1 Rois

Chapitre 11

V. 1-13 — Cause de la ruine du royaume

Dans ce chapitre, nous abordons l’histoire du roi responsable, que le second livre des Chroniques passe complètement sous silence.

Jusqu’ici, quoiqu’il s’agisse d’un homme, et par conséquent d’un être imparfait, nous avons pu voir dans la vie de Salomon une belle unité, jointe à la sagesse qui portait bien haut parmi les nations le nom du roi, associé au nom de l’Éternel. La grandeur, la majesté, la puissance, la richesse de ce règne, n’étaient qu’une faible image de ce que l’on verra dans le millénium sous le règne du vrai roi de gloire.

Maintenant, Dieu nous signale la tache de ce règne. Ce n’était pas l’alliance avec la fille du Pharaon, car elle était indispensable pour que Salomon pût être un type de Christ dans son gouvernement. Joseph, en son temps, avait contracté une union semblable; les fils qui en étaient issus avaient donné leur nom à deux tribus d’Israël, après avoir reçu la bénédiction du patriarche, père du peuple. De plus, Salomon avait agi selon les pensées de Dieu envers cette épouse gentile, et les Chroniques ont soin, comme nous l’avons vu plus haut, de nous montrer que le roi ne lui donnait pas une place de proximité immédiate avec l’arche de l’alliance et la cité du fils de David. Ainsi, ce n’était pas du fait de cette union, que le blâme tombait sur Salomon, dont le type millénaire, «la lumière des nations», dépassait nécessairement les traits ordinaires d’un roi d’Israël. Aussi la Parole donne-t-elle parmi les femmes étrangères une place à part à la fille du Pharaon (v. 1).

«Mais le roi Salomon aima beaucoup de femmes étrangères, outre la fille du Pharaon: des Moabites, des Ammonites, des Édomites, des Sidoniennes, des Héthiennes, d’entre les nations dont l’Éternel avait dit aux fils d’Israël: Vous n’entrerez pas vers elles, et elles ne viendront pas vers vous; certainement elles détourneraient vos cœurs après leurs dieux.... Et ses femmes détournèrent son cœur» (v. 1-3). Le péché de Salomon est d’avoir «aimé beaucoup de femmes étrangères». Ces dernières avaient joué un rôle relativement restreint dans la vie de David et cependant, comme nous l’avons vu en 2 Samuel, il en avait porté, dans ses enfants, de tristes et souvent terribles conséquences. Par la discipline même qui avait été la suite de ces alliances prohibées, Dieu avait jadis gardé son oint des pièges qu’elles auraient pu tendre à sa piété. Mais si ses convoitises l’avaient entraîné dans l’affaire de Bath-Shéba, une fille d’Israël, les convoitises de Salomon le portent du côté des femmes étrangères. Et cependant Dieu avait dit: «Tu ne t’allieras point par mariage avec elles, tu ne donneras pas ta fille à leur fils, et tu ne prendras pas leur fille pour ton fils; car ils détourneraient de moi ton fils, et il servirait d’autres dieux, et la colère de l’Éternel s’embraserait contre vous, et te détruirait aussitôt» (Deut. 7:3, 4), et encore: «De peur que... tu ne prennes de leurs filles pour tes fils, et que leurs filles ne se prostituent après leurs dieux et ne fassent que tes fils se prostituent après leurs dieux» (Ex. 34:16).

