1 Corinthiens

Henri Rossier

Chapitres 1 et 2:1-5

Chers amis,

Mon intention n’est pas de faire une exposition méthodique de cette épître, ni d’entrer dans tous ses détails. J’ai plutôt à cœur de vous présenter certains principes contenus dans ces chapitres, principes d’une grande actualité, qui font appel à nos cœurs et à nos consciences, pour que nous y conformions notre marche collective.

À qui cette épître est-elle adressée? telle est notre première question. Si elle ne l’avait été qu’à l’assemblée locale de Corinthe, on pourrait invoquer ce fait pour éluder les règles et les commandements qu’elle nous donne, ou pour ne pas s’y conformer strictement. Or nous voyons que cette épître est envoyée non seulement aux chrétiens de Corinthe, mais à «tous ceux qui en tout lieu invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, et leur Seigneur et le nôtre». Il n’y a là aucune limitation de lieu, de personne, ni de temps. Tous les chrétiens qui reconnaissent l’autorité de Jésus Christ y sont compris. Nous pouvons donc dire que cette épître est, d’une manière très spéciale, adressée à chacun de nous et à nous tous. Vous n’en trouverez aucune autre dont l’adresse soit aussi générale. Eh bien! n’y a-t-il pas lieu de s’étonner que les prescriptions de cette épître soient plus violées que toutes les autres dans la chrétienté professante; et, notons-le bien, c’est ici que les commandements les plus positifs de tout le Nouveau Testament sont donnés à l’Église. Mais n’oublions pas non plus que, si ces commandements ne sont pas écoutés par ceux qui méconnaissent leur valeur obligatoire, tous les chrétiens, qui désirent servir fidèlement le Seigneur, doivent les imprimer sur leurs cœurs et les mettre en pratique.

Signalons tout d’abord les pièges dans lesquels étaient tombés les saints de Corinthe. Sous une forme ou sous une autre, on ne les rencontre que trop souvent parmi nous. Et cependant, plus instruits que les Corinthiens, qui ne possédaient pas encore toute la pensée de Dieu dans la Parole écrite, nous sommes plus coupables qu’eux de nous y laisser prendre. En faisant le tableau de ce qui manquait à l’assemblée de Corinthe, nous nous peignons donc nous-mêmes sous beaucoup de rapports. Cependant, une chose les distinguait favorablement de nous, et leur donnait un caractère qui fait défaut aux chrétiens d’aujourd’hui: les Corinthiens «ne manquaient d’aucun don», non seulement de dons miraculeux, aujourd’hui perdus, mais ils avaient été enrichis «en toute parole et toute connaissance». Cela ne pourrait guère se dire de nous. Si l’on rencontre aujourd’hui, ici et là, des chrétiens à qui Dieu a confié, pour le temps actuel, des vérités importantes, le nombre de ceux qui ignorent ces vérités, et même les vérités élémentaires du salut, dépasse le leur de beaucoup.

Mais si nous considérons l’usage que les Corinthiens faisaient de dons si multiples, nous découvrons, hélas! qu’ils s’en servaient pour satisfaire leur orgueil spirituel, en s’exaltant eux-mêmes. Combien de fois l’apôtre leur répète: «Vous êtes enflés d’orgueil!» Leur jetterons-nous la pierre? Non, certes. Nous, chrétiens d’aujourd’hui, nous sommes plus inexcusables qu’eux; dès que nous avons reçu du Seigneur quelque don de grâce, nous n’avons rien de plus pressé que de nous en faire valoir, quand notre extrême pauvreté, comparée à la «richesse» des Corinthiens, devrait nous maintenir dans une humiliation profonde.

