1 Chroniques

Chapitre 2

Juda en rapport avec la royauté.

Dès le début de ce chapitre, les noms des fils de Jacob, appelé Israël, sont mentionnés sans ordre, dans le but, je pense, de nous les montrer comme étant tous, indistinctement, les objets des desseins de Dieu en grâce. C’est ainsi que nous trouvons d’abord les enfants de Léa, puis ceux de Rachel mentionnés entre Dan et Nephthali, fils de Bilha, enfin Gad et Aser, les fils de Zilpa, servante de Léa.

Ce que nous constatons ici nous fournit l’occasion d’une remarque qui semble ne pas avoir attiré l’attention.

L’énumération des fils de Jacob et respectivement des douze tribus se retrouve, sauf erreur, vingt-deux fois dans les Écritures et chaque fois dans un ordre différent. Il faudrait plus de place que nous n’en pouvons disposer pour examiner en détail les causes de ce fait. Outre les versets 1 et 2 de notre chapitre nous rencontrons encore trois fois cette énumération dans le premier livre des Chroniques.

Reprenons le cours de notre chapitre:

Dans les Chroniques, l’exactitude des généalogies dépend, en grande partie, de l’importance que les Juifs y apportèrent pendant leur captivité et le désordre qu’elles révèlent correspond à l’état du Résidu, tel que nous le trouvons dans les livres d’Esdras et de Néhémie. Un nombre considérable de personnes, soit du peuple, soit de la sacrificature, ne put prouver sa généalogie. À défaut de chefs, ils purent cependant se faire reconnaître par leurs noms de familles, de groupes et de villes, qui devinrent de cette manière, pour ainsi dire, une «personne morale», reconnue comme souche de leur descendance (cf. Esd. 1 et ici 2:50, 54, 55; 4:9). De plus, le grand désordre qui s’était introduit, explique, en partie du moins, pourquoi les descendants très éloignés d’un chef de race furent considérés comme ses fils (Voyez par exemple, Shobal, l’arrière-petit-fils d’un petit-fils de Juda (cf. 2:50; 4:1). Ce même désarroi explique aussi comment on voit apparaître inopinément, et compter comme chef de race, un chef de famille dont le nom n’avait pas été prononcé jusqu’alors (8:33).

La généalogie de Caleb offre un frappant exemple de ce désordre et de la tenue fragmentaire des registres généalogiques. Caleb (appelé non sans but, je le pense, Kelubaï au v. 9) est fils de Hetsron et arrière-petit-fils de Juda. Nous trouvons sa généalogie aux versets 18-20, et la descendance de ses deux femmes, Azuba, Éphrath. Aux versets 42 à 49 nous retrouvons la descendance de ce même Caleb par ses concubines. Il est appelé frère de Jerakhmeël (fils d’Hébron, v. 9). Mais, tout à la fin de cette énumération, nous sommes subitement transportés en présence d’Acsa, fille, comme nous le savons, de Caleb, fils de Jephunné (Jos. 15:16). Aux v. 50 à 55 nous rencontrons, pour la troisième fois dans ce chapitre, la descendance de Caleb, fils d’Hetsron, par Hur, premier-né d’Éphratha, dont une partie de la généalogie nous a déjà été donnée au v. 20.

Enfin, au chap. 4:13-15, nous trouvons la descendance de Caleb, fils de Jephunné et de son frère Kenaz. Or, même de ce côté-là, cette généalogie est tronquée.

Faut-il conclure de tout cela que le texte des Chroniques est une compilation humaine et fantaisiste et que, même la valeur historique de ce livre est nulle? C’est ce que prétendent les rationalistes, mais, grâce à Dieu, leur raison se trouve toujours en défaut quand elle s’attaque à Sa Parole. Nul chrétien éclairé ne niera que les généalogies des Chroniques ne soient composées de fragments récoltés au milieu de la confusion générale, documents que Dieu marque du sceau de son approbation. Cela est si vrai qu’une quantité de passages dans ces généalogies sont de source très ancienne, non mentionnée dans les autres livres de l’Ancien Testament.

