1 Rois

Chapitre 20

Achab et Ben-Hadad

Depuis que Ben-Hadad, roi de Syrie, avait prêté main-forte à Asa, roi de Juda, contre Baësha, roi d’Israël, il était resté l’ennemi de ce dernier, lui avait pris des villes et avait même acquis, par conquête, certains droits sur Samarie, capitale du royaume (conf. v. 34). Son fils, portant le même nom que lui1, monte contre Achab et assiège Samarie. Revendiquant les droits de son père, il envoie au roi une sommation insolente: «Ton argent et ton or sont à moi, et tes femmes, et tes fils, les plus beaux, sont à moi» (v. 3).

1 Le nom de Ben-Hadad est probablement le titre religieux des rois de Syrie: «fils de Hadad», ou «son adorateur. Le fils de Hazaël se nomme aussi Ben-Hadad (2 Rois 13:3, 25).

Que fait Achab? Lui, devant les yeux duquel venaient de se dérouler les scènes du chap. 18, qui avait entendu son peuple tout entier crier à ses oreilles: «L’Éternel, c’est lui qui est Dieu!» il n’a pas même une pensée pour ce Dieu qui venait de relever, par sa puissance, son culte, auquel Achab avait substitué celui de Baal! (16:31, 32). Achab ne consulte pas l’Éternel, ne lui remet pas sa cause, et, du reste, s’était-il jamais humilié devant Lui? Avait-il essayé d’arrêter le bras de Jézabel, cherchant à mettre Élie à mort? Non, ce cœur mauvais et faible «s’était vendu pour faire le mal, et sa femme Jézabel le poussait» (21:25). Montrant que Dieu lui est étranger, agissant comme s’il n’existait pas, il accepte l’humiliation que lui inflige le monarque gentil: «Selon ta parole, ô roi, mon seigneur, je suis à toi, moi et tout ce que j’ai» (v. 4). Que pouvait-il faire, en effet, contre Ben-Hadad à la tête de toutes ses forces, et accompagné de trente-deux rois? Ainsi raisonnent ceux qui ne connaissent pas Dieu. Mais que lui sert son humiliation devant l’ennemi d’Israël? Ce dernier y prend occasion pour ajouter à la dureté l’outrage: «Tu me donneras ton argent et ton or, et tes femmes, et tes fils; mais demain à cette heure, j’enverrai mes serviteurs vers toi, et ils fouilleront ta maison et les maisons de tes serviteurs, et ils mettront dans leurs mains tout ce qui est désirable à tes yeux, et l’emporteront» (v. 5, 6). Là encore, Achab ne revient pas à Dieu; il est plus important pour lui de convoquer et de consulter les anciens du pays. Eux sont pour la résistance, lui, pour accepter les premières conditions et pour refuser les secondes. À cette réponse, la rage de Ben-Hadad ne connaît plus de bornes. Achab réplique fièrement: «Que celui qui se ceint ne se vante pas comme celui qui délie sa ceinture» (v. 11), mais Dieu n’y est toujours pour rien.

Une grande multitude est rangée contre la ville. Dieu intervient par un prophète dont le nom ne nous est pas révélé: «Vois-tu toute cette grande multitude? Voici, je l’ai livrée aujourd’hui en ta main, et tu sauras que moi, je suis l’Éternel» (v. 13). Quel motif avait l’Éternel pour parler ainsi? L’état du cœur d’Achab? Nous venons de voir son endurcissement. Mais Israël, devant le miracle d’Élie, avait reconnu le vrai Dieu. Pouvait-il ne pas montrer sa grâce au moindre symptôme de retour du peuple vers Lui? Quant à Achab, Dieu lui dit: «Tu sauras que moi, je suis l’Éternel». S’il ne l’avait pas appris auparavant sous le fardeau des jugements de Dieu, cette délivrance miraculeuse allait peut-être toucher son cœur, pour le restaurer. Touchante patience de Dieu, même envers les plus profanes, les plus indifférents, les plus endurcis. Le Dieu que l’homme repousse, au lieu de se lasser, revient à lui comme Dieu de grâce et de délivrance!

Dans ce moment critique, Achab semble disposé à laisser Dieu agir; aussi bien n’a-t-il pas d’autre ressource. Le prophète répond catégoriquement à ses demandes. Les «serviteurs des chefs des provinces», par qui l’armée ennemie sera livrée en la main d’Achab, ne sont qu’une poignée vis-à-vis de cette multitude. Au lieu d’attendre l’assaut de l’ennemi, c’est Achab qui engagera le combat et son armée ne compte que sept mille hommes! Achab suit la parole du prophète, et en ce jour-là les Syriens subissent une grande défaite.