Les Corinthiens étaient coupables d’une deuxième faute très grave. Il y avait parmi eux des dissensions et des divisions. Réunis autour du nom de Christ, c’est-à-dire comme représentant l’unité de son corps, ils étaient séparés par des opinions divergentes (v. 10-12). Nous y reviendrons; mais, je le demande, ne les voyons-nous pas parmi les chrétiens d’aujourd’hui? Chacun se vante d’une opinion à laquelle il se rattache: or, les opinions, mêmes justes et orthodoxes, comme dans le cas des Corinthiens, ne peuvent produire que la division, quand on les met en avant au détriment d’autres vérités. Le Christ est-il divisé? De fait, un chrétien éclairé ne doit pas avoir d’opinion propre. Je n’exagère pas en parlant ainsi; car quelle valeur peuvent avoir nos opinions personnelles, si «nous avons la pensée de Christ»? (2:16). Jamais «la pensée de Christ» ne me rattachera à une secte, tandis que le maintien de mes opinions y mène invariablement. Jamais non plus la parole de Dieu, comme toute cette épître nous le prouve, ne m’y conduira, tandis que mes opinions sur la Parole me mettent, si Dieu ne me garde, continuellement en danger de les faire prévaloir. Dieu n’autorise pas ses enfants à avoir des opinions différentes. Qu’elles existent parmi les chrétiens, cela est incontestable, car cela correspond à la nature humaine pécheresse, mais non pas à la nouvelle nature et à l’Esprit de Dieu. L’épître aux Philippiens (3:15, 16) admet leur existence, mais ne les attribue pas à ceux qui, par l’Esprit, ont saisi la perfection de leur position en Christ. Sans doute, l’apôtre s’adresse aussi à ceux qui, «en quelque chose», ont «un autre sentiment»; seulement, il n’approuve ni n’excuse ces pensées divergentes, et ne les contredit pas non plus, mais s’attend à Dieu pour qu’Il révèle à ceux qui diffèrent, les choses auxquelles ils ne sont pas encore parvenus. Il n’entre pas en discussion avec eux sur leurs divergences de pensées; il compte sur le Seigneur pour les faire disparaître, mais, dans les choses auxquelles ils sont parvenus, il exhorte les chrétiens à marcher ensemble dans le même sentier.

Il n’en était pas ainsi des Corinthiens qui maintenaient leurs opinions les uns vis-à-vis des autres. Remarquez qu’elles étaient fondées sur des vérités présentées, soit par des apôtres, soit par des hommes de Dieu dignes de toute confiance, comme Apollos; mais dans leur esprit sectaire, les Corinthiens ne voyaient pas qu’ils épousaient une manière de voir, au détriment d’une autre, et qu’ainsi, tout en insistant sur des vérités, ils altéraient la vérité. La vérité est une: Christ qui est la vérité ne peut être divisé. Les dons sont divers, mais proviennent d’un seul Esprit; les opérations sont diverses, mais proviennent du même Dieu qui opère tout en tous. Il ne peut y avoir de division dans le corps. Si leurs opinions divisaient les Corinthiens, cela provenait, d’une part, du manque de support envers leurs frères qui accompagne toujours un esprit charnel; d’autre part, de la valeur qu’ils s’attribuaient à eux-mêmes, n’ayant pas réalisé que la croix de Christ était la fin du moi et de son importance.

Les divisions étaient donc un des graves manquements des Corinthiens; mais on trouvait encore d’autres choses chez eux. Toute sorte de maux s’étaient introduits dans leur sein. Il y avait au milieu d’eux un cas d’impureté tel, que son pareil n’existait pas même parmi les païens; il y avait encore des gens qui s’enivraient, des frères qui se disputaient, se citaient devant les tribunaux, se faisaient des procès, toutes choses des plus blâmables. On trouvait aussi parmi eux de fausses doctrines, des gens enseignant qu’il n’y avait «pas de résurrection de morts» — et tout cela se produisait au milieu d’une activité spirituelle tout à fait extraordinaire.

N’est-il pas remarquable qu’en présence de tant de choses humiliantes, les Corinthiens fussent très empressés à s’instruire sur certains points de détail? Ils oubliaient l’humilité, l’union entre les frères, la pureté, la tempérance, et posaient à l’apôtre des questions, comme, par exemple, s’il était préférable de se marier, ou de ne pas se marier, si l’on pouvait répudier sa femme incrédule, manger des choses sacrifiées aux idoles, etc. L’apôtre répond à toutes leurs questions, mais sans manquer jamais d’en appeler à leur conscience, et en aucune manière pour satisfaire leur curiosité ou leur intelligence.