En tête de cette liste humiliante, nous trouvons les Moabites qui avaient entraîné Israël dans l’idolâtrie de Baal-Péor, en s’emparant de lui par la convoitise de la chair (Nomb. 25:1-5). Toutes ces nations, les Ammonites, les Édomites, les Sidoniens, aux frontières de Canaan, haïssaient Dieu et son peuple. Les Héthiens, cités en dernier lieu, auraient dû être exterminés et ne l’avaient jamais été. Salomon désobéit ouvertement à Dieu qui avait dit à son peuple: «Vous n’entrerez pas vers elles, et elles n’entreront pas vers vous». Il y avait double défense. Nous sommes en danger d’aller au monde ou de le laisser venir à nous. Peut-être la seconde éventualité est-elle plus dangereuse encore que la première. Par conscience envers Dieu, le chrétien s’abstiendrait peut-être d’un acte de propre volonté ou de désobéissance qui le porterait à aller au monde, tandis que ce dernier le séduit plus facilement en venant à lui. Il s’insinue peu à peu dans nos maisons et dans notre vie et souvent, quand nos yeux s’ouvrent au danger, il est déjà trop tard. «Certainement, avait dit l’Éternel, elles détourneraient vos cœurs après leurs dieux». L’alliance avec le monde nous conduit nécessairement à la religion du monde. Parole sérieuse et bien digne d’être pesée aujourd’hui par toute âme pieuse. Dans la proportion où nous évitons ou cultivons cette alliance, notre religion revêtira un caractère céleste ou terrestre. «Salomon s’attacha à elles par amour». Et c’était ce même roi dont les lèvres, par l’inspiration divine, avaient distillé la sagesse pour d’autres, et leur avaient montré le chemin qu’il faut suivre à l’égard de l’étrangère, de peur de tomber «dans toute sorte de mal au milieu de la congrégation et de l’assemblée!» (Prov. 5:1-14). C’était lui, qui, au chap. 7 du livre des Proverbes, avait insisté sur les terribles conséquences d’une mauvaise conduite. Quel aveuglement! Quel triste spectacle! Il avait enseigné les autres et ne s’enseignait pas lui-même; lui, chef responsable du peuple, faisait les choses dont le peuple s’abstenait, mais qui, le roi venant à faillir, attiraient le jugement, non seulement sur lui, mais sur ceux qu’il aurait dû paître, conduire et protéger

«Ses femmes détournèrent son cœur»: parole répétée au v. 4. Chose terrible, quand «ce qui est dans le monde» se loge dans le cœur et s’en empare, détournant ainsi les affections de leur seul objet, pour les porter sur des objets vils, honteux et coupables. Il est à remarquer que ces choses ne se produisent pas spontanément dans la vie de l’homme de foi, ou du moins que leurs conséquences ne se développent pas tout à coup. «Il arriva, au temps de la vieillesse de Salomon, que ses femmes détournèrent son cœur après d’autres dieux». Il fallut du temps pour que la semence charnelle portât du fruit. Qui aurait pu croire que le Salomon du temple, jadis à genoux, étendant aux yeux du peuple ses mains vers Dieu, deviendrait un idolâtre? On l’appellerait peut-être aujourd’hui un cœur large, respectant la liberté de conscience des autres; on décorerait cette idolâtrie de quelque belle étiquette humanitaire et sociale. Mais qu’importent les opinions des hommes; la question est ce que Dieu en pense: Dieu est déshonoré. «Salomon fit ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel». Bâtir des hauts lieux pour les femmes étrangères et les laisser sacrifier à leurs dieux était, non pas de l’indifférence, assez haïssable en elle-même; c’était s’associer à leurs cultes et s’en rendre solidaire. Aussi est-il dit: «Salomon alla après Ashtoreth (la Vénus Astarté), la divinité des Sidoniens, et après Milcom, l’abomination des Ammonites». Il est considéré lui-même comme un adorateur d’idoles: «Il ne suivit pas pleinement l’Éternel, comme David, son père», c’est-à-dire: il ne le suivit pas jusqu’au bout. Et pourtant l’Éternel «s’était révélé à lui deux fois», la première à Gabaon; la seconde après la consécration du temple. Dieu l’avait averti au sujet du culte des idoles (9:6-9), lui en montrant les suites terribles pour le peuple; et lui, n’avait pas gardé son commandement! David avait commis des fautes graves et humiliantes, mais du moins, il avait toujours l’Éternel en vue. Même après sa chute, son premier mot est: «J’ai péché contre l’Éternel». Toute l’affliction de cet homme de foi n’avait pour but que la gloire de son Dieu, et la fin de sa vie avait exalté la grâce unie au jugement complet de lui-même. Il n’en fut pas ainsi de Salomon. On n’entend pas même chez lui le cri d’une conscience atteinte, quand le mot terrible: «Parce que tu as fait cela», retentit à ses oreilles, comme jadis le mot: «Parce que tu m’as méprisé», aux oreilles de son père. Nous allons même apprendre quels sentiments très différents la discipline de Dieu fait naître dans son cœur. Mais Dieu veut qu’il sache tout ce qui arrivera. Le royaume, ce royaume de gloire, étendu par la puissance divine jusqu’aux confins des nations, lui sera violemment arraché; son fils ne gardera qu’une tribu, Juda, car Benjamin compte à peine. En un moment, puissance, majesté, richesse, gloire sans précédent, soumission des peuples, tout va s’effondrer, et il ne restera au milieu de la tempête qu’un pauvre résidu conservé par Dieu comme une faible barque qui a tout perdu, rames, voiles, mâts et cordages, sauf toutefois sa boussole et son gouvernail. Quant à l’homme, c’en est fait de ce royaume. Mais quelle perspective future! Après le jugement du royaume de Satan, de la Bête et du faux prophète, le royaume du Salomon divin réapparaîtra comme le soleil qui luit dans sa force, pour ne dépendre plus de l’obéissance faillible de l’homme, mais de l’infaillible responsabilité du Roi, que Dieu oindra sur Sion, la montagne de sa sainteté.

