1 Samuel

Henri Rossier

Introduction

Le livre de Samuel fait suite au livre des Juges et à celui de Ruth. À son début, la période des Juges n’est pas encore close: Éli le sacrificateur était l’un d’entre eux (1 Sam. 4:18); Samuel le premier prophète (Actes 3:24; 13:20), fut aussi juge sur Israël (1 Sam. 7:6). Il crut pouvoir établir ses fils comme juges après lui (1 Sam. 8:1), mais leur infidélité mit fin à cette économie. Au reste, le temps des juges avait un caractère plutôt transitoire: ils apportaient un soulagement temporaire à la misère du peuple, coupable d’avoir laissé subsister les ennemis de l’Éternel, au lieu de les exterminer. Entraîné par ces nations dans l’iniquité et l’idolâtrie, Israël avait dû subir leur joug comme châtiment de sa désobéissance. Sous leur tyrannie le peuple gémissait et criait à l’Éternel. Celui-ci, plein de pitié pour eux, envoyait des libérateurs qui leur procuraient du répit en les délivrant de la main de ceux qui les pillaient. Hélas! rien ne changeait leur cœur. «Lorsque le juge mourait, ils recommençaient à se corrompre plus que leurs pères, marchant après d’autres dieux pour les servir et pour se prosterner devant eux; ils n’abandonnaient rien de leurs actions et de leur voie obstinée» (Juges 2:19).

Pendant la période des juges, la sacrificature reste le lien immédiat et reconnu, le point de contact entre le peuple et Dieu. Elle représente le peuple dans ses rapports avec Dieu qui est lui-même Roi d’Israël. À de certains moments, aux jours où «chacun faisait ce qui était bon à ses yeux» (Juges 21:25), le rôle de la sacrificature pouvait être comme éclipsé, mais le lien formé par elle n’en subsistait pas moins.

Le livre de Ruth s’intercale vers la fin de l’histoire des Juges, pour nous révéler la pensée secrète de Dieu au sujet d’une économie nouvelle, la royauté. On y voit Dieu préparant un roi selon son cœur; comme le Shilo de la prophétie de Jacob, il devait sortir de Juda. Ce livre débute donc par Élimélec, homme de Juda, et proclame en terminant le nom du roi David, nous montrant ainsi d’avance quel sera l’oint de l’Éternel.

Notons ici que la relation avec l’Éternel diffère sous la sacrificature et sous la royauté. Sous la première, cette relation est immédiate, car le sacrificateur représente le peuple devant Dieu, tandis que la royauté est une autorité établie sur le peuple. Ce dernier était assujetti au roi qui devait le gouverner selon les pensées de Dieu. C’était du roi que Dieu attendait la fidélité; c’était lui qui était responsable devant Dieu de l’infidélité d’Israël, et la destinée du peuple dépendait de sa conduite.

Jusqu’à l’établissement définitif du roi, nous avons, dans le 1° livre de Samuel, une période de transition. Le premier grand fait, constaté dans ce livre, c’est que la sacrificature est devenue infidèle et ne peut plus être le fondement des relations du peuple avec Dieu. Sans doute elle est toujours nécessaire et ne peut être abolie, mais elle cesse d’occuper la première place. Un nouveau fondement de relation est établi dans la royauté. Alors Dieu se suscitera un sacrificateur fidèle qui marchera toujours devant son oint, au lieu d’être, comme par le passé, le lien entre le peuple et Dieu (1 Sam. 2:35).

Tout cela explique pourquoi le 1° livre de Samuel débute par la tribu de Lévi et par la sacrificature, et non, comme le livre de Ruth, par Juda et la royauté.

Elkana est un lévite1. Éli est le souverain sacrificateur2; nous sommes ainsi sur le terrain de la sacrificature. Restée fidèle elle n’aurait pas donné lieu à un changement d’économie; il fallait donc en constater la ruine avant l’entrée en scène du vrai roi, car Dieu ne pouvait rester en relation avec le peuple par l’intermédiaire d’une sacrificature corrompue.