Aucun mouvement de reconnaissance ne se produit dans le cœur du roi. Dieu l’avertit par le prophète qu’au retour de l’année, Ben-Hadad l’attaquera de nouveau. Il s’agit cette fois de prouver aux Syriens qu’Israël n’a pas obtenu la victoire par «ses dieux de montagne». Ben-Hadad a beau changer l’organisation de son armée et le lieu du combat, les Israélites, en nombre comme deux petits troupeaux de chèvres, frappent, en un seul jour, cent mille hommes à l’ennemi; la muraille d’Aphek tombe sur ceux qui restent. C’est ainsi que les Syriens ont dû apprendre ce qu’était l’Éternel et qu’Israël a pu le savoir.

Ben-Hadad s’enfuit dans la ville et se sauve de chambre en chambre. Les serviteurs s’offrent pour implorer la clémence du vainqueur; car ils ont entendu dire que les rois de la maison d’Israël sont des rois doux et cléments. Humiliés et vaincus, ils viennent en suppliants parler pour leur roi: «Je te prie, laisse vivre mon âme» Achab répond: «Il est mon frère», quand Dieu l’avait livré entre ses mains pour le détruire. L’idolâtre qui assimilait l’Éternel à «des dieux de montagnes», est le frère du roi d’Israël! Quel outrage à la gloire et à la sainteté de Dieu, que ce mot: «Il est mon frère!» Achab fait monter Ben-Hadad sur son char, conclut une alliance avec lui et le renvoie. Le roi de Syrie lui restitue les villes que son père lui avait prises. Le monde aime et reconnaît cette clémence et cette aménité. Que de fois, ceux qui devraient être les témoins de Dieu devant le monde, disent à ce dernier: «Mon frère, mes frères!» Triste parole qui abuse le monde et renie le caractère chrétien. Non, les chrétiens sont d’une autre famille que le monde; ils sont enfants de Dieu; celui-là a le prince du monde pour père.

Mais, direz-vous, les hommes ne sont-ils pas tous frères, étant tous des pécheurs? Non pas, puisque les chrétiens peuvent et doivent dire: Lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous» (Rom. 5:8). Donc ils ne le sont plus et ne peuvent s’appeler frères de ceux qui le sont encore. Il est vrai qu’il y a «un seul Dieu et Père de tous», dans le sens des rapports de Dieu avec ses créatures, mais même dans cette acception, celles de ses créatures qui Lui appartiennent par la foi peuvent seules ajouter: «Il est en nous tous», ce qui exclut absolument le monde d’aucune intimité avec Lui dans cette relation (Éph. 4:6).

Appeler Ben-Hadad son frère! Le misérable Achab montrait à nu l’état de son cœur, lui, la veille encore, sectateur de Baal et qu’une double délivrance opérée en sa faveur n’avait pas amené à se repentir.

Voici venir un second prophète (v. 35-43). Celui du v. 13 annonçait la délivrance; celui-ci le jugement d’Achab. Quelle patience de la part de Dieu! Même au chapitre suivant, il tarde encore à prononcer le dernier mot du jugement! Mais auparavant nous apprenons à connaître la discipline de Dieu envers les siens. «L’homme d’entre les fils des prophètes dit à son compagnon, par la parole de l’Éternel: Frappe-moi, je te prie. Et l’homme refusa de le frapper». Si cet homme n’était pas prophète lui-même, il était en tout cas «compagnon de prophète». La discipline de Dieu envers les siens est d’autant plus sévère, qu’ils sont dans une position plus privilégiée. Nous avons ici un cas différent de celui du prophète de Juda, au chap. 13. Ce dernier, ayant une parole positive de l’Éternel pour agir, l’abandonne pour suivre une autre parole qui s’affirmait comme parole de Dieu, et il trouve le lion sur le chemin. Ici, un compagnon du prophète refuse de faire selon la parole de l’Éternel. Il ne veut pas frapper et blesser son compagnon quand Dieu le lui ordonne. Il était bien intentionné, direz-vous; il aimait trop son compagnon pour lui faire du mal; sans doute, mais il y avait une parole impérative! Dieu donnait l’ordre. Vous objecterez encore que cet homme ne comprenait pas l’utilité de ce qui lui était ordonné; mais, devant la parole de l’Éternel, la question n’était pas de comprendre; il fallait obéir. Et de fait, il lui était impossible de comprendre; il ne pouvait ni ne devait se rendre compte de ce que Dieu voulait faire. La seule chose est qu’il y avait un ordre formel, et «par la parole de l’Éternel». Cet homme pouvait-il l’ignorer? Non, il était le compagnon du prophète et devait connaître la parole de Dieu. L’homme de Dieu de Juda devait savoir que la parole du vieux prophète ne pouvait pas être la parole de Dieu; celui-ci devait savoir que la parole de son compagnon était la parole de l’Éternel. Plus notre position nous met en rapport direct avec Dieu, moins nous avons d’excuse, quand nous traitons la parole de Dieu comme si elle ne l’était pas.

