1 Corinthiens

Chapitres 12:31 et 13

Au dernier verset du chap. 12, et au premier du chap. 14, l’apôtre exhorte les saints de Corinthe à «désirer avec ardeur les dons spirituels». J’entends souvent ces paroles dans la bouche des chrétiens, mais je me demande si elles expriment un désir réel sortant du fond de nos cœurs et de nos consciences. Désirer avec ardeur, n’est pas un simple désir, mais un besoin brûlant. Nous pouvons ne pas manquer de dons, sous forme de services divers, mais il s’agit ici des dons de grâce plus grands. Que des chrétiens, habitués à suivre un homme, institué par les hommes, n’aient aucun désir ardent de dons spirituels pour eux-mêmes, cela n’a rien d’étonnant, car ils ont ce qu’ils souhaitent; mais ceux qui possèdent mieux que cela, et que la grâce a sortis d’un milieu où les dons sont méconnus, les désirent-ils réellement? Laissons cette pensée agir sur nos cœurs. Nous n’obtiendrons les dons plus grands que si, sortant de notre apathie spirituelle, nous les désirons avec ardeur. Quels motifs peuvent nous y engager? Nous-mêmes, le relief donné à notre personnalité, ou notre propre gloire? Mais alors, nous n’aurions rien compris à ce que le chap. 12 nous a présenté. Le bien de nos frères, l’utilité pour le corps de Christ, la gloire du Seigneur? Dans ce cas, nous entrons dans un chemin plus excellent. Plût à Dieu, qu’il y ait ce zèle ardent pour Lui et pour l’édification des saints! C’est ce que l’apôtre nous recommande.

Nous avons vu, au chap. 12, que les dons diffèrent, mais il y en a de plus grands, l’un d’entre eux surtout. Le chap. 14 nous dit à son sujet que celui qui prophétise est plus grand que celui qui parle en langues. Or c’était précisément ce dernier don que les Corinthiens estimaient le plus, car il les faisait valoir aux yeux des autres. Jamais les dons qui mettent l’homme en vue ne sont les plus grands. Même la connaissance enfle: un homme qui a beaucoup étudié la Parole et qui en a l’intelligence, est en danger de se croire quelque chose. Seule la connaissance de Christ nous humilie.

Mettant un peu à part les apôtres, comme revêtus d’une mission qui n’était pas confiée à d’autres, il dit: «En second lieu des prophètes». Ce n’est pas comme en Éphésiens 2:20, où il parle du don de prophétie comme appartenant aux apôtres; ici, il sépare d’eux les prophètes, comme en Éph. 4:11, et ajoute en troisième lieu des docteurs. Ce sont donc deux classes d’hommes, dont les premiers, les prophètes, étaient appelés à révéler aux autres les pensées de Dieu, et les seconds à leur enseigner la vérité. Mais, quand il s’agit de prophétie, l’apôtre fait une différence entre la révélation des choses futures et la révélation des pensées actuelles de Dieu. En parlant de la première, il dit au chap. 12:10: «À un autre la prophétie»; et au chap. 13:2: «Si j’ai la prophétie». En parlant de la seconde, il dit au chap. 14:1: «Désirez avec ardeur les dons spirituels, mais surtout de prophétiser». N’avez-vous jamais rencontré ce don-là? N’avez-vous pas dit, quand il s’est exercé dans l’assemblée: «Cet homme est un prophète; il nous a révélé les choses de Dieu, et nous a placés en Sa présence d’une manière toute nouvelle et inattendue»?

Au chap. 12, nous trouvons la doctrine des dons du Saint Esprit, et au chap. 14, ces dons en exercice, mais le chap. 13 introduit entre ces deux sujets une condition absolument indispensable pour l’exercice des dons: l’amour. Sans l’amour, retenons-le bien, ils sont absolument inutiles. On peut posséder les dons les plus éminents; ils n’ont aucune valeur, si l’amour ne les met pas en activité. Cela nous juge. Si notre action dans l’assemblée provient du désir de plaire aux hommes, ou de nous faire valoir, elle est moins que nulle, est elle malfaisante et n’a aucun rapport avec le service du Seigneur. «Est-ce», dit l’apôtre, «que je cherche à complaire à des hommes? Si je complaisais encore à des hommes, je ne serais pas esclave de Christ» (Gal. 1:10).

