (13:14). Il avait avec lui l’armée, c’est-à-dire la force, mais une force qui se fondait à l’approche des Philistins (13:8), et prouvait ainsi sa faiblesse.

Jonathan avait conscience du jugement que le peuple avait mérité. «Peut-être», dit-il à son jeune homme, «que l’Éternel opérera pour nous»; mais quand il ajoute: «Rien n’empêche l’Éternel de sauver», il montre, en regard de ce jugement, qu’il connaît la puissance et la bonté de Dieu.

N’oublions pas le compagnon de Jonathan. Sa foi se joint à celle du chef dont il connaît l’affection pour l’Éternel et pour son peuple. Le dévouement de son maître suffit à cet homme simple de cœur et remplace pour lui tout raisonnement. Ne sont-elles pas belles, ces paroles: «Fais tout ce qui est dans ton cœur; va où tu voudras, voici, je suis avec toi selon ton cœur»! (v. 7).

La foi n’use pas de dissimulation, ne craint pas de se montrer, de mettre au jour ses desseins. «Voici, nous allons passer vers ces hommes et nous nous montrerons à eux». Tout en étant d’une hardiesse qui, aux yeux du monde, est de la pure témérité, Jonathan se défie d’un chemin de propre volonté et cherche un signe de la volonté de Dieu. «Ce sera pour nous le signe» (v. 10).

Comment les Philistins pourraient-ils ne pas être aveugles quant au vrai caractère des hommes de foi! «Voici», disent-ils, «les Hébreux qui sortent des trous» où ils s’étaient cachés». Les croyants sont pour le monde un sujet de mépris et de moquerie.

Jonathan monte donc sans armes; il n’est, dans sa pensée, que le représentant du vrai Israël vis-à-vis du monde (v. 12). Les armes que son jeune homme porte derrière lui ne servent qu’à affirmer la victoire de l’Éternel. L’épouvante dont les ennemis sont saisis est le résultat de cette victoire, en apparence sur une vingtaine d’hommes, en réalité sur tout un peuple. Il en est souvent ainsi; nous n’avons qu’à livrer le combat qui est devant nous, que ce soit contre un ou mille ennemis, peu importe; les résultats, c’est Dieu qui les dirige; ils dépasseront l’attente et toutes les pensées de l’homme. «Les sentinelles de Saül, qui étaient à Guibha de Benjamin, regardèrent, et voici, la multitude s’écoulait, et s’en allait, et ils s’entre-tuaient» (v. 16).

En présence de ce phénomène extraordinaire, Saül (v. 17-19), sans aucune foi, a cependant la pensée de consulter l’Éternel, mais y renonce devant le tumulte qui grandit. Pauvre Saül! Il sacrifiait à l’Éternel quand il aurait dû attendre le prophète pour le faire (13:9), et maintenant il estime inutile de le consulter ou de le chercher, quand la victoire est à la porte. En vérité, malgré toutes les apparences, il n’y a pas chez lui une étincelle de foi. Et tandis que la victoire de Jonathan rassemble les transfuges d’Israël (v. 21), les séparant du monde auquel ils étaient asservis, pour en faire des soldats dans la cause de Dieu, tandis qu’elle encourage à la poursuite de l’ennemi les timides dont les cœurs ont été rassurés (v. 22), leur roi, auquel manquent les éléments même de la religion, ne sait faire autre chose que d’établir une ordonnance charnelle qui prive le peuple de Dieu d’une bonne part de sa force. Les ordonnances établies par le monde affaiblissent nécessairement ceux qui s’y soumettent, car elles ont toujours un caractère légal: «Maudit soit l’homme qui mangera du pain, jusqu’au soir, et jusqu’à ce que je me sois vengé de mes ennemis» (v. 24). «Maudit», n’est-ce pas la loi! «Que je me sois vengé», n’est-ce pas la chair et l’homme! Quel contraste avec Jonathan qui ne voit dans la victoire que le salut de l’Éternel pour son peuple!

Le résultat de la foi de Jonathan est que l’Éternel sauve et opère une grande délivrance en Israël (v. 45); le résultat de l’ordonnance de Saül est que le peuple fut accablé et très fatigué (v. 24, 28:31). L’ordonnance charnelle ne tarde pas à porter ses conséquences: le jeûne et la fatigue imposés au peuple l’amènent à transgresser les premiers principes de la parole de Dieu; il égorge sur le sol le menu et le gros bétail et les mange avec le sang (v. 32). Saül voudrait bien que les choses n’allassent pas si loin et qu’Israël ne se mît pas en contradiction avec l’ordonnance divine. «Vous avez agi infidèlement», dit-il (v. 33); «ne péchez pas contre l’Éternel en mangeant avec le sang» (v. 34). Mais peut-il, en cherchant à l’atténuer, remédier au mal qu’il a provoqué? Puis, sur le lieu même de cette profanation, Saül bâtit son premier autel à l’Éternel (v. 35), choisissant pour y rendre culte l’endroit où le Seigneur a été déshonoré!

Jonathan n’avait pas entendu le serment que Saül avait fait prêter au peuple; la foi est aussi étrangère aux ordonnances charnelles, qu’à tout le système religieux du monde, aussi continue-t-elle son œuvre dans la liberté de l’Esprit, et, profitant des encouragements que Dieu lui donne, elle boit du torrent par le chemin (Ps. 110).

Comment Jonathan qui reçoit les secours préparés de Dieu pour la fatigue de la lutte et s’en prévaut, ne blâmerait-il pas ce qui paralyse le peuple, cette ordonnance néfaste, même sortie de la bouche de son père! «Mon père a troublé le pays». Oui, l’intervention de la chair n’est qu’un trouble et une entrave à la victoire.

Saül commence par décréter de poursuivre les Philistins de nuit, afin de les détruire entièrement. Le sacrificateur qui précédemment avait retiré sa main (v. 19), a cependant le courage de dire: «Approchons-nous ici de Dieu» (v. 36). Saül interroge l’Éternel qui ne lui répond pas. Dieu permet que tout, dans cette aventure, porte ses conséquences extrêmes et soit conduit pour l’humiliation de Saül. Il demande «un sort parfait» (v. 41); il le reçoit enfin, mais la réponse condamne toute l’action du roi. Saül, lui, n’y voit autre chose que la condamnation de Jonathan! C’est ainsi que la chair interprète la parole de Dieu. L’Éternel garde son serviteur fidèle, tandis que le roi selon la chair est jugé. Le peuple délivre Jonathan, parce qu’il reconnaît qu’il a opéré avec Dieu (v. 44-46).

L’homme charnel est capable d’un certain héroïsme pour maintenir sa religion et les ordonnances qu’il a établies. On le verra peut-être, comme ici, ne pas épargner ses plus proches, mais au fond ce n’est qu’un effort de Satan pour anéantir les serviteurs de Dieu. Dieu veille sur les siens et les sauve, en leur faisant rendre témoignage par la bouche même de l’assemblée d’Israël, dont l’autorité s’affirme ainsi contre les prétentions de la chair.

Malgré tout cela, Dieu agit sans se lasser par le moyen de Saül, selon la promesse qu’il avait faite (9:16), et cela n’empêche pas Saül de continuer à compter sur la chair pour battre les Philistins: «Quand il voyait quelque homme fort et quelque homme vaillant, il le prenait auprès de lui».

Tout ce chapitre nous a donc enseigné que la chair et la foi, loin de se prêter mutuellement aide et secours, ne peuvent qu’entrer en conflit et en opposition l’une avec l’autre.