Une désobéissance positive à la Parole est une chose infiniment grave, et combien de vies de chrétiens ne se composent que de pareilles désobéissances! Les chrétiens se demandent souvent pourquoi ils rencontrent le lion sur leur chemin, sans pouvoir répondre à cette question. Ne devraient-ils pas s’enquérir en tout premier lieu s’ils ont ou n’ont pas voulu se soumettre à la parole de Dieu, quand elle leur a montré Sa volonté d’une manière positive? D’habitude, on cherchera partout ailleurs la raison des châtiments de Dieu sur ses enfants ou sur ses serviteurs. Le jugement de cet homme l’atteint, «parce qu’il n’a pas écouté la voix de l’Éternel» (v. 36).

«Un autre homme», qui ne semble pas avoir été avec le prophète, dans des relations aussi intimes que le premier, écoute et obéit. Il frappe fort et le blesse. Il ne cherche pas à comprendre, mais fait ce que Dieu lui dit.

Maintenant le prophète peut se présenter devant Achab avec les preuves certaines de ce qui lui arriverait. Dieu avait dit: frappe! Il s’y était refusé. Maintenant un autre frapperait Achab et le blesserait. Son sort était fixé.

Achab, comme David lorsque Nathan vint à lui, est obligé de prononcer son propre jugement (v. 40). Il était aveuglé; le bandeau qu’il voyait sur les yeux du prophète était le bandeau qu’il avait sur ses propres yeux, et il n’en savait rien! Tout à coup la parole de Dieu, comme un vent impétueux de jugement, retentit à ses oreilles: Parce que tu as laissé aller d’entre tes mains l’homme que j’avais voué à la destruction, ta vie sera pour sa vie, et ton peuple pour son peuple» (v. 42).

La repentance, la contrition d’esprit, vont-elles enfin pénétrer dans ce cœur endurci? «Et le roi d’Israël alla en sa maison, triste et irrité, et il vint à Samarie» (v. 43).

«Triste et irrité», ces deux choses le dépeignent. «Triste»: oh! comme cela caractérise le monde! Il fait sa propre volonté et il est triste. Il n’y a jamais de joie dans le chemin de la désobéissance et de la révolte contre Dieu. Le chrétien seul peut réellement connaître la joie, et une «joie accomplie». La Parole, le Seigneur lui-même, nous indiquent où elle se trouve. Dans l’obéissance à ses commandements, qui est elle-même son amour réalisé (Jean 15:9-14); dans la dépendance, fruit de la nouvelle nature que nous tenons de Lui (Jean 16:24); dans l’assurance que nous donne la connaissance de notre union avec Lui (Jean 17:11-13); enfin, dans la communion avec le Père et avec le Fils (1 Jean 1:3, 4).

Combien toutes ces choses manquaient à cet homme misérable qui avait cru pouvoir suivre ses propres pensées en dépit de la parole de Dieu. Quelque impie que fût Achab, Dieu le jugeait selon la position favorisée dans laquelle il avait été placé. On a coutume, dans la chrétienté, de raisonner sur le sort réservé par la justice divine aux pauvres idolâtres. Il est certain qu’ils seront jugés selon les témoignages qu’ils ont reçus et par lesquels ils pouvaient connaître Dieu (Actes 14:15-17); mais on n’entend pas le monde chrétien raisonner sur ce qui l’attend lui-même. Le sort d’Achab est plus terrible que celui de Ben-Hadad.

La Parole dit aussi qu’Achab fut «irrité». La tristesse du roi n’était pas celle qui mène à la repentance, mais à l’irritation. Contre qui? Contre Dieu. Le roi trouverait-il donc à tout moment Dieu sur son chemin? Venez, dit le monde, nous parler de l’amour de Dieu, quand il nous ôte la santé, ou des êtres chers, ou notre fortune! Vraiment! ne vaudrait-il pas mieux faire le mal comme les autres, au lieu de chercher à se bien conduire, puisque Dieu nous traite si injustement? C’est une des mille formes de cette irritation qui remplit les cœurs des hommes contre Dieu. Mais quand il y a une certaine connaissance de la Parole, comme chez Achab, on ne peut plus s’étourdir en faisant le mal. C’était facile, aux temps passés, avant l’apparition d’Élie qui venait «troubler Israël». Maintenant la Parole est là; on ne peut la secouer; elle ronge le cœur, ne lui laisse pas de repos. Cette parole du prophète a soulevé le voile de l’avenir. Peut-être n’en sortira-t-il rien... mais qui peut le savoir? Il est un fait, c’est que, dans la vie du monarque, cette Parole s’est constamment accomplie et si souvent en bénédictions imméritées auxquelles il n’a pas pris garde. Les menaces s’accompliront-elles? Le prophète a dit: «Ta vie sera pour sa vie». Il n’a pas dit quand. Et si c’était aujourd’hui? ou demain? Ne pouvait-il donc me laisser tranquille? Il y a bien de quoi être «triste et irrité». Le ver rongeur est là; il a commencé son œuvre, le ver qui ne meurt point!