Le «chemin bien plus excellent» est donc l’amour. Vous verrez, au chap. 14, que tout en découle, quoique le mot «amour» n’y soit pas prononcé. Dans ce chapitre, l’apôtre revient toujours à l’édification, mais il est impossible d’édifier l’assemblée sans l’amour. «La connaissance enfle, mais l’amour édifie» (8:1). Je pourrais communiquer aux auditeurs des choses très intéressantes, mais si elles attirent les regards sur moi, elles n’auront servi qu’à m’exalter et à détourner les âmes de Christ.

Notre chapitre commence par montrer qu’on peut posséder tous les avantages spirituels sans aucun résultat: «Si je parle dans les langues» (choses que les Corinthiens recherchaient avant tout) «des hommes et des anges, mais que je n’aie pas l’amour, je suis comme un airain qui résonne ou comme une cymbale retentissante». Un bruit! Si l’on frappe sur une cloche d’airain, cela produit un son qui se prolonge un peu, puis tout rentre dans le silence. Le son a pu être très harmonieux ou retentissant, comme celui de la cymbale, mais n’a pas produit d’autre effet que de s’envoler dans les airs. «Si j’ai la prophétie, et que je connaisse tous les mystères et toute connaissance...» Il parle ici de la révélation des choses futures et de la connaissance des mystères contenus dans la Parole. «... Et que j’aie toute la foi de manière à transporter des montagnes...» Il fait allusion à la puissance dont le Seigneur entretenait ses disciples: «Si vous avez de la foi et que... vous disiez à cette montagne: Ôte-toi et jette-toi dans la mer, cela se ferait» (Matt. 21:21). Si je possède cette puissance sans l’amour je ne suis rien. On peut exercer une grande influence, être doué d’une manière spéciale pour accomplir des faits extraordinaires, et cependant être réduit à rien, car ces dons sont le néant pour Dieu. L’apôtre va plus loin encore, au v. 3: Un homme distribue tout son bien en aliments, se réduit à l’extrême pauvreté, jusqu’à n’avoir plus que son corps... il le livre pour être brûlé! Je ne pense pas qu’il s’agisse ici des martyrs; car, lorsque Paul écrivait, les martyrs n’étaient pas encore livrés au bûcher, mais il dit cela d’une manière générale pour indiquer qu’un tel homme consent à ce qu’il ne reste rien de lui après lui. Un tel homme sera appelé un héros qui pousse l’abnégation jusqu’à se sacrifier lui-même personnellement, mais s’il n’a pas l’amour, cela ne lui profite de rien.

De telles paroles nous font mieux comprendre l’importance de l’amour dans l’exercice des dons. S’il est absent de nos cœurs, cela doit être un sujet d’humiliation profonde. Comment, sans l’amour, être utile à nos frères? Comment sans lui, annoncer l’Évangile au monde? À cet égard, l’apôtre disait de lui-même: «L’amour du Christ nous étreint». L’amour donnait de la puissance à sa prédication; sans lui, les dons les plus éminents n’avaient pas de valeur. Il peut arriver d’autre part qu’un don sans apparence ni valeur à nos yeux, produise les résultats les plus bénis, parce qu’il a l’amour pour mobile.

Toutes ces choses amènent l’apôtre à la description de l’amour. Il n’en donne pas une définition proprement dite, car l’amour est l’essence même et la nature de Dieu, mais plutôt la description de l’amour en action, et c’est ce que nous avons besoin de savoir. Le chap. 11 de l’épître aux Hébreux nous donne, au sujet de la foi, une description analogue, en nous présentant l’activité de la foi, tandis que la foi est proprement la réception du témoignage que Dieu nous a donné au sujet de son Fils.

En considérant l’ensemble des versets 4 à 7 de notre chapitre, nous pouvons nous convaincre qu’un seul homme, Jésus, a réalisé l’amour d’une manière parfaite. Ces versets sont donc une description de l’activité de l’amour de Christ dans ce monde. Vous trouvez ici, et non sans raison, quatorze caractères de l’amour. Le nombre 7 est celui de la plénitude, le nombre 14 est, pour ainsi dire, la plénitude de la plénitude; le nombre 7 est parfait, le nombre 14, plus que parfait.