Ayant exposé en quelques mots l’état des Corinthiens, nous pourrons maintenant nous rendre mieux compte du but de cette épître. L’Esprit se sert du désordre qui les avait envahis, pour nous instruire sur l’ordre qui convient à la maison de Dieu, aussi pourrions-nous donner pour titre à l’écrit qui nous occupe: L’ordre dans l’Assemblée. S’il y a donc, parmi les chrétiens réunis au nom du Seigneur, des traces de désordre — et il y en a toujours — étudions ces chapitres avec soin, sous le regard de Dieu; comprenons-en l’enseignement, afin de voir l’ordre se rétablir. C’est ce que désirait l’apôtre.

Le but de cette épître nous conduit à un court exposé de sa division.

Dans les deux premiers chapitres, l’apôtre montre ce qui est à la base de tout témoignage, de tout ordre chrétien dans la maison de Dieu. Il commence par nous parler de ce qu’est un chrétien. Les Corinthiens ne le savaient qu’imparfaitement. Lorsque nous posons cette question à nos frères en Christ, nous recevons souvent pour réponse: Un chrétien est un homme qui, ayant reçu le pardon de ses péchés par la foi au sang de Christ, est un enfant de Dieu. Or cette définition restreinte, vous ne la trouvez pas dans ces deux premiers chapitres. L’apôtre montre, sans doute, qu’un chrétien a obtenu le salut par la foi (v. 18, 21), mais, en contraste avec l’état charnel qui régnait à Corinthe, il établit qu’un chrétien est un homme complètement condamné quant à toute sa vie précédente, ayant trouvé la fin de son existence comme homme dans la chair, le jugement de lui-même, dans la personne de Christ à la croix, jugement complet, puisque Jésus a été fait péché à notre place. Un chrétien, dans toute l’acception de ce terme, est un homme qui a réalisé cette vérité. C’est aussi pourquoi l’apôtre leur dit — car, tout en les considérant comme sauvés, il les appelle de petits enfants en Christ: — «Je n’ai pas jugé bon de savoir quoi que ce soit parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié», c’est-à-dire: en vous présentant sa personne, je vous ai déclaré que vous-mêmes êtes placés par sa croix sous le jugement définitif de Dieu.

Quelle sera donc notre marche, si nous réalisons ce caractère essentiel du chrétien, de nous considérer comme absolument condamnés en notre qualité d’hommes dans la chair, toute notre conduite antérieure, toutes nos pensées, ayant trouvé leur jugement à la croix de Christ? Condamnés et jugés, nous ne chercherons pas à nous donner de l’importance à nos propres yeux, ni aux yeux des autres. Soyons attentifs à ce premier pas qui devrait toujours accompagner la conversion et le pardon des péchés. La croix de Christ est l’endroit où j’ai trouvé la fin de l’homme pécheur, et aussi la fin de l’homme naturel et la fin du monde, comme nous l’enseigne l’épître aux Galates. C’est pourquoi l’apôtre n’avait voulu savoir autre chose parmi eux que Jésus Christ crucifié.

À la fin du premier chapitre (v. 30, 31), nous trouvons un second caractère du chrétien, et je connais peu de passages qui le définissent d’une manière plus frappante: Vous êtes de Dieu «dans le Christ Jésus, qui nous a été fait sagesse de la part de Dieu, et justice, et sainteté, et rédemption, afin que, comme il est écrit, celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur». Comme pécheur, j’étais en Adam; du moment que j’ai cru au Seigneur Jésus, j’ai trouvé ma condamnation, celle du premier homme, à la croix. Mais maintenant, je suis une nouvelle création dans le Christ Jésus. C’est ma position, et l’épître aux Romains la développe merveilleusement; je suis de Dieu dans le Christ Jésus. Tout ce que je possède comme chrétien, je le possède de la part de Dieu, en Christ et par Christ. C’est Lui qui m’a fait tout ce que je suis. Je suis de Dieu; je tire mon origine de Lui. Si j’ai quelque sagesse, quelque justice, quelque sainteté, c’est en Christ; si j’arrive à la rédemption, comme terme de la course, c’est en Lui. Il n’y a là aucune place quelconque pour le vieil homme; tout est du nouvel homme; je ne puis attribuer ce que je suis qu’à Christ.