 

V. 14-43 — Les ennemis

Dieu ne se borne pas à faire connaître à Salomon le jugement qui, par égard pour David son père, au lieu de tomber sur lui-même, atteindra Roboam, son fils; mais l’infidélité du roi attire aussi sur lui la discipline du Seigneur pendant les dernières années de son règne. La paix, fruit caractéristique de ce règne, est détruite; Salomon traverse une période qui abonde en troubles, en séditions, en entreprises contre son trône; des nations, comme l’Égypte, qui s’honoraient autrefois de son alliance, nourrissent, élèvent en dignité, soutiennent ses pires ennemis. Tous les liens se relâchent. Le joug du roi s’appesantit fortement sur le peuple, pour éviter des séditions à l’intérieur. De là un mécontentement mal réprimé qui se fera jour à l’occasion (12:4).

Dieu suscite à Salomon des ennemis d’entre les nations vers lesquelles ses convoitises l’avaient porté. Édom était rempli d’une haine mortelle contre Israël, parce que David, par la main de Joab, avait retranché tous les mâles de son pays (2 Sam. 8:13, 14; 1 Chron. 18:12; Ps. 60, v. 1, 2). Hadad avec quelques serviteurs s’était échappé. Mais sa haine était-elle moins vive, parce que Salomon avait pris des Édomites pour femmes? Hadad s’enfuit en Égypte, est accueilli à la cour du Pharaon, devient son beau-frère, et son fils est reçu parmi les héritiers du trône. Où vont les sympathies et les faveurs du monde? Non pas à David, mais à l’ennemi de David. Un sentiment parle plus haut dans le cœur de Hadad, que les honneurs et les délices de la cour d’Égypte: la haine — la haine contre Salomon. Il quitte tous ses avantages pour la satisfaire. La conduite des satellites de David en avait sans doute fourni le motif, mais Joab et David étant morts, la haine persiste. C’est qu’au fond la haine du monde se porte toujours sur l’oint de l’Éternel, et que la conduite plus ou moins blâmable des croyants ne lui sert que de prétexte.

Un second adversaire est Rezon, serviteur d’Hadadézer, roi de Tsoba, que David avait mis en pièces (2 Sam. 8:3-8; 10:6). Rezon devient roi de Damas et règne sur la Syrie. «Il déteste Israël» (v. 23-25).

Le monde est comme Hadad et Rezon. Tant que nous gardons vis-à-vis de lui la place que la croix de Christ nous autorise à prendre, la croix, «par laquelle le monde nous est crucifié, et nous au monde» (Gal. 6:14), tant que nous considérons le monde comme un ennemi vaincu (Jean 16:33), il ne remue pas. Faisons alliance avec lui, il ne peut oublier sa défaite et, tout en gardant peut-être des dehors d’indifférence, ne nous en hait pas moins.

