1 Rois

Henri Rossier

Introduction

Le second livre de Samuel présente l’établissement, par David, du royaume d’Israël1; le début du premier livre des Rois nous montre ce royaume, définitivement établi par Salomon. Il est à remarquer que le règne de Salomon forme un tout continu avec celui de David. La mort du vieux roi n’occasionne pas même une interruption momentanée, Salomon s’étant assis, du vivant de David, sur le trône de son père. C’est qu’il s’agit, en type, d’un règne continu, qui, tout en offrant des caractères très tranchés, suivant l’une ou l’autre de ses périodes, les réunit toutes deux, dans une unité indissoluble et absolue.

1 Méditations sur le second livre de Samuel, par H. R.

À le considérer dans son unité, ce règne commence par la réjection du vrai roi d’Israël (1 Samuel), se consolide, après la victoire, au milieu des dissensions du peuple et des combats (2 Samuel), se trouve enfin établi en paix, en justice et en gloire, au commencement du livre qui nous occupe. Ce récit, comme du reste la Parole tout entière, porte nos regards sur Christ et nous présente son règne dans toutes ses phases diverses. Rejeté comme Messie, il entre de nouveau sur la scène au temps de la fin, rassemble graduellement Juda et les tribus d’Israël sous son sceptre, étend par des jugements, mais aussi en grâce, sa domination sur les peuples, jusqu’à l’établissement final de la royauté millénaire universelle. Il jouit alors, en paix et en justice, de son triomphe, et y associe son peuple terrestre.

Nous trouvons ainsi, dans ces livres, l’exposé de l’ensemble des conseils de Dieu quant à l’héritage terrestre du Messie, Oint de l’Éternel, vrai David et vrai Salomon. À part la période des afflictions de David, ces conseils n’ont pas encore trouvé leur plein accomplissement, mais se réaliseront dans le millénium, quand le Seigneur sera établi sur son trône, comme roi d’Israël et des nations, comme roi de justice et de paix, vrai Melchisédec, sacrificateur à perpétuité.

Ces livres présentent encore un autre caractère, très important à considérer, sans lequel on courrait continuellement le danger d’appliquer faussement les types qu’on y rencontre. Ce caractère, nous l’avons déjà fait ressortir au sujet du second livre de Samuel: Le roi établi de Dieu est un homme responsable. Cette responsabilité, qui reposera sur le Christ avec toutes ses conséquences glorieuses et bénies, mène nécessairement à la ruine des hommes faillibles et pécheurs, lorsqu’elle est placée entre leurs mains. Les deux livres des Rois nous présentent donc la ruine de la royauté entre les mains de l’homme, et son jugement définitif.

En maintenant la certitude de ses conseils de grâce, Dieu maintient tout aussi fermement la certitude de ses jugements au cas où le roi ne répondrait pas aux exigences de sa sainteté. Ces deux courants, la grâce et la responsabilité, marchent parallèlement, sans jamais se confondre. Au chap. 7 du second livre de Samuel, v. 13-16, les paroles de l’Éternel à David au sujet de Salomon, font ressortir cette vérité d’une manière très remarquable. C’est d’un côté l’élection de grâce, de l’autre la responsabilité du roi et ses conséquences, puis, après ces deux principes, l’assurance que les conseils de Dieu n’en auraient pas moins leur accomplissement.

Tout ceci est d’autant plus frappant que les deux livres des Chroniques nous présentent la royauté sous une autre face. Ils racontent l’histoire de la maison de David ou point de vue de la grâce, comme nous aurons amplement l’occasion de le constater, si le Seigneur nous permet d’arriver à l’étude de ces livres. Il suffit de mentionner ici que, selon ce principe, les Chroniques nous présentent, non l’histoire des rois d’Israël, mais celle des rois de Juda, demeurés plus longtemps fidèles que les premiers, et auxquels le témoignage de Dieu était confié. L’Esprit de Dieu met en évidence, chez eux, l’œuvre de la grâce et tout ce que l’Éternel pouvait approuver, passant souvent leurs fautes sous silence, afin de faire ressortir son but, mais ne cherchant nullement à cacher leurs faiblesses. Au contraire, les deux livres des Rois nous retracent l’histoire des rois d’Israël et n’introduisent ceux de Juda que comme jalons du récit, ou pour faire ressortir les relations mutuelles des deux dynasties.