La généalogie fragmentaire de Caleb, sur laquelle nous avons insisté plus haut est très instructive sous ce rapport. Nous savons, d’après une quantité de passages des Écritures (Nombres 13:7; 14:30, 38; 32:12; 34:19; Deut. 1:36; Jos. 14:13) quelle faveur Caleb, fils de Jephunné, s’attira de la part de Dieu, par sa persévérance, son courage moral, sa fidélité, son ardeur à conquérir un lot dans le pays de Canaan. L’approbation de l’Éternel était sur lui, tandis que Caleb, fils de Hetsron et de Juda, n’est point mentionné, malgré sa nombreuse descendance, comme l’objet d’une faveur spéciale de Dieu. Or, si les généalogies fragmentaires de Caleb, fils de Juda, sont la preuve du désordre existant, Dieu coordonne ces fragments en vue d’un but spécial et nous y trouvons une pensée plus profonde. C’est Caleb, fils de Jephunné, que Dieu a tout particulièrement en vue, comme la Parole nous l’enseigne; c’est lui qu’Il introduit d’une manière si extraordinaire dans la généalogie du fils d’Hetsron (2:49). C’est en vue de lui, que cette généalogie est inscrite à côté de celle de David, comme faisant partie de la tribu de Juda, d’où sort la race royale. Mais, par quels liens Caleb, fils de Jephunné, qui eut Acsa pour fille, se rattache-t-il à Caleb, fils d’Hetsron? C’est ici que survient un fait du plus haut intérêt qui n’a peut-être pas assez attiré l’attention. Caleb, fils de Jephunné, n’était pas originairement de la race de Juda. En Nomb. 32:12, en Josué 14:6, 14, il est appelé Caleb, fils de Jephunné, le Kenizien. De même le jeune frère de Caleb, Othniel, auquel Caleb donna sa fille Acsa pour femme est appelé «fils de Kenaz» (Jos. 14:17; Juges 1:13; 3:9, 11). Or, en Genèse 36:11, nous apprenons que Kenaz est un nom édomite, d’où la conclusion qu’à un certain moment la famille de Kenaz, et par conséquent de Caleb, fils de Jephunné, fut incorporée aux tribus d’Israël comme tant d’autres étrangers, tels que Jéthro, Rahab, Ruth, qui devinrent, en vertu de leur foi, membres du peuple de Dieu. Cela explique une parole caractéristique en Jos. 15:13: «Selon le commandement de l’Éternel à Josué, il donna à Caleb, fils de Jephunné, une part au milieu des fils de Juda... c’est Hébron». Et, en Jos. 14:14: «C’est pourquoi Hébron appartient en héritage, jusqu’à ce jour, à Caleb, fils Jephunné, le Kenizien, parce qu’il avait pleinement suivi l’Éternel, le Dieu d’Israël».

Ainsi Caleb qui, par son origine, n’avait pas réellement droit de cité en Israël, reçoit ce droit au milieu de Juda en vertu de sa foi et est incorporé dans la famille de Caleb, fils d’Hetsron, comme il apparaît en 2:49, et dans les passages déjà cités de Josué. Les fragments conservés de la généalogie de Caleb, fils d’Hetsron, confirment la place assignée par Dieu à Caleb, fils de Jephunné, et cette substitution est un des points importants que l’Esprit de Dieu nous signale ici.

En résumé, le nom de Caleb est mis en évidence dans ce chapitre. À ce nom se rattache l’idée de «vertu», c’est-à-dire d’une énergie morale qui, en vue du but à atteindre, fait franchir au croyant les obstacles le séparant de toute entrave, et du péché qui enveloppe si aisément. «Joignez à votre foi la vertu», est-il dit en 2 Pierre 1; Caleb en est l’exemple. Autour de ce nom viennent se ranger des caractères de même trempe que celui du fils de Jephunné: Othniel, Acsa (4:3; 2:49); Hur (2:19, 50; 4:1, 4); Jaïr (quoique ce dernier ait perdu ensuite tout ce que son énergie avait d’abord acquis, 2:22, 23); les Récabites (2:55).

D’autres membres de la famille de Caleb, fils d’Hetsron, tout en étant témoins des grâces accordées à la foi, le sont en même temps de la stérilité qui est la conséquence de la ruine. Tels Séled, Jéther, Sheshan qui meurent sans fils (v. 30, 32, 34).

La stérilité caractérise surtout, il est vrai, la descendance de Jerakhmeël. Quoiqu’il soit l’aîné des fils de Hetsron (v. 9), il a de nouveau ici la dernière place (v. 25) et ce fait s’accorde avec ce que nous avons vu du caractère des Chroniques au chap. 1. Les caractères de l’homme naturel sont aussi bien héréditaires que les caractères d’un homme de foi comme Caleb, seulement ces derniers le sont par grâce. Ce n’est pas de Jerakhmeël, mais de Ram, son frère puîné, que descend la race de David (v. 9-16).