Quand il s’agit de notre propre état, nous pouvons nous demander si, même imparfaitement, nous réalisons l’activité de l’amour, telle qu’elle nous est présentée dans ce passage. Arrivés au bout de cette liste, nous devrons avouer, avec une profonde humiliation, que telle n’a pas été notre conduite. Et, nous arrêtant sur chacun de ses caractères, nous dirons: J’ai manqué d’amour! Mais par cet examen de nous-mêmes devant un modèle parfait, nous gagnons en expérience, et nous sommes encouragés à montrer plus d’amour dans notre activité chrétienne.

Remarquez, dans ces versets, les diverses qualités de l’amour: Le caractère général de toutes est le renoncement à soi-même. L’envie, la vantardise, l’orgueil, sont autant de traits de l’égoïsme humain. Je m’arrête souvent sur le mot: «Il n’agit pas avec inconvenance». Un chrétien qui manque de tact, pour parler le langage du monde, n’agit certainement pas dans l’amour. Vous trouverez souvent, en conséquence, beaucoup plus de tact chez des chrétiens sans éducation, que chez d’autres qui en ont reçu. Par la seule raison qu’ils agissent en amour, ils ne disent pas une parole, ni ne font un acte inconvenant. «Il ne s’irrite pas; il n’impute pas le mal; il ne se réjouit pas de l’injustice». Combien cela nous juge! Ne sommes-nous pas plus prompts à faire ressortir les défauts de nos frères que leurs qualités et, quand nous parlons d’eux, le dénigrement n’est-il pas notre première pensée? L’amour ne fait rien de semblable. — L’amour «se réjouit avec la vérité». On rencontre souvent la vérité sans l’amour; alors, au lieu d’attirer les âmes, elle les blesse, les détourne et les repousse. L’apôtre pouvait ne blesser personne, parce qu’il avait de l’amour. — On rencontre souvent aussi l’amour sans la vérité. Dans ce cas, c’est un amour sans objet qui ne mérite pas le nom d’amour, car la vérité, c’est Christ, sa Parole, son Esprit.

Il termine sa nomenclature par ces mots: «Il supporte tout, croit tout, espère tout, endure tout». On trouve, dans l’amour, non seulement les caractères négatifs dont nous venons de parler, mais une énergie positive qui nous rend capables de tout supporter, travaux, fatigues, souffrances; de tout croire. Tout croire n’est pas la crédulité qui croit des mensonges, mais la promptitude à accepter le bien chez d’autres, au lieu de le mettre en doute. «Tout espérer», c’est regarder avec confiance en avant, comptant voir pour d’autres la réalisation du bien, au lieu de nous défier d’eux, ce qui n’est pas autre chose que nous défier de la grâce. «Tout endurer», c’est traverser, sans se plaindre, la calomnie, les outrages, la mauvaise réputation. L’apôtre termine en disant: «L’amour ne périt jamais».

Il montre ensuite que tous les dons, langues, connaissances, prophétie, cesseront pour faire place à ce qui est parfait. Alors nous en aurons fini avec ce qui appartient à l’enfant. Ce dernier parle (langues), pense (prophétie), raisonne (connaissance), comme un enfant; mais tout cela aura sa fin, quand nous verrons face à face et connaîtrons comme nous avons été connus.

Trois choses, ajoute l’apôtre, caractérisent le chrétien et demeurent maintenant, au milieu de tant de choses qui ne durent pas: la foi, l’espérance et l’amour. Mais la foi aussi prendra fin et sera remplacée par la vue; l’espérance prendra fin pour être remplacée par la possession de Christ, son objet. Une seule ne finira pas, celle dont il est dit: «L’amour ne périt jamais». Elle est plus grande que les dons de grâce «plus grands»; plus grande encore que la foi et l’espérance, choses qui demeurent maintenant. Si l’amour est l’Être même de Dieu, il est aussi son activité suprême; une mer de délices sur laquelle nous voguerons éternellement sans jamais en atteindre les rivages, car elle n’en a pas. Nous allons le voir, comme nous avons été vus, le connaître comme nous avons été connus, l’aimer, enfin, comme il nous aime, d’un amour inexprimable. Que cette pensée remplisse nos cœurs et en déborde!