Au chap. 2, nous trouvons un troisième caractère du chrétien. Il possède l’Esprit de Dieu, la puissance de la vie nouvelle, qui le rend capable de comprendre les choses divines. Elles nous sont révélées dans la parole de Dieu, de sorte que l’homme nouveau est caractérisé par une puissance spirituelle qui le soumet à cette Parole.

Reprenons maintenant la division de cette épître. Nous venons de voir que les deux premiers chapitres nous parlent de la croix de Christ, comme base de toute notre position chrétienne. Les chap. 3 à 9 traitent de l’ordre qui convient à la maison de Dieu; les chap. 11 à 14, de l’ordre qui convient au corps de Christ. Entre ces deux séries de chapitres se place le chap. 10, sorte de parenthèse, introduite entre la maison de Dieu et le corps de Christ. C’est la chrétienté, ou la profession chrétienne sans la vie. Ce chap. 10 est très important; car ce qui était une exception du temps de l’apôtre ne l’est plus aujourd’hui. La chrétienté actuelle possède la cène, le baptême, marche extérieurement dans le chemin chrétien, sans avoir la vie divine. Or cette profession sans vie aboutit au jugement. Le chap. 15 traite la question vitale de la résurrection. L’épître est donc encadrée entre ces deux grandes vérités: la croix, au chap. 1, et la résurrection, au chap. 15.

 

Nous avons vu que l’état moral des Corinthiens n’était absolument pas proportionné aux dons multiples qu’ils possédaient. Il est important de nous en souvenir, car nous sommes souvent disposés à penser, en voyant Dieu agir par son Esprit au milieu des siens, que leur état d’âme est nécessairement à la hauteur de ses dons. L’exemple des Corinthiens nous fournit la preuve du contraire. Le monde même pouvait s’étonner de leurs dons, et cependant rien dans leur conduite morale ne correspondait à ces bénédictions. Leurs tendances, héritées du paganisme grec, les poussaient vers l’admiration de l’homme dans la chair et vers la sagesse humaine. Dans ce monde-là, la sagesse des philosophes attirait des disciples et faisait école; les orateurs, les littérateurs avaient une immense influence; on les suivait, on les écoutait; les Corinthiens avaient gardé ces habitudes humaines et charnelles, et les avaient transportées dans leur christianisme. Ces écoles de doctrine produisaient des dissensions parmi eux; l’un s’attachait à tel homme instruit, l’autre à tel homme éloquent; un autre encore à tel homme plus puissant et plus énergique. Ils disaient: Moi, je suis de Paul; moi, d’Apollos; moi, de Céphas; d’après leurs préférences naturelles. Selon la chair, Paul était un homme versé dans la science de son temps, élevé aux pieds de Gamaliel, connu par son éducation littéraire, familier avec les poètes d’alors; très habile comme docteur. Aussi tel d’entre eux se prévalait de ce que Paul était par nature, pour dire: Moi, je suis de Paul. — Apollos était un Juif d’Alexandrie, ville renommée pour les lettres; les paroles éloquentes coulaient de ses lèvres et captivaient son auditoire; aussi tel d’entre eux estimait l’éloquence d’Apollos plus savoureuse que la culture de Paul. — Pierre était un homme du commun, mais doué d’une énergie remarquable; il avait fait beaucoup de miracles notoires; ayant reçu directement du Seigneur des révélations capitales, il était placé à la tête des douze... — Moi, je suis de Céphas, disait un troisième. — Moi, je suis de Christ, disait un dernier: Je m’en tiens aux enseignements sortis de sa bouche quand il était ici-bas; je me conforme à la simplicité et à la pureté de sa morale divine, par exemple, dans son sermon sur la montagne; c’est lui que je choisis pour docteur. — Mais Paul demande: «Le Christ est-il divisé?» Y a-t-il différents esprits, ou un seul Esprit, qui animent ces diverses personnes?