Le dernier, le plus dangereux ennemi de Salomon, est l’ennemi du dedans, Jéroboam (v. 26-40). Il était «serviteur de Salomon», Éphratien ou Éphraïmite. Salomon l’avait préposé sur Éphraïm pour le travail des fortifications de Millo, qui défendait Jérusalem des ennemis venant du nord. C’était une mesure des plus dangereuses, mais que pouvait prévoir Salomon? Dieu seul savait. Par ses fonctions, Jéroboam possédait tous les secrets de la forteresse et s’acquérait en outre les sympathies de sa propre tribu. De même, quand surgissent des difficultés au milieu du peuple de Dieu, le plus grand danger provient de ceux qui, par leur activité, se sont approprié les principes de leurs frères et ont réussi à se substituer à Christ en acquérant les sympathies du grand nombre. De ces choses ils se font des armes pour battre en brèche le peuple de Dieu. Leurs motifs sont en apparence désintéressés; ils voudraient, comme Jéroboam, délivrer le peuple d’un joug difficile à porter; en réalité, ce sont des instruments de Satan pour détruire le témoignage de Dieu, comme nous ne tarderons pas à le voir. Et pourtant ils sont serviteurs de Christ, comme Jéroboam l’était de Salomon!

Maintenant un prophète apparaît. Comme Samuel au temps de la ruine de la sacrificature, la chute de la royauté suscite le prophète. Il devient, comme le cours de ces livres le démontre d’une manière si frappante, le lien entre le peuple et Dieu, quand la royauté responsable a failli. Akhija, le prophète, rencontre Jéroboam hors de Jérusalem. Il déchire le manteau neuf dont il est revêtu (en effet le royaume était encore tout neuf) et en donne dix parts à Jéroboam. En ce moment-là, le royaume est arraché des mains de Salomon, quoique le fait ne se réalise que plus tard. Une tribu reste à la maison de David, en vertu du libre choix de la grâce à l’égard de David et de Jérusalem. «Ils m’ont abandonné, dit l’Éternel, et ont adoré Ashtoreth, la divinité des Sidoniens, Kemosh, le dieu de Moab, et Milcom, le dieu des fils d’Ammon, et n’ont pas marché dans mes voies pour pratiquer ce qui est droit à mes yeux, et mes statuts et mes ordonnances, comme David, son père» (v. 33). «Ils», c’était Salomon, le roi! Sans doute, tout le peuple a suivi plus tard le même chemin, mais dans ce moment-là, un seul avait péché, le roi. Placé vis-à-vis de Dieu, dans une position de responsabilité pour tout le peuple, son infidélité attirait le jugement sur Israël. Quelle grave punition Salomon avait encourue!

Au v. 34, Dieu, revenant toujours à la grâce qu’il a manifestée à David, ajoute: «Je donnerai une tribu à son fils, afin qu’il y ait toujours une lampe pour David, mon serviteur, devant moi, à Jérusalem, la ville que je me suis choisie pour y placer mon nom» (v. 36). La grâce est davantage aux yeux de Dieu, que toute la gloire, ou plutôt la grâce est la part la plus précieuse de la gloire, car elle est, pour ainsi dire, à la tête de toutes les perfections divines.

