1 Rois

Chapitre 21

Achab et Naboth

De nouvelles circonstances nous montrent l’état moral du roi. Son cœur est envahi par la cupidité, par la convoitise pour une chose que Dieu ne lui a pas donnée. Or elle est aussi bien une idolâtrie que le culte de Baal (Col. 3:5). Achab, possédé par l’ennemi, a simplement passé d’une idolâtrie à l’autre.

La proposition d’Achab à Naboth est d’une portée plus grande qu’elle ne le paraît au premier abord. Elle tendait à aliéner pour toujours l’héritage de cet Israélite pieux. Faire un échange, ou même donner en argent la valeur de la terre, c’était, pour Achab, prendre définitivement possession de la vigne de son voisin. Or un Israélite, craignant Dieu, ne pouvait accepter de telles conditions. Quand il vendait sa terre, il n’en vendait que les récoltes, et sa possession devant lui retourner au jubilé, le prix en était estimé selon le nombre d’années où l’acheteur en récoltait le produit (Lév. 25:15). Le vendeur avait même le droit de racheter sa terre à chaque instant, en restituant à l’acheteur le surplus des années à passer encore depuis la vente. L’Israélite qui craignait Dieu tenait à l’héritage de ses pères, parce qu’eux-mêmes le tenaient de l’Éternel; mais il avait une raison plus péremptoire encore. En réalité, le pays, le sol lui-même, n’appartenait pas au peuple, mais à l’Éternel: «Le pays ne se vendra pas à perpétuité, car le pays est à moi; car vous, vous êtes chez moi, comme des étrangers et comme des hôtes. Et dans tout le pays de votre possession, vous donnerez le droit de rachat pour la terre» (Lév. 25:23, 24).

Cela fait comprendre la réponse très catégorique de Naboth: «Que l’Éternel me garde de te donner l’héritage de mes pères» (v. 3).

Le v. 4 nous montre l’effet produit par une convoitise irréalisable sur le cœur d’un homme sans Dieu: «Et Achab s’en vint à la maison, triste et irrité». Nous retrouvons ici les mêmes mots qu’à la fin du chapitre 20. Pauvre cœur de l’homme! accablé de tristesse, gonflé d’irritation! Et c’est tout ce qu’il est capable de contenir, lorsque Satan, pour garder son empire sur lui, ne vient pas lui souffler de nouvelles convoitises décevantes. Achab est triste de voir l’objet de son désir mis hors de sa portée; irrité contre une volonté qui y met obstacle et qu’il ne peut fléchir, parce qu’en somme c’est la volonté de Dieu.

Ainsi, de tous côtés, Achab a rencontré Dieu sur son chemin. Derrière la sécheresse et la soif, il avait trouvé Dieu; il l’avait trouvé en face de sa religion, en face de son alliance avec Ben-Hadad, en face de ses convoitises. Dieu, toujours Dieu, ce Dieu qu’il avait cru pouvoir remplacer par ses idoles. Depuis l’égorgement des prêtres, la maison était, il est vrai, balayée et parée, mais déjà de pires démons y étaient entrés.

Qui attise ces mauvais esprits, qui entretient ces convoitises? C’est Jézabel, vrai type de l’esprit satanique (v. 5-14). Jézabel fait le mal, le sachant et le voulant. Elle excite tous les mauvais instincts du cœur de son mari. Elle fait appel à son orgueil: «Est-ce toi qui exerces maintenant la royauté sur Israël?» (v. 7). Elle ajoute: «Moi, je te donnerai la vigne de Naboth, le Jizreélite». Quand un homme a, comme Achab, vendu son âme à Satan, ce dernier ne manque pas de lui faire toute sorte de promesses. Il est le Tentateur. Ce que Dieu ne veut pas te donner, moi, je te le donnerai. Laisse-moi faire; je te donnerai la vigne. Achab laisse faire, parce qu’il y voit la réalisation de sa convoitise. Et maintenant, Achab, «lève-toi, mange du pain, et que ton cœur soit gai». C’est là, en effet, le but constant de la chair: la santé, la gaieté, faire ce que l’on veut et se procurer ce qu’on désire. Mais comment atteindre ce but? Naboth avait dit: «Je ne te donnerai pas l’héritage de mes pères». Jézabel vient et dit: «Je te donnerai la vigne de Naboth». Elle prend Achab par la main et le conduit dans son chemin à elle, chemin de mensonge et de meurtre, sous couleur d’être sa bienfaitrice. Elle «lui donnera», mais en attendant elle s’empare de son autorité, de sa prérogative royale; elle «écrit des lettres en son nom, et les scelle de son sceau» (v. 8). Achab est devenu son esclave. Elle ne recule ni devant les faux témoignages, ni devant le meurtre d’un homme juste pour en donner le profit à sa créature. Cette adoratrice de Baal fait dire aux faux témoins: «Naboth a maudit Dieu et le roi» (v. 10, 13). Elle emploie le nom de Dieu, reconnu par le peuple, mais non par elle, pour détruire un serviteur du vrai Dieu. Jézabel n’a-t-elle pas toujours fait ainsi? Nous la voyons renaître en Apoc. 2, non plus dans le judaïsme, mais dans l’Église, prenant le caractère de prophétesse et accusant les vrais témoins de Dieu de «connaître les profondeurs de Satan», tandis qu’elle-même enseigne à ses enfants à commettre la fornication et à manger des choses sacrifiées aux idoles.