Cette parole de Paul aux Corinthiens s’adresse aussi à nous qui invoquons le nom du Seigneur. Reconnaît-on certains de ces traits au milieu de nous? De tels sentiments n’ont-ils pas quelque place dans nos cœurs? Nous devons, hélas! répondre par l’affirmative. L’apôtre dévoile, comme nous l’avons dit, la cause de ce mal qui, au lieu d’unir les enfants de Dieu, les désunit. Il dit: Frères, vous n’avez pas réalisé ce qu’est, au fond, la croix de Christ. Il fait bon marché de toutes leurs prétentions. Je suis venu, dit-il, évangéliser, non point avec sagesse de parole, afin que la croix du Christ ne soit pas rendue vaine.

«Avec sagesse de parole!» Plus je réfléchis sur l’état actuel de la chrétienté dont nous faisons partie, plus je suis frappé de voir une tendance générale à s’adresser à l’intelligence de l’homme. On pense réussir à convaincre le monde, en lui présentant l’évidence des vérités chrétiennes (je ne parle pas ici de fausses doctrines), souvent avec beaucoup d’éloquence, et en fournissant des preuves de ces vérités qui s’imposent à l’intelligence des grands auditoires attirés par les qualités éminentes des orateurs. D’habitude, ceux qui les ont écoutés sont convaincus par eux et reconnaissent combien ce qu’ils ont entendu est remarquable. L’orateur a expliqué l’origine du péché dans le monde, a prouvé l’existence de Dieu, développé la doctrine de la vie éternelle, etc.; mais l’effet produit par ces vérités sur le cœur et la conscience de l’auditoire est nul. En s’adressant aux hommes avec sagesse de parole — non pas, avons-nous dit, avec de fausses doctrines, si fréquentes, hélas! de nos jours — en se servant de la sagesse de l’homme pour prouver aux âmes la vérité des choses révélées, la croix de Christ est rendue vaine. L’apôtre ajoute: «La parole de la croix est folie pour ceux qui périssent», mais pour nous, comme moyen de salut, «elle est la puissance de Dieu» (v. 18). Ainsi, laissant de côté toute sagesse de parole, Paul prêche simplement la parole de la croix. Une telle prédication a pour effet que les hommes intelligents s’en détournent, car elle est folie pour eux; mais, pour nous, elle est la puissance de Dieu. Elle n’est comprise que de ceux qu’elle atteint dans leur conscience. Arrivé à ce point, l’apôtre s’écrie: «Où est le sage? où est le scribe? où est le disputeur de ce siècle?» Dieu lui-même, en présentant la croix de Christ, n’a-t-il pas fait, de la sagesse du monde, une folie? Ce passage est une allusion à Ésaïe 33:17, 18. «Tes yeux verront le roi dans sa beauté; ils contempleront le pays lointain. Ton cœur méditera la crainte: Où est l’enregistreur [scribe]? où est le peseur? où est celui qui compte les tours?» Du moment, dit le prophète, que tu verras le roi dans sa beauté, tous les moyens que tu avais employés pour détourner l’ennemi de Jérusalem, n’auront plus aucune valeur pour toi. Le roi étant manifesté dans sa gloire, l’ennemi est vaincu, et tu n’as plus à chercher des armes pour lui résister. Ce passage qu’Ésaïe applique dans son sens immédiat à Israël, Paul l’adresse à nous, chrétiens. Sans doute, ce passage d’Ésaïe nous parle de la gloire future du royaume. Israël la verra, quand le Seigneur de gloire sera manifesté; nous aussi, car nous verrons sa face, et son nom sera sur nos fronts (Apoc. 22:4). Bien plus encore; il est dit de nous, au chap. 2 de l’épître aux Hébreux, que nous voyons actuellement Jésus couronné de gloire et d’honneur, après la passion de sa mort (v. 9); mais notre passage suppose que déjà nous l’avons contemplé, «élevé de la terre», dans une place où il a enduré le mépris du monde, où ce dernier n’a vu en lui que la folie de Dieu et la faiblesse de Dieu, mais où nous avons vu sa sagesse et sa puissance. Oui, c’est sur la croix que le Fils de l’homme est glorifié, et que Dieu est glorifié en lui, comme le Seigneur le dit lui-même en Jean 13:31. C’est là, qu’avant le déploiement de sa gloire future, nous avons contemplé le roi dans sa beauté. Dans cet endroit même, la croix, j’ai connu la gloire de Christ, une puissance salutaire, victorieuse de Satan, du péché, de moi-même et du monde; et, quand je l’ai contemplé là, je dis: Est-ce qu’un homme quelconque ose venir, devant la croix, faire montre de sa sagesse ou de sa connaissance? La philosophie la plus sublime de l’homme, peut-elle, un seul instant, se faire valoir en présence de la beauté de la croix du Christ? Toute cette sagesse a pour toujours disparu; je ne la verrai plus, comme dit notre prophète (Ésaïe 33:19).