«Si tu écoutes, dit Akhija à Jéroboam, tout ce que je te commanderai, et si tu marches dans mes voies et que tu fasses ce qui est droit à mes yeux, en gardant mes statuts et mes commandements, comme a fait David, mon serviteur, alors je serai avec toi, et je te bâtirai une maison stable, comme je l’ai bâtie pour David, et je te donnerai Israël» (v. 38). Une nouvelle responsabilité incombe maintenant à Jéroboam. Dieu lui donne une position privilégiée. Sa maison devait être aussi stable que celle de David, s’il écoutait les commandements de l’Éternel. Mais Dieu y apporte une restriction: «J’humilierai la semence de David, à cause de cela, seulement pas à toujours» (v. 39). Au moment voulu, la grâce sur laquelle était fondé le royaume de David, reprendra ses droits, car ce n’est pas sur elle, mais sur la responsabilité qu’est établi le royaume de Jéroboam et même de Salomon. Les promesses de Dieu sont sans repentance; il trouve ses délices dans la grâce. C’est ainsi que le royaume futur du vrai roi de gloire sera fondé sur une nouvelle alliance, sur une alliance de grâce, où Dieu seul est engagé, sur une nouvelle création — ce que n’était pas le royaume de Salomon.

«Seulement pas à toujours»: on trouve, dans les voies de Dieu, des périodes où le jugement éclipse la grâce, pour ainsi dire. Ce n’est pas que la grâce n’existe plus: elle reste absolument la même, mais elle cesse de paraître pour que d’autres perfections de la gloire divine, comme la justice en jugement, puissent être manifestées. Ainsi le soleil qui a plus de cent fois le diamètre de la terre est éclipsé par l’ombre de cette dernière. L’éclipse passée, l’astre immense reprend son éclat, car l’ombre qui le couvrait ne lui ôtait rien de sa splendeur, sauf pour les yeux des hommes.

Salomon cherche à faire mourir Jéroboam (v. 40). Tels sont les sentiments produits dans son cœur par la discipline! L’obstacle que Dieu lui suscite, au lieu de l’amener humilié en Sa présence, humblement soumis à son châtiment, ne fait que l’irriter et le pousser à s’en affranchir. Triste chose, qu’un cœur ayant perdu la communion avec Dieu et ne se jugeant pas lui-même. Qu’est devenu Salomon, le roi de justice? Son cœur n’est plus droit devant Dieu. Comme il est éloigné de ses commencements!

Jéroboam s’enfuit en Égypte et y demeure jusqu’à la mort de Salomon.

Tous les faits relatés dans ce chapitre 11, manquent au second livre des Chroniques, mais deux mots du chapitre 9 nous font comprendre qu’ils sont omis à dessein. «Et le reste des actes de Salomon, les premiers et les derniers, ne sont-ils pas écrits dans les paroles de Nathan, le prophète, et dans la prophétie d’Akhija, le Silonite, et dans la vision de Jehdo, le voyant, touchant Jéroboam, fils de Nebath?» (2 Chron. 9:29). Une omission de la Parole a toujours un but, et ce but, nous l’avons assez souvent signalé pour ne pas être obligé d’y revenir.

 

Deux Psaumes

En terminant cette histoire, nous désirons placer devant nos lecteurs deux Psaumes, dont le premier a Salomon pour objet, et dont l’autre a été composé par lui. L’espace nous manquerait, s’il s’agissait d’exposer la sagesse de Salomon dans les divers écrits dont il est l’auteur inspiré. Nous nous bornerons donc à ce court appendice.

Le Psaume 72 est un Psaume «au sujet de Salomon»; la raison humaine peut même douter à première vue que ce Psaume soit prophétique et s’applique au règne de Christ, tant les détails s’adaptent exactement à celui de Salomon. «Il dominera d’une mer à l’autre mer, et depuis le fleuve jusqu’aux bouts de la terre. Les habitants du désert se courberont devant lui, et ses ennemis lécheront la poussière. Les rois de Tarsis et des îles lui apporteront des présents, les rois de Sheba et de Seba lui présenteront des dons. Oui, tous les rois se prosterneront devant lui, toutes les nations le serviront» (v. 8-11). «Il vivra, et on lui donnera de l’or de Sheba, et on priera pour lui continuellement; et on le bénira tout le jour» (v. 15). Quant à son caractère: «Il jugera ton peuple en justice, et tes affligés avec droiture» (v. 2). Quant aux bénédictions de son règne: «En ses jours le juste fleurira, et il y aura abondance de paix» (v. 7). «Il y aura abondance de froment sur la terre, sur le sommet des montagnes; son fruit bruira comme le Liban; et les hommes de la ville fleuriront comme l’herbe de la terre» (v. 16). «Toutes les nations le diront bienheureux» (v. 17).