Achab laisse faire le mal et consommer l’iniquité pour en profiter; les hommes de Jizreël, anciens et nobles, le font en connaissance de cause, car les lettres leur disent de choisir deux hommes méchants, fils de Bélial, qui se parjurent afin de perdre Naboth. Ils n’ont guère de scrupules, car il est dans leur intérêt de plaire au roi et de se le concilier.

Naboth est lapidé; le moment est enfin venu pour Achab de jouir du fruit de sa convoitise. «Lève-toi, dit Jézabel, prends possession de la vigne de Naboth, le Jizreélite, qu’il refusa de te donner pour de l’argent, car Naboth n’est pas vivant, mais il est mort» (v. 15).

Achab descend. Va-t-il donc être heureux? C’est le moment pour lui, le but atteint, de montrer cette gaieté que Jézabel lui avait promise. À peine entre-t-il en possession que, sur la vigne même de Naboth, où il venait prendre la mesure de son nouveau domaine, Élie, averti de Dieu, le rencontre. Sa jouissance, son bonheur ont disparu. Satan nous leurre toujours et nous laisse, vis-à-vis de Dieu, après nous avoir trompés et plongés dans le bourbier.

Achab dit à Élie: «M’as-tu trouvé, mon ennemi?» (v. 20). Oui, son ennemi! Il avait pris Satan pour ami, il trouve Dieu comme ennemi. Sur le lieu même de la satisfaction promise, il ne trouve rien de ce qu’il espérait, mais Dieu se dresse devant lui, représenté par son prophète, et lui dit: «As-tu tué, et aussi pris possession?» (v. 19). D’autres avaient tué; Dieu en demande compte à Achab. La joie tant désirée est remplacée par l’affreuse malédiction qui se répète le long de cette lamentable histoire d’Israël. C’est avec les mêmes termes, le jugement de Jéroboam, le jugement de Baësha: «Celui de la maison d’Achab qui mourra dans la ville, les chiens le mangeront, et celui qui mourra dans les champs, les oiseaux des cieux le mangeront» (v. 24, conf. 14:11; 16:4). Et Jézabel n’est pas oubliée: «Les chiens mangeront Jézabel à l’avant-mur de Jizreël» (v. 23). L’exécution du jugement annoncé se fait attendre pour cette dernière (2 Rois 9), mais n’en est pas moins certaine.

Cette fois Achab doit se dire: Le jugement de Dieu m’a atteint. Il se réveille devant le fait que la parole de Dieu contre ses prédécesseurs a été sans repentance. Pour lui qui a fait pis qu’eux tous, le jugement est à la porte.

Que fait Achab? Il s’humilie; il va dans l’affliction, le deuil et le jeûne (v. 27-29), il couche avec le sac qu’il met sur sa chair; il «marche doucement», comme on le pratique dans la maison des morts. Où est son orgueil et son cœur gai, et même sa tristesse de mauvais aloi et son irritation? Il ne reste qu’un deuil sans fond devant le sort inévitable. Est-ce une conversion? Le chapitre suivant nous donnera la réponse. Mais, en attendant, quel Dieu, plein de miséricorde, que le nôtre! S’il découvre le mal, il constate le moindre retour de l’âme au bien, il enregistre le moindre signe de repentance. Il dit à Élie: «Vois-tu comment Achab s’est humilié devant moi? Parce qu’il s’est humilié devant moi, je ne ferai pas venir le mal en ses jours; mais dans les jours de son fils, je ferai venir le mal sur sa maison» (v. 29). Pas un iota de sa Parole ne tombera en terre, mais le jugement sera différé jusqu’aux jours de son héritier.