Retenons bien que l’apôtre nous présente ici particulièrement un côté de la croix, quoiqu’elle ait un premier côté qui, même dans ce passage, ne peut être séparé de l’autre. C’est ainsi qu’il est dit ici: «Il a plu à Dieu, par la folie de la prédication, de sauver ceux qui croient» (v. 21). Tout pécheur commence par trouver à la croix le fondement de son salut, le pardon de ses péchés, et le chap. 15:3, marque ce côté-là d’une manière très puissante: «Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures». Rom. 5:8 dit: «Lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous». Tite 2:14, dit encore: «Notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ... s’est donné lui-même pour nous, afin qu’il nous rachetât de toute iniquité». Sans le pardon de nos péchés, nous ne pouvons avoir part au salut, et nous ne devons pas oublier que, dans les épîtres comme dans les évangiles, cette simple vérité est toujours la première que la Parole nous présente comme fondement du christianisme. Citer les innombrables passages qui nous parlent de la rédemption, serait citer la Parole tout entière. Mais, comme nous l’avons dit et le trouvons ici, ce n’est pas le seul côté qui nous soit donné de la croix. Elle est la condamnation la plus absolue de l’homme, et je dirai: non pas de l’homme pécheur seulement, mais de l’homme naturel en général. Elle est le point final de son histoire, qu’il n’est pas possible de recommencer. La première partie de l’épître aux Romains traite du pardon des péchés, la seconde montre la condamnation du vieil homme. Christ a mis fin, dans la mort, à son histoire, et nous avons le droit de le tenir pour mort. L’épître aux Galates va, pour ainsi dire, plus loin. Elle condamne l’homme sans lui donner aucune place, aucun droit, aucune autorité quelconque. Elle dit: «Je suis crucifié avec Christ». Elle ajoute: «Le monde m’est crucifié, et moi au monde».

Cette vérité capitale, les Corinthiens ne l’avaient pas saisie. Ils étaient des chrétiens rachetés, sauvés, mais des chrétiens charnels. Ils n’avaient pas réalisé ce côté de la croix de Christ; ils n’avaient pas compris que toute la sagesse du monde, tous les dons de l’homme naturel n’avaient aucune valeur quelconque dans les choses de Dieu. Celui qui a réalisé cela est affranchi, ne s’enfle pas, n’a plus confiance en lui-même. C’en est fait du moi; on ne se fie plus à sa puissance et à son intelligence; car la puissance du monde, la sagesse de l’homme, ne sont que faiblesse et folie. On a mis sa confiance dans la faiblesse et la folie de Dieu: là est la vraie puissance et la vraie sagesse. J’ai vu ces deux choses à la croix; j’y ai appris que cette faiblesse de Dieu — Dieu lui-même, crucifié dans la personne d’un homme, Christ — était la puissance de Dieu pour le salut. C’est là que j’ai trouvé le début de mon existence devant Dieu, que j’ai appris à connaître les pensées de Dieu, qui ne sont que sagesse, justice, sainteté et rédemption en Christ — pour moi.

Remarquez ici trois sujets: L’apôtre a présenté en premier lieu la croix, la faiblesse et la folie de Dieu, qui se trouve être Sa sagesse et Sa puissance à salut.