1 Elkana (1:1) était Lévite, de la descendance de Kehath, de la tribu de Lévi (1 Chron. 6:27, 28). Les Lévites se rangeaient sous trois chefs: Guershon, Kehath et Merari, formant ainsi trois familles distinctes auxquelles était confié «tout le service du tabernacle de la maison de Dieu» (1 Chron. 6:48). Chacune avait son office particulier: les Guershonites devaient porter tous les tapis du tabernacle, les Merarites ses ais et ses piliers. Les Kehathites étaient favorisés, par conséquent responsables entre tous; leur service était particulièrement intime; ils portaient tous les ustensiles du tabernacle, y compris l’arche et le voile. Elkana était un Kehathite. De Kehath étaient sortis Moïse et Aaron. Les fils de Moïse, Guershom et Éliézer, avec leurs descendants, furent attribués à cette famille. Sous le règne de David, et quand il fut question de bâtir la maison de Dieu, le service des Lévites différa notablement de leur service pendant la marche du désert (1 Chron. 23:28-32).

2 Éléazar, l’aîné des deux fils d’Aaron, était père de Phinées qui fut «jaloux de la jalousie de l’Éternel, au milieu des fils d’Israël», et c’est à cause de son zèle que Dieu lui donna «une alliance de sacrifice perpétuelle pour lui et pour sa semence après lui» (Nomb. 25:10-13). La descendance d’Éléazar est donc la lignée fidèle à laquelle appartient la promesse. Cette lignée se continue par Tsadok qui exerça la sacrificature sous David et sous Salomon (2 Sam. 8:17; 1 Rois 2:35), et par Azaria: «c’est lui qui exerça la sacrificature dans la maison que Salomon bâtit à Jérusalem» (1 Chron. 6:10).

Ithamar eut pour descendant Éli qui paraît au chapitre premier de notre livre. En ce temps-là la souveraine sacrificature appartenait à la famille d’Ithamar. Puis vint Akhimélec que Saül immola avec toute la sacrificature d’alors. Abiathar seul échappa et se réfugia auprès de David. Aussi la descendance d’Ithamar fut-elle bien moins nombreuse que celle de son frère aîné (1 Chron. 24:4). Abiathar exerça plus tard la sacrificature avec Tsadok au temps d’Absalom (2 Sam. 17:15), mais auparavant il avait été utile à David, «étant affligé dans tout ce en quoi le roi était affligé» (1 Rois 2:26). Plus tard ce même Abiathar, quand David fut devenu très vieux, se ligua avec Joab pour substituer à Salomon Adonija comme roi (1 Rois 1:7), tandis que Tsadok demeura fidèle (1:8). Enfin Salomon chassa Abiathar de la souveraine sacrificature, parce qu’il était digne de mort pour avoir conspiré contre lui, et aussi «pour accomplir la parole de l’Éternel, qu’il prononça au sujet d’Éli, en Silo» (1 Rois 2:27).

Mais, d’autre part, il était nécessaire de montrer que, Dieu introduisant son roi comme intermédiaire entre Israël et Lui, cette relation ne pouvait être établie sur le pied de la chair. De là toute l’histoire de Saül, depuis le chap. 9 à la fin du livre. Dieu pouvait, sans doute, employer un roi selon la chair comme libérateur de son peuple, mais cette fonction ne le qualifiait pas moralement pour être chef d’Israël. Le livre des Juges nous présente la même vérité dans l’histoire de Samson. Le don et l’état moral d’un homme, sont deux choses fort différentes. Saül, plus tard un réprouvé, peut être «parmi les prophètes»; Balaam peut bénir Israël; Judas, agir en puissance avec les disciples, tout en étant l’instrument de l’ennemi pour livrer le Seigneur, son Maître.