Établissons encore un fait important en rapport avec l’histoire qui va nous occuper. Dans ces livres, les principes selon lesquels Dieu gouverne son peuple, restent les mêmes que dans tout l’Ancien Testament. Israël, aussi bien que ses rois, est placé sous le régime de la loi. Il ne s’agit point ici de la loi, sous son premier caractère de justice absolue et sans mélange, telle que Moïse la reçut au début. Les tables sur lesquelles cette loi était écrite furent brisées par le législateur au pied de la montagne, et ne parvinrent jamais au peuple qui, avant de les recevoir, avait déjà fait le veau d’or. Dès sa promulgation, cette loi première aurait écrasé le peuple sous le jugement. Mais il s’agit, dans tout le récit que nous considérons, de la loi, telle que Dieu la donna une seconde fois à Moïse et que nous la trouvons au chap. 34 de l’Exode. C’était une loi mitigée, offerte à l’homme pour l’accomplir, si sa chair était capable, ne fût-ce que d’un bien relatif. Elle proclamait, en tout premier lieu, ce que la loi pure ne pouvait nullement manifester, la miséricorde et la grâce de l’Éternel. «L’Éternel, l’Éternel! Dieu, miséricordieux et faisant grâce, lent à la colère, et grand en bonté et en vérité, gardant la bonté envers des milliers de générations, pardonnant l’iniquité, la transgression et le péché». Elle proclamait, en second lieu, la justice: «Qui ne tient nullement celui qui en est coupable pour innocent». Elle annonçait, en dernier lieu, la rétribution selon le gouvernement de Dieu ici-bas: «Qui visite l’iniquité des pères sur les fils, et sur les fils des fils, sur la troisième et sur la quatrième génération» (v. 6-8). Au cours de l’histoire qui va nous occuper, nous aurons l’occasion de reconnaître l’application des principes dont nous venons de parler, soit à l’égard des rois, soit à l’égard du peuple.

Enfin ces livres mettent en lumière une dernière vérité générale. Depuis sa ruine, la sacrificature avait cessé d’être le moyen de relation publique entre le peuple et Dieu. Le roi, l’Oint de l’Éternel, avait été substitué au sacrificateur pour remplir cet office (voyez le commencement du premier livre de Samuel). Toute la bénédiction d’Israël, son jugement aussi, dépendaient désormais de la conduite du roi. Le roi manquant à sa responsabilité, c’en était fait, à proprement parler, des relations du peuple avec Dieu. Mais alors se produit un phénomène qui persiste pendant toute la durée de la royauté, et au-delà: le prophète entre en scène. Son apparition prouve que la grâce et la miséricorde de Dieu ne peuvent être anéanties, quand même tout est ruiné.

Sans doute, la prophétie existait avant le temps dont nous parlons. La chute de l’homme a donné lieu à la première parole prophétique. Abraham est prophète (Gen. 20:7); Jacob prophétise, Moïse est prophète (Deut. 18:15; 34:10); mais Samuel inaugure la série des prophètes que nous voyons à l’œuvre dans les livres qui nous occupent (Actes 3:24). En ces jours sombres, le prophète devient, à défaut du roi, le lien entre le peuple et Dieu. Il est le porteur de la Parole; c’est à lui qu’est confiée la révélation des pensées de Dieu. Immense grâce! Sans doute, le prophète annonce les terribles jugements qui fondront sur le peuple et sur les nations, mais il présente en même temps à la foi la grâce comme le moyen d’y échapper. Il rend témoignage contre l’iniquité, délivre même le peuple, comme Élie, par l’exercice de la puissance, pour le faire recommencer, si possible, à marcher dans le chemin de Dieu, Il enseigne; il donne au peuple, pour me servir des paroles d’un autre, «la clef des voies de Dieu, incompréhensibles sans lui». Il console aussi, en dirigeant les regards vers un avenir de bénédiction, «temps du rétablissement de toutes choses», «royaume qui ne sera pas ébranlé», et où la responsabilité de la maison de David sera portée par le Christ, fils de David, à la pleine satisfaction de Dieu lui-même. Attachant les yeux de la foi sur la personne glorieuse de l’Oint de l’Éternel, il annonce les souffrances du Messie et les gloires qui suivront. Il sent en même temps l’abîme qui sépare le temps actuel de cette «régénération» future. Il s’humilie pour le peuple quand ce dernier n’a pu, ni su le faire. Sans lui, dans les jours sombres de la royauté, il ne restait pas un rayon de lumière à ce pauvre peuple, coupable et châtié. Le prophète relève et fait renaître l’espoir.

Mais, en vertu des principes proclamés sous le régime de la loi, la miséricorde de Dieu reconnaît immédiatement le monarque, quand il agit par la foi et qu’il est fidèle. Quelque incomplète que soit cette fidélité, Dieu l’apprécie, et quand même le lien est ostensiblement brisé, la bénédiction du peuple en est la conséquence. De là, sous le régime du prophète, des jours lumineux succédant aux jours ténébreux, et des répits accordés, malgré le jugement annoncé, parce que le roi a regardé à l’Éternel. Cette fidélité du roi se rencontre généralement en Juda, où Dieu maintient encore pour quelque temps «une lampe à son Oint», tandis qu’Israël et ses rois, ayant commencé par l’idolâtrie, continuent dans cette voie, et deviennent bientôt la proie des démons qu’ils n’avaient pas voulu écarter de leur chemin.