Il présente, en second lieu, les objets que Dieu avait en vue dans cette œuvre. A-t-il pris des sages, des intelligents, des nobles? Ah, comme cela rabaissait les prétentions des Corinthiens! Il dit: «Considérez votre appel, frères — qu’il n’y a pas beaucoup de sages selon la chair, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de nobles... Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour couvrir de honte les hommes sages; et Dieu a choisi les choses faibles du monde pour couvrir de honte les choses fortes; et Dieu a choisi les choses viles du monde, et celles qui sont méprisées, et celles qui ne sont pas, pour annuler celles qui sont; en sorte que nulle chair ne se glorifie devant Dieu». Toutes les choses auxquelles prétendaient les Corinthiens n’avaient pas de valeur pour Dieu; et ils n’auraient pas été ses enfants, s’ils avaient été à ses yeux ce qu’ils ambitionnaient d’être dans ce monde. Ils tendaient à occuper une place honorable parmi les intelligents de ce siècle, et ainsi à se glorifier d’eux-mêmes, tandis que, dans l’œuvre accomplie pour eux, Dieu ne leur donnait aucun rôle et revendiquait toute la gloire pour «le Seigneur». De degré en degré, il les fait descendre, dans leur estime, jusqu’au rang des «choses qui ne sont pas»!

En troisième lieu (2:1-5), l’apôtre se donne lui-même à eux comme exemple. Il avait réalisé son propre néant dès le début de sa carrière, car il dit dans sa seconde épître aux Corinthiens: «C’est le Dieu qui a dit que du sein des ténèbres la lumière resplendît, qui a relui dans nos cœurs pour faire luire la connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Christ» (2 Cor. 4:6). Son âme de Juif zélé, orthodoxe et intelligent, était plongée, comme le monde entier lors de la création, dans les ténèbres les plus complètes; Dieu avait dit: Que la lumière soit — et la lumière fut; en sorte que de choses qui ne sont pas, il avait fait des choses qui paraissent. J’appartenais, semble dire l’apôtre, aux choses qui n’étaient pas; Dieu les a prises pour en faire sortir une création nouvelle. Et, dans notre passage, il ajoute: «Quand je suis allé auprès de vous... je ne suis pas allé avec excellence de parole ou de sagesse». Ces choses n’étaient pas en lui, quand il leur avait apporté l’Évangile, il n’avait pas jugé bon de savoir quoi que ce soit parmi eux, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. La croix était avant tout le caractère du Christ qu’il prêchait, et ce caractère mettait fin à toutes leurs prétentions. Quand ils avaient porté les yeux sur l’apôtre, avaient-ils dit: Comme ce Paul est intelligent? Parmi vous, j’étais «dans la faiblesse, et dans la crainte, et dans un grand tremblement». Vous n’avez certes rien trouvé dans ma personne, ni dans mes paroles, qui puisse vous faire penser que j’avais une confiance quelconque en la chair et dans la puissance de l’homme.

Après leur avoir présenté la croix, comme la condamnation de tout ce qui est dans l’homme, Paul leur montre (1:30, 31), qu’il y a pour le croyant une autre place que celle de l’homme naturel: Vous êtes de Dieu «dans le Christ Jésus». Quelle vérité!

Ces pauvres Corinthiens (et combien souvent nous aussi) mettaient plus d’importance à la glorification de l’homme, qu’au fait que nous sommes de Dieu, que notre origine, comme chrétiens, que notre naissance, sont de Dieu, et qu’en nous sauvant Dieu a pris des choses qui n’étaient pas, pour en faire des choses qui demeurent éternellement. Il n’y a donc plus, dans le plan du salut, une place quelconque pour l’homme. C’est ce qui faisait dire à l’apôtre: «Je connais un homme en Christ». Il n’y avait plus pour lui d’autre place que celle-là. Celui qui a compris sa position en Christ n’a plus aucun sujet de se glorifier, et Paul ne désirait pas autre chose que d’être trouvé en Lui (Phil. 3:9).

Vous rencontrerez, tout au long de cette épître, la condamnation de l’orgueil de la chair, qui a toujours une bonne opinion d’elle-même (3:21; 4:6, 7, 18; 5:2-6; 8:l, 2; 13:4). Au milieu de tant de traits qui caractérisaient chez les Corinthiens l’homme charnel, il y en avait un de spécial: la haute estime qu’ils avaient d’eux-mêmes et de leurs dons, parce qu’ils n’avaient pas réalisé que l’homme, comme tel, n’a aucune place devant Dieu.