En vérité, il ne manque guère ici un seul trait caractéristique du règne qui vient de nous occuper. Cependant une chose s’y trouve, qui n’est pas mentionnée dans le règne de Salomon: la grâce. C’est aussi pourquoi ce règne parle moins au cœur et à la conscience que celui de David. Salomon, dans toute sa gloire, n’était pas vêtu comme un lis des champs. Sa gloire parlait moins à l’âme que la tendre sollicitude d’un père pour ses enfants, et la grâce dont son amour les entourait. Ce courant de la grâce, qui caractérise bien plus David que Salomon, nous le retrouvons tout du long de notre Psaume.

Il nous faut donc regarder à Celui qui réunira dans sa personne les caractères attribués à ces deux hommes de Dieu, pour comprendre le règne millénaire du Messie. Son règne de justice ne dépassera pas seulement par sa splendeur et sa durée le règne, si misérablement interrompu, de Salomon, car on le craindra «de génération en génération, tant que dureront le soleil et la lune» (v. 5), et «il y aura abondance de paix, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de lune» (v. 7), mais il débutera comme celui de Salomon n’a jamais débuté: «Il descendra comme la pluie sur un pré fauché» (v. 6), apportant la bénédiction céleste là où le jugement a fait son œuvre et n’a rien laissé à récolter. Sous sa douce influence va naître une nouvelle récolte. David avait prédit cela d’un plus grand que son fils: «Par sa clarté l’herbe tendre germe de la terre après la pluie» (2 Sam. 23:4). Voyez dans notre Psaume ce caractère de grâce, apportant les compassions, la délivrance, le salut, pour sortir les affligés de dessous le joug de l’oppresseur: «Il jugera tes affligés avec droiture» (v. 2). «Il fera justice aux affligés du peuple, il sauvera les fils du pauvre, et il brisera l’oppresseur» (v. 4). «Il délivrera le pauvre qui crie à lui, et l’affligé qui n’a pas de secours» (v. 12). «Il aura compassion du misérable et du pauvre, et il sauvera les âmes des pauvres» (v. 13). «Il rachètera leur âme de l’oppression et de la violence, et leur sang sera précieux à ses yeux» (v. 14). C’est ce qui donne un cachet incomparable au règne glorieux de Christ, comme il est dit encore: «Je rassasierai de pain ses pauvres» (Ps. 132:15). Ainsi pensait le Messie rejeté sur la terre quand il nourrissait les foules, et si le peuple avait voulu de Lui, il se serait montré comme le Messie entrant dans son règne. Mais quand il prendra sa puissance en main et luira sur le monde comme Soleil de justice, il se réjouira dans l’œuvre de sa grâce et apportera la santé dans ses ailes.

Le Psaume 127 est le seul dont Salomon soit proprement l’auteur. Il parle de la maison, le grand objet de son règne; mais il annonce un temps futur où les hommes se mettront à la bâtir et à travailler en vain, à veiller en vain pour garder la ville contre l’ennemi. Telle chose n’avait pas lieu sous son sceptre. Ce que Salomon avait établi n’était donc pas définitif; ce que les hommes établiront le sera encore moins. Mais les jours viendront où l’Éternel lui-même bâtira la maison et gardera la ville. Alors son Bien-aimé pourra enfin trouver «le sommeil», le repos dont il est dit: «Il se reposera dans son amour» (Soph. 3:17). Alors il aura des fils, comme héritage de l’Éternel, un peuple nouveau, la rosée d’une jeunesse qui lui viendra du sein de l’aurore (Ps. 110:3). Alors il sera appelé bienheureux.

Salomon, comme David, regarde à Christ. Chacun d’eux sait qu’il ne peut être le juste dominateur des hommes. Tous deux se réjouissent de voir leur dignité confiée à Celui qui n’en fera jamais usage que pour la gloire de Dieu.